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Au Sénat, la lointaine mise en Open Data des décisions de justice

Code à la joie

Au Sénat, la lointaine mise en Open Data des décisions de justice

Le 28 avril 2016 à 08h04

Le Sénat a adopté hier plusieurs amendements gouvernementaux ouvrant la voie à une mise en Open Data de l’ensemble des décisions de justice rendues en France. Aucune date d’entrée en vigueur n’a néanmoins été fixée pour cette réforme, et les parlementaires ont tenu à intégrer plusieurs limitations jugées « excessives » par Axelle Lemaire.

Si le site Légifrance fournit aujourd’hui un accès à de très nombreuses décisions de justice, force est de constater que le portail officiel du droit est loin de rassembler l’ensemble des jugements rendus quotidiennement par les magistrats français. « 1 % seulement des décisions de justice sont disponibles sur Légifrance, le reste est vendu à des abonnés, dont des éditeurs... » s’est ainsi émue l’écologiste Corinne Bouchoux (voir sur ce sujet notre actualité relative à Doctrine.fr).

La sénatrice a défendu hier deux amendements – identiques à ceux déposés par le gouvernement, visant à ce que les jugements des juridictions administratives et judiciaires soient « mis à la disposition du public à titre gratuit », et ce « dans le respect de la vie privée des personnes concernées ». Pour Axelle Lemaire, la secrétaire d’État au Numérique, une publication « exhaustive de la jurisprudence, avec des données de qualité, réutilisables librement et gratuitement, favorisera le développement de nouveaux services en ligne, en facilitant par exemple l'analyse comparée des décisions, donc l'anticipation du risque de contentieux, utile aux justiciables et aux entreprises ».

L’exécutif souhaite néanmoins « une entrée en vigueur progressive » de cette réforme, « en cohérence avec l’état du parc applicatif des services des juridictions ». Il est ainsi prévu que de futurs décrets précisent les modalités d’application de ces dispositions, afin d'aborder entre autre la question de l’anonymisation des jugements.

Axelle Lemaire déplore les limitations « excessives » du rapporteur Frassa

Les garanties proposées par la majorité de gauche n’ont toutefois pas convaincu le Sénat et son rapporteur, Christophe-André Frassa. « Nous manquons d'évaluation budgétaire » a tout d’abord objecté l’élu Les Républicains, ces amendements ayant été déposés à la dernière minute. Avant de s’interroger : « Quelles conséquences sur la vie privée de l'ouverture massive de ces données ? » Afin de marquer sa « volonté d'aller de l'avant », l’intéressé a néanmoins proposé deux sous-amendements prévoyant d’une part de limiter cette diffusion aux seules décisions devenues définitives, et d’autre part de conditionner chaque publication à une « analyse du risque de ré-identification des personnes ».

Ce qui a fait bondir Axelle Lemaire... « Autant renoncer carrément à l'Open Data des décisions de justice ! » s’est emportée la locataire de Bercy. « La publicité des jugements est déjà un principe général du droit. L'Open Data n'est que son prolongement, sous forme réutilisable. Il n'y a aucun risque d'atteinte à la vie privée ni de réidentification des personnes, le Conseil d'État et la Cour de cassation comme la CNIL l'ont dit. (...) Imposer une analyse du risque à chaque fois reviendrait en pratique à empêcher l'Open Data. S'en tenir aux jugements définitifs empêcherait de rechercher quelles décisions ont fait l'objet d'appel : le système serait impraticable ! Assumons jusqu'au bout notre ambition » a-t-elle exhorté. En vain.

Un « amas de décisions »

Les deux sous-amendements du rapporteur ont été adoptés, sans que la réforme proposée intialement ne fasse l’unanimité. « La publication en ligne généralisée de tous les jugements ne produira rien d'autre qu'une masse informe et confuse » a prévenu le sénateur Alain Richard (PS). « Les jugements disponibles le sont car ils ont été analysés et interprétés, condition indispensable à leur exploitation, ce qui représente un travail préalable intense et très qualifié. Sans doute cet amas de décisions non traitées permettrait-il de faire des statistiques sur l'occurrence de tel ou tel mot, mais le bénéfice en termes d'information du public serait très superficiel. » ? Le parlementaire a également soutenu que l'anonymisation des décisions sur Légifrance était « le plus souvent superficielle ». « A-t-on seulement apprécié le travail que nécessitera la protection de l'identité des personnes concernées par les décisions mises en ligne ? » a-t-il demandé.

« Il y a là, je crois, beaucoup de fausses peurs. Un choc des cultures, pour ne pas dire un choc générationnel » lui a rétorqué l’écologiste Corinne Bouchoux. « La méfiance de nos concitoyens va croissant, et je crois que l'ouverture des décisions de justice, assortie de fortes garanties de protection de la vie privée, améliorera leur connaissance du droit et leur confiance dans nos institutions. »

Restera maintenant à voir ce qu’en pensent les députés, qui pourront faire valoir leur avis en commission mixte paritaire ou, si celle-ci échoue, lors d’une nouvelle lecture du projet de loi Numérique devant l’Assemblée nationale.

Commentaires (12)

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“Il n’y a aucun risque d’atteinte à la vie privée ni de réidentification des personnes”



Si c’est vrament le cas, alors la mise en opendat est effectivement une très bonne chose….



