Dans le cadre de notre dossier sur le secteur de la mobilité qui se prépare à la période de Noël, nous nous sommes entretenus avec différents acteurs de la distribution, dont Clément Agnello, Business Unit Manager en charge des ordinateurs et des tablettes chez Rue du Commerce. Avec lui, nous allons revenir sur la stratégie du revendeur sur ces marché, mais aussi sur la gamme Clust qui est produite par et pour le revendeur en ligne. Voici la retranscription complète de notre échange.

Nous avons eu comme information que certains distributeurs allaient volontairement couper leurs commandes de portables pour mettre l'accent sur les tablettes tactiles durant les fêtes de fin d'années. Qu'en est-il chez vous ?

Cela ne m'étonne pas du tout, notamment pour ce qui est de la distribution physique. Le marché des ordinateurs portables est avant tout fait par les spécialistes, car ils sont très techniques. Même si cela devient de plus en plus un produit pour « Madame Michu », c'est avant tout les spécialistes comme la Fnac, Darty, Boulanger, etc. qui vont générer le volume. La tablette est le produit « Mass Market » idéal pour la grande distribution alimentaire.

Nous l'avions anticipé dans nos achats pour cette fin d'année, et notamment pour le quatrième trimestre de cette année. Comme on peut le voir avec les publicités des uns et des autres, l'accent est clairement mis sur les tablettes. Et les PC portables viennent après. Et sur la période de Noël, cela va être encore pire.

Nous avons vu que vous aviez lancé des tablettes qui vous sont propres sous la marque Clust, est-ce que cela va dans ce sens ? 

Les tablettes Clust ont été lancées il y a quelques semaines et répondent à un cahier des charges précis. Ce ne sont pas des tablettes premier prix à proprement dit. Nous avons des tablettes premier prix en no name. Mais nous avons des tablettes Clust qui permettent de faire une montée en gamme juste au-dessus, qui proposent le meilleur rapport caractéristiques techniques / prix.

Et aujourd'hui on a déjà des échos particulièrement positifs de la part des bloggeurs et de sites d'influence concernant ces produits. Et cela va continuer puisque nous allons avoir des produits « V2 » qui vont sortir, après ce qui aura été une phase de test pendant la période de la rentrée. Mais à Noël, nous aurons des versions avec des caractéristiques techniques plus élevées avec des tarifs très agressifs.

Vous allez vous placer en frontal avec les marques avec de tels produits ou vous visez à remplacer votre offre d'entrée de gamme ?

C'est un peu différent, car la marque Clust est inconnue, même si elle fait référence à un site connu, elle reste moins connue qu'une marque A ou B comme Memup ou encore Archos. Mais le but n'est pas forcément d'aller concurrencer ce type de produits. Elles vont servir à assoir la notoriété de Rue du Commerce sur ce segment-là, avec une marque qui nous est propre.

Cela nous permet de nous différencier de la concurrence. Au lieu de jouer une tablette Archos que notre concurrent aura aussi, nous aurons une tablette qui sera innovante, qui sera forcément moins chère qu'une Archos ou une Mpman, car nous n'avons pas les frais de structure que les marques peuvent avoir. Mais nous aurons le même niveau de qualité.

Ce sont des produits que vous importez directement depuis l'Asie et sur lequel vous apposez simplement votre marque ?

Je ne peux pas m'étendre trop sur le sujet. Ce sont bien des produits que l'on fait fabriquer en Chine, mais ce ne sont pas juste des produits rebrandé comme peuvent le faire certains. Nous avons un agent ici en France qui se charge de définir le cahier des charges et qui fait produire les tablettes en fonction de ce que nous souhaitons.

C'est vraiment du sur-mesure, c'est-à-dire que nous choisissons l'ensemble des composants que nous voulons à l'intérieur. Ce ne sont pas des produits qui sont déjà sortis des chaînes, ils sont bien brandés Clust : il y a un logo autant sur le packaging que sur la tablette.

Si l'on parle des produits premiers prix, il y a quelque chose de déceptif dans l'usage et on place notre marque Clust au-dessus de cela. Car nous pensons qu'il y a beaucoup de consommateurs qui ont été déçus par ce type de tablettes. 

