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Droits voisins : prune de 250 millions d’euros pour Google, qui râle mais ne conteste pas les faits

Bientôt une saison 3  ?

Droits voisins : prune de 250 millions d’euros pour Google, qui râle mais ne conteste pas les faits

Manque de coopération, non respect de plus de la moitié de ses propres engagements… les griefs sont nombreux. Google s’est « engagé à ne pas contester les faits » et bénéficie donc de la procédure de transaction. Des mesures correctives sont évidemment proposées et acceptées. Dans un communiqué, le moteur de recherche explique qu’il « est temps de tourner la page », non sans se plaindre.

Le 20 mars à 16h48

L’Autorité de la concurrence reproche à Google de ne pas avoir respecté certains de ses engagements pris il y a deux ans. Elle rappelle au passage que c’est « la 4ᵉ décision rendue par l’Autorité de la concurrence sur ce dossier en quatre ans », et la seconde amende pour ne pas avoir respecté les règles du jeu. Le montant total grimpe donc à 750 millions d’euros.

2019, 2020, 2021, 2022 : un rappel en quatre actes

L’histoire remonte à juillet 2019, avec la loi n°2019 - 775 « tendant à créer un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse ». Nous avions à l’époque longuement expliqué les tenants et aboutissants de cette loi, qui est une transposition de l’article 15 de la directive européenne sur le droit d’auteur.

En novembre 2019, l’Autorité de la concurrence est saisie de plusieurs plaintes contre Google provenant de syndicats (SEPM, APIG…) et de l’AFP. En avril 2020, l’Autorité imposait au moteur une série de sept injonctions, en attendant de rendre sa décision sur le fond. Google avait fait appel de cette décision, sans succès.

Un an plus tard, en juillet 2021, l’Autorité constatait que les injonctions n’étaient pas respectées par Google. La société était en conséquence sanctionnée « à hauteur de 500 millions d’euros ». L’AdlC enjoignait de nouveau le moteur de recherche « de se conformer, sous astreinte, aux injonctions initialement prononcées ». Là encore, Google a fait appel, mais l’entreprise s’est par la suite engagée à le retirer, selon l’AFP.

Google prend des engagements… et ne les respecte pas

En effet, un arrangement est finalement trouvé en juin 2022 avec l’AdlC. Google prend des engagements, l’Autorité de la concurrence les approuve. Ils sont « de nature à mettre un terme aux préoccupations de concurrence exprimées » et présentent « un caractère substantiel, crédible et vérifiable », expliquait alors l’Autorité. Elle décide donc « de les accepter, de les rendre obligatoires et de clore la procédure ».

Fin de partie et on passe à autre chose ? Pas si vite… L’Autorité de la concurrence revient à la charge et sanctionne Google pour « non-respect de certains de ses engagements ». Il lui est ainsi reproché d’« avoir méconnu son engagement de coopération avec le mandataire et pour ne pas avoir respecté quatre de ses sept engagements, dont l’objectif était de garantir les principes suivants ».

Dans le détail de la décision, on peut également lire que la facturation « du Mandataire a donné lieu à de nombreux échanges et contestations de la part de Google ». Notamment que « le délai entre la date de facturation effective et celle du paiement est en moyenne de 43 jours, délai supérieur au paiement "à réception des factures" prévu dans le mandat ».

Sur la coopération avec le mandataire, l’AdlC explique que le moteur de recherche s’est abstenu de « partager la totalité des informations nécessaires » pour qu’il mène à bien sa mission. Elle reproche aussi d’avoir « tenté de différer le moment auquel l’Autorité serait informée en cas de doute du mandataire concernant un éventuel manquement ».

Opacité et manque de « fair-play »

Voici les engagements non tenus en question :

    • « conduire des négociations de bonne foi, sur la base de critères transparents, objectifs et non discriminatoires dans un délai de trois mois (engagements n°1 et 4).

    • transmettre aux éditeurs ou agences de presse les informations nécessaires à l’évaluation transparente de leur rémunération au titre des droits voisins (engagement n°2).

    • prendre les mesures nécessaires pour que les négociations n’affectent pas les autres relations économiques existant entre Google et les éditeurs ou agences de presse (engagement n°6) ».

Dans le détail, l’Autorité reproche à Google de ne pas avoir transmis « sa note méthodologique concomitamment à l’offre de rémunération aux parties négociantes, plusieurs parties ayant eu accès à cette note après avoir négocié avec Google ». Elle considère également qu’elle « se révèle particulièrement opaque » sur les revenus retirés par Google.

