Dans les télécoms, la fibre est en tête des litiges
Surprenant ? Non…
La Médiatrice des Communications Électroniques (Valérie Alvarez) a présenté vendredi dernier son rapport d’activité sur l’année 2023. L’occasion de prendre la température en regardant ce qui se passe du côté des litiges. Les grandes lignes ne devraient surprendre personne.
Le 11 mars à 09h57
11 min
Internet
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Les détails sont toutefois intéressants à analyser. La médiatrice note, par exemple, une forte hausse des « demandes d’indemnisations trop importantes, non justifiées ou non argumentées de la part des consommateurs ».
Moins de litiges, mais beaucoup de demandes irrecevables
Ses services ont reçu 7 631 demandes l’année dernière (84 % en ligne et 16 % par courrier), en baisse de 15 % par rapport à 2022. Le médiateur explique que cela confirme « la tendance baissière du volume de saisines constatée en 2022, qui avait été amorcée en 2018 et 2019 mais enrayée par les deux années de pandémie ».
La médiation des télécoms y voit le « fruit d’une meilleure gestion des clients par les professionnels et aussi du ralentissement du déploiement et des raccordements à la fibre optique ». En effet, de nombreux litiges concernent l’installation de la fibre optique dans les logements.
37 % seulement de dossiers recevables, à cause de clients trop pressés
Mais 2023 est surtout marqué par une très forte baisse du nombre de dossiers recevables : 2 842 seulement, soit 37 % du total. On peut voir sur le graphique ci-dessous que c’est largement moins que les deux années précédentes.
Le médiateur avance deux explications. Tout d’abord, cette baisse reflète « l’évolution des comportements des consommateurs. Sans doute motivés par leur hâte à voir leur litige pris en charge par la médiation, de plus en plus de consommateurs sont peu rigoureux dans la constitution de leur dossier (absence des documents et éléments nécessaires à l’examen de leur litige) et ne respectent pas les étapes et/ou les délais ». Dans la grande majorité des cas (70 %) le client n’a pas épuisé ses voies de recours (via le service client notamment), le médiateur ne prend donc pas le dossier.
Autre changement mis en avant pour expliquer cette baisse : « une évolution dans la méthodologie de comptabilisation des saisines » avec le « nombre de refus d’entrée en médiation par le professionnel ». Le taux de refus de rentrer en médiation est par contre faible : 4 %, soit 262 dossiers, « et se justifie dans 100 % des cas », précise le médiateur.
Les raisons de refus « sont pour l’essentiel liées au non-respect du parcours client chez le professionnel par le consommateur ». Bien évidemment, le client peut toujours (re)saisir le médiateur par la suite, si le service client n’apporte pas de solution.
3 178 propositions, largement acceptées par les clients et opérateurs
Au total, la médiatrice a formulé 3 178 propositions de solution. Dans 92 % des cas, elles ont été acceptées par les consommateurs – qui se déclarent à 83 % « globalement satisfait » –, contre 97 % pour les professionnels.
17 % des consommateurs ne sont donc pas satisfaits, soit une hausse de quatre points en un an. Le médiateur en connait la cause : « des demandes d’indemnisations trop importantes, non justifiées ou non argumentées de la part des consommateurs, que la Médiatrice ne peut satisfaire totalement. Cette tendance s’est vraiment renforcée en 2023 ».
Chez les opérateurs, la plupart sont à 100 % de taux d’acception. Sept se démarquent. Syma Mobile avec seulement 20 % d’acception, mais probablement avec un faible taux de litiges (un refus sur cinq pourrait conduire à ce taux de 20,00 %). K-Net (en redressement judiciaire depuis peu) est ensuite à 83,33 %, puis on passe la barre des 90 % avec Coriolis, Free, Prixtel, SFR et Orange.
« 2023 marque le passage de la fibre en tête des litiges »
Sans surprise, les problèmes techniques restent la première source de litige, tandis que les contrats arrivent en deuxième position et la facturation sur la troisième marche du podium. Ils représentent respectivement 34 %, 20 % et 19 % des litiges. La résiliation (14 %) et les services (13 %) ferment la marche.
Mais surtout, pour la première fois, « 2023 marque le passage de la fibre en tête des litiges devant le mobile et l’ADSL ». Il faut dire que le déploiement de la fibre se fait à marche forcée et les clients n’ont pas le choix en cas de changement de FAI (déménagement par exemple) : si la fibre est présente, souscrire un abonnement xDSL n’est plus possible chez l’opérateur.
Cela entraine un remplissage important des armoires, avec des problématiques que nous avons déjà longuement détaillées dans de précédentes actualités et même dans un édito. Opérateur d’infrastructure, opérateur commercial, technicien, sous-traitant… les causes sont nombreuses, mais à la fin ce sont les clients qui trinquent, augmentant sans surprise les litiges.
- [Édito] Il faut régler les problèmes de qualité de la fibre, et vite
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D’ailleurs, le médiateur des télécoms met en avant les mêmes problématiques dans son bilan 2023 : volume important du nombre d’abonnements, chantier de la fibre (raccordement complexe, couteux…), maintenance des installations (et notamment des premiers réseaux optiques), etc.
Au final, « la part de la fibre s’établit dorénavant à 42 % [en hausse de six points, ndlr]. La part du mobile s’effrite (36 %). L’ADSL arrive en 3ᵉ position (19 %) ». Le réseau ADSL est pour rappel progressivement en train d’être fermé pour laisser place à la seule fibre optique.