Les tablettes sont-elles certifiées Google ? Les applications comme le Play Store, Gmail, etc. sont-elles bien de la partie ? Si l'on regarde les modèles actuels, elles sont toutes estampillées compatibles.

Je ne peux pas vous assurer qu'elles sont certifiées par Google, mais elles ont bien accès au Play Store officiel de Google. Mais en aucun cas, vous pouvez voir qu'elles sont certifiées par Google. Mais je ne préfère pas rentrer dans les détails sur la certification.

Si vous regardez les tablettes Arnova, elles n'ont pas le Play Store par défaut, mais il peut être installé en bidouillant un peu. Notez que l'on va s'associer avec une grande marque de jeux pour mobiles et des jeux seront installés par défaut sur notre tablette.

Gameloft ?

Nous allons travailler avec une grande marque, mais je ne peux pas encore vous dire avec laquelle. Vous pouvez en déduire ce que vous voulez, mais c'est une grande marque de jeux. Tout ce que je peux vous dire c'est qu'un second store sera disponible et il donnera accès à certains titres. Il y a un partenariat qui se prépare et il sera valable très certainement dès cette fin d'année.

Avez-vous encore intérêt à référencer des tablettes comme celles d'Archos, si vous faites plus ou moins la même chose avec votre marque Clust ?

Oui. La tablette est un produit vraiment grand public. Car les consommateurs sont attachés aux marques. Les budgets marketing investis par les constructeurs sont considérables. Pourquoi les gens sont aussi attachés à deux marques comme Samsung et Apple ? Un Samsung est devant une marque comme Coca Cola aujourd'hui. Du coup, dès lors qu'ils veulent acheter une tablette, ils ont en tête un iPad ou une tablette Samsung. Si j'ai pris ces deux exemples-là c'est très criant, mais il en va de même avec les autres marques. Ne pas faire d'Archos ou de Mpman, c'est aujourd'hui impossible. Notre marque Clust vient en complément des autres marques que nous avons aujourd'hui.

Dans les magasins physiques, cela risque de poser problème, car les linéaires ne sont pas extensibles et qu'il faudra faire des choix. Sur internet, nous n'avons pas ce problème et on peut travailler avec toutes les marques. Rue du Commerce devient un repère pour les marques. On se positionne de plus en plus avec les marques. Amazon va se placer nettement plus sur l'aspect logistique pur et dur avec un catalogue exhaustif, Cdiscount, c'est du prix, alors que chez nous, nous allons travailler l'aspect boutique de marque. Nous avons par exemple une association avec ASUS qui est très forte aujourd'hui. Les marques sont essentielles pour nous et nous ne nous passerons jamais d'elles.

Nos produits sont qualitatifs, avec une coque en aluminium et quasiment tous munis de processeurs à quatre cœurs. Le but est d'avoir des produits innovants mais à un prix raisonnable. Ce n'est pas uniquement pour faire du prix. Si vous prenez l'exemple de Boulanger qui fait aussi de la tablette, elles sont placées au niveau de l'entrée de gamme, elles font juste le boulot.

Mais avec les constructeurs qui sont très agressifs sur les tablettes, y'a-t-il vraiment un intérêt ? Si l'on prend l'exemple d'ASUS qui a annoncé des tablettes à 150 euros comme les MeMoPad HD 7 ou MeMo Pad 10 à 249 euros. Quelle pérennité du coup sur ces segments-là ?

Nous allons avoir des produits différenciant. Si je prends l'exemple de ce que nous allons voir pour Noël chez nous, nous allons avoir un modèle de 7,85 pouces, très similaire à l'iPad Mini d'Apple, mais avec un processeur à quatre cœurs à nouveau, 16 Go de stockage, dans un châssis en aluminium brossé. Le tout sera disponible au lancement à 129 euros. Le but n'est pas de faire des produits à forte marge.

Quel suivi logiciel pour vos tablettes Clust ?

Nous assurons effectivement un suivi logiciel de nos produits. Pour l'instant, il n'est pas question de faire de l'OTA (NDLR : la mise à jour au travers du Wi-Fi). On va d'ailleurs mettre en place un site qui permet de récupérer les mises à jour.

