Travail illégal : le bout du tunnel pour la liste noire publiée sur le Net
Le seuil d'amende passe finalement à la trappe
Le 09 juin 2014 à 12h21
4 min
Droit
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Derniers réglages parlementaires pour la future « liste noire » des entreprises condamnées pour travail illégal. La commission mixte paritaire chargée d'arriver à un accord entre députés et sénateurs vient en effet de convenir de la fin du seuil d’amende prévu jusqu’ici afin que le juge puisse procéder à cette mise à l’index sur Internet. Explications.
Examinée dans le cadre d’une procédure accélérée, la proposition de loi socialiste visant à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale arrive dans sa dernière ligne droite. Adopté une première fois par chacune des deux assemblées, le texte vient en effet de faire l’objet d’une commission mixte paritaire, composée donc de sept députés et sept sénateurs.
Une peine complémentaire mise à la disposition du juge
Les parlementaires sont ainsi arrivés à un accord sur son article 6, lequel vise à compléter l’arsenal de sanctions que peut infliger un juge lorsqu’il doit condamner des faits de travail illégal (prêt illicite de main d’œuvre, travail dissimulé, marchandage, emploi d’étrangers sans titre de travail, fraudes aux revenus complémentaires). La majorité veut ainsi donner au juge la possibilité d’infliger une peine complémentaire - donc non obligatoire - d’inscription du nom du coupable sur une sorte de « liste noire » qui serait publiée par les services du ministère du Travail sur un site Internet dédié.
Un seuil de déclenchement sans cesse rabaissé, jusqu’à sa suppression complète
Mais depuis les premiers pas du texte, une question essentielle revient sans cesse sur le tapis : à partir de quand les magistrats devraient-ils pouvoir décider d’en arriver à une telle mise à l’index sur le Net ? Alors qu’il était initialement question d’un seuil de 45 000, puis 15 000 euros d’amende, ce montant a à nouveau été raboté. Le texte adopté par la CMP prévoit en effet que cette diffusion (qui pourra être décidée dans la limite de deux ans maximum) sera possible « lorsqu’une amende est prononcée ». Autrement dit, une amende d’un euro symbolique pourrait suffire pour infliger une telle sanction.
Le mois dernier, le Sénat avait déjà fait sauter ce seuil d'amende, mais pour deux cas de figure uniquement : pour travail dissimulé et pour l’emploi d'étrangers sans titre de travail. Devant la CMP, les rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat avaient donc déposé un amendement afin de mettre l’ensemble des infractions visées par le texte sur un même pied d’égalité.
L’opposition de l’UMP, mais aussi du ministre du Travail
Une évolution qui a cependant fait sourciller l’opposition. « La suppression du seuil constitue un durcissement très important des sanctions et conduira le groupe UMP à voter contre cette mesure » a ainsi prévenu le député Dominique Tian, qui s’était déjà battu contre cette proposition lors des débats à l’Assemblée nationale, en février dernier.
« Le dispositif existant ne touche qu’une dizaine d’entreprises par an, ce qui est manifestement insuffisant au regard du taux de fraude très élevé dans de nombreuses entreprises petites ou moyennes » a néanmoins rétorqué le député Gilles Savary, rapporteur pour l’Assemblée nationale. « La sanction sera laissée à l’appréciation du juge » a également rappelé l’élu. Selon lui, ce sont ainsi « des entreprises notoirement indélicates et probablement récidivistes » qui devraient vraisemblablement être visées par le futur dispositif.
Fait intéressant : le ministre du Travail, François Rebsamen, s’était montré défavorable à un tel rabotage du seuil d’amende. « La liste noire doit être exemplaire... Y inscrire toutes les entreprises fraudeuses serait en amoindrir la portée » avait-il ainsi soutenu au Sénat, affirmant que le seuil de 15 000 euros était à ses yeux « équilibré ». L’intéressé avait par ailleurs donné quelques chiffres permettant de mieux éclairer le débat : « En 2010, douze amendes supérieures et 161 inférieures à 15 000 euros ont été prononcées. En 2011, 7 supérieures et 114 inférieures. » En clair, le ministre craignait que trop d’entreprises soient mises à l’index, ce qui pourrait nuire à la lisibilité du dispositif.
Validé en CMP, le texte doit maintenant être adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées. Première étape programmée de cette dernière ligne droite : la lecture devant le Sénat, qui est prévue pour jeudi prochain.
Travail illégal : le bout du tunnel pour la liste noire publiée sur le Net
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Une peine complémentaire mise à la disposition du juge
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Un seuil de déclenchement sans cesse rabaissé, jusqu’à sa suppression complète
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L’opposition de l’UMP, mais aussi du ministre du Travail
Commentaires (7)
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Abonnez-vousLe 09/06/2014 à 12h34
Au moins un truc qui va dans le bon sens " />
Reste plus qu’à attendre dans 3 ans le site découlant du décret Sunshine qui doit arriver dans quelques jours depuis des mois " />
Le 09/06/2014 à 13h01
9 juin 2024 : Jean Sarkozy applaudit la nouvelle loi de publication des infractions routières sur Internet.
Le 09/06/2014 à 13h08
Est-ce que le nom du patron de l’entreprise sera dans les infos visibles ? Parce que juste CieMachin, ça fait peur à personne justement, tandis que M.Enfleure, ça indique déjà quelque chose, surtout quand ce dernier possède plusieurs entreprises.
Le 09/06/2014 à 13h29
Le 09/06/2014 à 13h57
Le 09/06/2014 à 14h29
C’est sympa ce principe de faire des listes, mais j’ai quand même peur qu’on ne puisse pas reconnaître les auteurs dans la rue avec ça, il faudrait leur faire porter un signe distinctif.
Le 09/06/2014 à 15h22
Je vois venir des “sociétés de prestation de ressources humaines” qui, en cas d’infraction, serviront de kleenex/fusibles afin de ne pas éclabousser l’image des grands groupes industriels. " />