Bard (Gemini) sur le banc des accusés

L’AdlC revient aussi sur la question des droits voisins dans le développement des outils d’intelligence artificielle, notamment Bard (Gemini depuis peu) : « Google a utilisé du contenu issu de domaines d’éditeurs de presse et d’agences de presse […] sans que ni les éditeurs et agences de presse, ni l’Autorité n’aient été informés de ces utilisations ».

L’Autorité reconnait que « la question de savoir si l’utilisation de publications de presse dans le cadre d’un service d’intelligence artificielle relève de la protection au titre de la règlementation des droits voisins n’a pas été tranchée à ce stade ». Elle considère néanmoins que, en s’abstenant d’informer les éditeurs, « Google a enfreint l’engagement n°1 ».

S’opposer à Bard, c’était s’opposer à Google

Autre grief : « Google n’a pas proposé, a minima jusqu’au 28 septembre 2023 et le lancement de son outil « Google Extended », de solution technique permettant aux éditeurs et agences de presse de s’opposer à l’utilisation par Bard de leurs contenus sans affecter l’affichage de ces contenus sur d’autres services de Google ». En effet, pour s’opposer à cette utilisation, il fallait "insérer une instruction s’opposant à toute indexation de leur contenu par Google" ».

250 millions d’euros d’amende : Google transige…

L’Autorité précise que Google « n’a pas contesté les pratiques reprochées et a sollicité le bénéfice de la procédure de transaction ». Cette procédure permet pour rappel de prononcer une sanction financière comprise dans une fourchette proposée par le rapporteur général.

Dans sa décision, l’AdlC rappelle que « le montant maximum de sanction encouru par Google, compte tenu du plafond légal applicable, s’élève à 26,86 milliards d’euros ». Il est également indiqué que le moteur « ne s’est pas conformée aux  engagements 1, 2, 4, 6 et à l’engagement de coopération du 27 juillet 2022 au 13 octobre 2023, soit pour une période d’un an, deux mois et dix-sept jours ».

… non sans se plaindre

Dans un communiqué, Google se présenterait presque en cavalier blanc : « Nous avons transigé car il est temps de tourner la page et, ainsi que le prouvent nos nombreux accords avec les éditeurs, nous souhaitons nous concentrer sur des approches pérennes afin de connecter les internautes avec des contenus de qualité et travailler de manière constructive avec les éditeurs français ».

Ne pas contester n’est pas synonyme de ne pas râler contre l’Autorité : « il est également important de noter que nous considérons que le montant de l’amende est disproportionné au regard des manquements relevés par l’ADLC ». « L'amende d'aujourd'hui reflète en partie un désaccord sur la valeur que Google tire des contenus d'actualité », ajoute la société.

Le moteur ajoute que « le nombre de publications et de types de contenus concernés n’a cessé d’évoluer avec le temps […] Nous – et les autres acteurs du marché tenus d’appliquer la loi – avons besoin de plus de clarté sur qui nous rémunérons et pour quel contenu ».

Enfin, Google a « également présenté une série de mesures correctives [détaillées dans ce document, ndlr] visant à répondre aux violations identifiées, dont l’Autorité prend acte ».

Commentaires (3)

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Donc si je comprends bien, Google transige et évite donc une amende pouvant atteindre 26 milliards pour n'avoir que 250 millions, et ils se plaignent ? ^^'
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En gros ils veulent minimiser l'ampleur de leur faute en considérant que l'amende devrait être moindre. C'est de la pure communication, d'ailleurs ça marche pour détourner l'attention.

Si c'était vraiment une somme inadmissible, ils auraient contestés juridiquement.
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Moi aussi je râle quand un radar me fait prendre une prune. Je dis que j'avais le soleil dans les yeux, qu'à mon compteur j'étais en règle, que le radar était mal orienté...
Mais au final je finis par payer :fumer:

Droits voisins : prune de 250 millions d’euros pour Google, qui râle mais ne conteste pas les faits

  • 2019, 2020, 2021, 2022 : un rappel en quatre actes

  • Google prend des engagements… et ne les respecte pas

  • Opacité et manque de « fair-play »

  • Bard (Gemini) sur le banc des accusés

  • S’opposer à Bard, c’était s’opposer à Google

  • 250 millions d’euros d’amende : Google transige…

  • … non sans se plaindre

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