Pour l'instant, toutes nos tablettes sont livrées sous Android Jelly Bean (NDLR : 4.1 ou 4.2), mais nous comptons bien effectuer les mises à jour sur les versions supérieures comme la 4.3 ou 4.4. Par contre, vous dire à quelle échéance, elles seront disponibles, je ne suis pas capable de vous le dire.

Des objectifs de ventes sont-ils déjà fixés ?

Oui, mais rien encore pour nos propres tablettes, enfin disons que je ne préfère pas communiquer la dessus. Au global pour cette fin d'année, nous nous sommes positionnés sur un volume de 600 000 tablettes pour ce dernier trimestre de l'année. Et il faut savoir que 70 % des ventes de l'année sont faites pendant le quatrième trimestre. Et 50 % des ventes sont faites pendant le mois de décembre uniquement.

Est-ce que les volumes de ventes de tablettes Windows décollent enfin de votre côté ?

Pour l'instant, les volumes sont relativement faibles et la période faste n'est pas encore là. Nous aurons un produit en avant-première dans les prochaines semaines et qui sera exclusif à Rue du Commerce. Mais globalement, les ventes de tablettes Microsoft progressent.

Aujourd'hui, le problème est que les tablettes Windows 8 ont été vendues beaucoup trop chères. Depuis que les prix moyens ont baissé de 30 %, cela va effectivement mieux, car en positionnant les tablettes Windows 8 à plus de 500 euros, il était impossible de percer. À 300 euros, c'est encore compliqué, mais cela va nettement mieux.

Mais l'avenir à court ou moyen terme des tablettes Windows 8 va passer par les hybrides ou les convertibles. Ce ne seront pas des tablettes, mais plutôt des PC qui font office de tablettes. Le salut de Windows 8 passera par ce type de format. Le gros avantage de ce type de produits est qu'il peut être une tablette, mais surtout un PC, sur lequel on peut vraiment travailler et pas uniquement consommer des médias. Et comme Microsoft se désengage plus ou moins de Windows RT qui a été un flop pour le coup, on a de vraies solutions PC.

D'ailleurs des produits sous Windows RT est-ce que vous en avez-vendu et avez-vous eu beaucoup de retour d'utilisateurs ?

Malheureusement, je ne pourrais pas vous répondre, car je n'ai pas l'information. Mais il ne me semble pas que nous ayons trop de retour négatif. Mais pour moi, le client ne pouvait pas comprendre la différence entre un produit sous Windows 8 et un autre sous Windows RT. 

Allez-vous baisser votre volume d'ordinateurs de portables ou pas du tout ?

Pas vraiment. Nous avons commandé un peu plus que l'année dernière à la même époque. Nous pensons qu'il y aura une légère croissance des ventes pour la fin d'année. Nous sommes multi-spécialistes et nous sommes historiquement très forts sur les ordinateurs portables. Comparés à certains concurrents comme Cdiscount par exemple, nous avons la possibilité de vendre du très haut de gamme. On essaye de proposer l'innovation avant tout le monde. 

Il est vrai qu'au niveau du référencement des nouveautés, vous affichez souvent très en avance les produits et vous les mettez systématiquement en précommande.

On essaye d'être toujours en amont des sorties de produit. Nous avons mis en ligne assez tôt des fiches produits pour les Yoga 2 Pro de chez Lenovo , bien avant qu'ils ne soient disponibles vers la fin du mois d'octobre, voire début novembre selon les modèles, ou encore l'AT300, le Transformer Book chez ASUS, etc.

Certains de nos concurrents ne travaillent pas ce type de produits car ils sont souvent comptés comme des produits de niche. Ce sont des produits vendus à 700 euros, alors que le cœur du marché est en dessous des 500 euros. 60 % des volumes de ventes sont en deçà des 500 euros.

On travaille beaucoup sur ce segment du haut de gamme pour se différencier, car en dessous de 500 euros, il y a un peu tout et n'importe quoi. Notre principal concurrent, Cdiscount fait beaucoup de volumes sur des machines à 400 euros, mais il n'y a plus vraiment de logique, il n'y a plus vraiment de valeur à faire et il n'y a surtout plus grand-chose à raconter sur ce type de produit. Il n'y a plus de form factor intéressant, il y a des caractéristiques techniques et c'est tout

... ce ne sont pas des produits assez sexys ?