Perso je suis perplexe. Effectivement une analyse systématique des risques de réidentification c’est un peu too much, mais il ne faudrait pas aller dansl ‘excès inverse non plus et considérer que de facto, il n’y pas de risques…



Une sorte d’audit ponctuel, ou de verification systématique sur un pourcentage des jugements rendus et publiés, me semblerait être un bon compromis.

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L’anonymisation des décisions a un coût et ce coût est supporté par l’Etat qui met ensuite gratuitement (open data) ces données à disposition de sociétés qui en tirent des bénéfices.



On ne peut pas non plus d’un côté consacrer le droit à l’oubli sur Google & cie, et d’un autre mettre massivement en ligne toutes les décisions de justice pas ou mal anonymisées.



Quant au “big data”, je crois qu’on galvaude l’expression (un peu comme “l’ubérisation” qui est utilisée à tort et à travers). Par exemple le site doctrine.fr parle de big data alors que le site ne propose pour l’instant qu’un vulgaire moteur de recherche par mots clés (certes plus performant que celui de Légifrance, mais qui n’a rien de révolutionnaire dans l’absolu). On est encore très loin d’un outil qui permettrait, par exemple, d’avoir des statistiques par juridiction sur le montant moyen des dommages-intérêts accordés au titre de tel ou tel chef de préjudice.

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Pr. Thibault a écrit :



Quant au “big data”, je crois qu’on galvaude l’expression (un peu comme “l’ubérisation” qui est utilisée à tort et à travers). Par exemple le site doctrine.fr parle de big data alors que le site ne propose pour l’instant qu’un vulgaire moteur de recherche par mots clés (certes plus performant que celui de Légifrance, mais qui n’a rien de révolutionnaire dans l’absolu). On est encore très loin d’un outil qui permettrait, par exemple, d’avoir des statistiques par juridiction sur le montant moyen des dommages-intérêts accordés au titre de tel ou tel chef de préjudice.





Il ne faut pas juger des résultats pouvant être obtenus avec ce qui se fait maintenant ; il faut juger à l’aune de ce que permettront dans quelques années les briques techniques que l’on met en place maintenant…



On ne peut pas non plus parler de revolution numérique et considérer que tout est déjà acquis et en place ; les changements induits par la numerisation de la société seront nombreux, et lents à n’apparaitront dans leur totale ampleur qu’au bout d’un grand nombre d’années.


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Comme l’a rappelé la CNIL : « La publicité des audiences, le caractère public des décisions de justice et la libre communication à toute personne qui en fait la demande des jugements et arrêts constituent des garanties fondamentales consacrées, notamment, par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et mises en oeuvre, de longue date, par diverses dispositions du droit national. ».Cela vient modérer l’exigence de protection des données personnelles (&nbsphttps://www.legifrance.gouv.fr/affichCnil.do?oldAction=rechExpCnil&id=CN… ).Tous les jugements sont déjà disponibles non anonymisés au greffe. Et par exemple la CEDH publie tous ses arrêts en ligne non anonymisés au nom de la transparence de la justice.Les sous-amendements du rapporteur ont-ils pour objectif de freiner l’open data ? Ou juste d’empêcher que « M. Nicolas S., président de la République » soit ré-identifié dans des jugements ?

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grossomodo a écrit :



Ou juste d’empêcher que « M. Nicolas S., président de la République Paul Bismuth» soit ré-identifié dans des jugements ?







voila c’est anonymisé <img data-src=" />


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lanoux a écrit :



voila c’est anonymisé <img data-src=" />





<img data-src=" /> Grave.



Un moyen de limiter ce genre de chose, serait de mettre les données en Open Data sans aucun nom, genre Monsieur X contre Madame Y, comme les jugements que je lisais à la Fac. Du coup on peut faire des stats, ou autre, sans se poser de questions.



Par contre, vu que les audiences sont publiques, on peut mettre à disposition du public une version complète et sans caviardage, sur légifrance par exemple, en créant un compte. Comme ça on sait au moins qui a consulté les noms de personnes.


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Oui, ce que propose l’amendement c’est évidemment de remplacer par M. X, Mme Y, comme c’est le cas sur Légifrance actuellement. C’est la recommandation de la CNIL : supprimer les prénoms, noms et adresses des personnes.

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ouais, Mr X et Mme Y c’est mieux pour les states, parce que si on donne les noms on va en repérer certains qui te plombent des chiffres en deux coups de cuillère à pot, genre Mr patrick B. et Mme Isabelle B. résident des hauts de seines dans la jolie vile de Levallois-Perret <img data-src=" />

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C’est clair que les stats de récidive vont exploser dans le 92 !

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linkin623 a écrit :



C’est clair que les stats de récidive vont exploser dans le 92 !





Ca depend, Sarkozy avait baissé les délais de prescription pour malversation financière de 10 ans à 5 ans. <img data-src=" />


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Drepanocytose a écrit :



Ca depend, Sarkozy avait baissé les délais de prescription pour malversation financière de 10 ans à 5 ans. <img data-src=" />





Dans le seul but d’alléger le travail des tribunaux, n’en doutons pas <img data-src=" />


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Vraiment pas intéressant.

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Les greffiers sont déjà en sous effectif. Ils ont mieux à fouttre que de passer leurs journées à anonymiser des décisions.

&nbsp;

L’immense majorité des décisions n’ont aucun intérêt. Il suffit d’aller au TI pour s’en rendre compte.



On fait tout à l’envers. On veut imposer une ouverture sans les outils de traitement.

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