Non justement. Ces produits ne sont pas sexys et l'on préfère travailler un peu sur ce segment des machines. Si nous prenons le cas du Spectre XT de chez HP, il a été lancé à plus de 1000 euros. Aujourd'hui on le propose à moins de 600 euros en déstockage avec un Core i5 et cela part plutôt bien. On remarque cependant qu'aujourd'hui, ce ne sont plus seulement les caractéristiques techniques qui font vendre, Le design aide beaucoup à la vente du produit.

Si l'on prend aussi le cas de l'UX32 d'ASUS, l'Ultrabook sorti l'année dernière et dont le prix a beaucoup baissé, on peut voir qu'on arrive à faire un volume de vente important. Le châssis a vraiment une importance dorénavant pour le client. On achète plus un PC aujourd'hui pour réaliser certaines tâches, mais plutôt comme un objet pour se faire plaisir. Au-delà de 500 euros, il est donc nécessaire d'avoir un produit avant tout joli et une grosse brique en plastique, ne se vend plus.

Vous ne vendez pas de Chromebook chez Rue du Commerce, croyez-vous tout de même les avoir un jour à votre catalogue ?

C'est actuellement en discussion. On en vend, mais pas en direct. Cela passe uniquement par notre galerie. Nous verrons si nous en ferons d'ici la fin de l'année, mais pour l'instant rien n'est fait. À vrai dire, je n'ai pas trop d'avis sur le sujet.

D'après les échos que nous avons des constructeurs, il semblerait que cela reste un marché de niche et que ça ne décolle pas, contrairement aux États-Unis par exemple.

C'est assez logique. Les Français sont en général assez réfractaires au changement. Même si depuis Windows 8, on voit un certain changement au niveau des habitudes, je ne vois pas vraiment comment Google pourra démocratiser Chrome OS sur le marché français.

Chez nous, cela va prendre un peu de temps avant que cela décolle. Aux États-Unis, les marques comme Apple, Dell ou encore HP sont très fortes, et il n'est pas très étonnant que Google perce là-bas, mais chez nous la situation est très différente.

Android a pourtant ouvert de nombreuses portes non ?

Android est selon moi très différent. Il est arrivé à un moment où il n'y avait pas de réel produit équivalent. Il y avait iOS chez Apple et Windows Mobile chez Microsoft à l'époque, mais rien n'était vraiment performant. Mais la compatibilité offerte par les PC est bien plus complexe, comme le support nombreux des périphériques par exemple.

Au final, il y aura peut-être un changement d'attitude en 2014 pour les Chromebook, mais pour l'instant, il ne devrait pas y avoir de changement dans l'immédiat.

De temps en temps, vous proposez des portables équipés d'Ubuntu, est-ce que c'est quelque chose que vous allez intensifier, est-ce que cette offre fonctionne correctement ?

Nous l'avons fait effectivement avec ASUS et Acer, mais les consommateurs n'ont pas forcément compris le produit, car ils s'attendaient à retrouver des produits avec Windows. Et cela a généré des retours importants, les clients n'ont certainement pas fait attention à ce qu'ils achetaient, même si nous avions mis en place certaines choses pour que cela apparaisse clairement sur les fiches produits.

Nous souhaitons remettre une offre en place pour cette fin d'année, car il y a clairement une demande, mais nous allons mettre quelque chose qui clignote, qui attire l'œil, pour mieux prévenir les consommateurs qu'il s'agit d'un produit sous Linux et non Microsoft.

Un mot de conclusion ?

Nous n'allons pas du tout nous désengager du marché des ordinateurs portables, c'est stratégique chez nous et nous allons profiter du désengagement de certains pour essayer de prendre des parts de marchés. Nous sommes positionnés sur ce créneau et la rentabilité est plus importante sur ce type de produit. Sans parler du prix de vente moyen qui est bien plus élevé et le chiffre d'affaires généré n'est pas le même.

Merci Clément Agnello.