L’augmentation des tarifs pointée du doigt par le médiateur
Sur la fibre, le bilan du médiateur ne fait que confirmer une situation connue depuis des années : « inéligibilité technique, dysfonctionnements techniques du fait d’armoires non sécurisées, débranchement sauvage de consommateurs par des techniciens au bénéfice du client à raccorder, etc. »
Sur le mobile, la facturation et les contrats représentent 66% des litiges : « La hausse des litiges liés à la facturation s’explique par l’augmentation des tarifs d’abonnement de la quasi-totalité des opérateurs en 2023 ».
Sept recommandations
La médiatrice formule sept recommandations pour améliorer la situation. La première concerne l’amélioration de l’application mobile « Centre Relais Téléphonique » pour les personnes en situation de handicap.
On retrouve ensuite une recommandation sur la facturation de l’abonnement durant la période de suspension des services. Pour que la facturation soit applicable, elle doit être mentionnée explicitement dans les Conditions Générales d’Abonnement.
Le problème d’un client ayant été facturé en hors forfait lors d’une traversée en ferry (et donc sur un réseau maritime) est la source de la prochaine recommandation : « proposer à leurs clients un système de blocage des consommations pouvant être émises depuis les réseaux maritimes. Ce type de blocage pourrait être activé depuis l'espace abonné du client ou même être activé par défaut, à charge pour le client de débloquer volontairement ce type d'usage après avoir été informé des tarifs pratiqués ».
Sur l’installation de la fibre et les dégradations causées par un technicien, « la Médiatrice recommande aux opérateurs de s'améliorer dans le traitement de ce type de réclamation et de veiller à ce que les prestataires à l’origine des dégâts apportent une solution au client dans des délais raisonnables ».
Les changements contractuels (notamment les hausses) apportées par les opérateurs sont sources de litiges, des clients estimant ne pas avoir été informés. Le médiateur demande donc de « notifier les modifications des conditions contractuelles aux consommateurs par courrier ou courriel spécifique, utiliser pour cette notification une police de caractère supérieure ou égale à 8, faire figurer la possibilité offerte aux consommateurs de résilier sans frais leur contrat dans le corps du texte et non en bas du courrier ».
La médiatrice en profite pour recommander aux opérateurs de mettre en place une bonne politique d’information des consommateurs. Elle détaille son propos : « Préalable à toute maintenance préventive en informant des interventions planifiées, automatique via tous les supports de diffusion disponibles pour les interventions consécutives à une panne dans le cadre d’une maintenance curative : origine du dysfonctionnement rencontré, mesures mises en place pour le résoudre, date prévisionnelle de rétablissement des services ».
Enfin, pour éviter des litiges, elle demande « aux opérateurs de prendre les mesures qui s’imposent afin que les confirmations de commande adressées aux clients soient systématiquement conservées et restent accessibles, tant qu’un litige à l’offre ou à l’option souscrite est susceptible de survenir ».
Écrasement de ligne fibre, xDSL coupé… que faire ?
Le médiateur donne enfin quelques exemples de médiation, dont deux sur la fibre qui représentent bien le désarroi de certains. On ne sait toutefois pas si les solutions proposées ont été acceptées par le client et l’opérateur.
Une cliente était, par exemple, victime d’un écrasement de sa ligne par un autre opérateur (un prestataire aurait débranché sa ligne pour brancher un autre client). « Son opérateur a envisagé de rétablir sa ligne ADSL en attendant le rétablissement de ses services fibre mais sa ligne ADSL ne peut être remise en service car elle a été sectionnée lors de l’installation de la fibre. L’opérateur a résilié le contrat fibre de madame M. et n’est plus en mesure de lui en proposer un autre tant que l’opérateur en charge du déploiement du réseau fibre (l’opérateur d’infrastructure) n’a pas déployé de nouvelles ressources ».
Facturation des réseaux maritimes avec son mobile
Second exemple intéressant : une facture mobile de plus de 1 600 euros pour des connexions internet depuis la « zone Reste du Monde ». L’opérateur affirme que la cliente aurait demandé une « option sans blocage des alertes », ce qu’elle conteste. Entre autres choses, « la Médiatrice relève qu’il n’est pas démontré par l’opérateur qu’il a expressément et clairement informé le client du fait que l’activation de "l’option d’alerte sans blocage" valait renonciation au dispositif de blocage rendu obligatoire par le règlement [européen] "Roaming 3" ». La médiatrice a donc demandé à l’opérateur de rembourser les sommes facturées au-delà du seuil de blocage de 60 euros (50 euros HT, soit 60 euros TTC).
Panne ADSL et « impossibilité de nourrir ses poules »
Le dernier exemple – intitulé « Interruption des services ADSL et impossibilité de nourrir ses poules » – est surprenant, mais s’inscrit probablement dans le dossier « demandes d’indemnisations trop importantes ». Un client a subi des interruptions de services à partir de juin 2022, l’ayant contraint à résilier son contrat en août de la même année.
« Il saisit la Médiatrice afin d’obtenir le remboursement des factures émises par son opérateur de juin à août 2022. Il sollicite également le remboursement de la facture émise par la société qu’il a dû mandater afin de nourrir ses poules pendant ses vacances en raison du dysfonctionnement du distributeur alimentaire automatique connecté à son réseau télécom. Monsieur R. souhaite également obtenir un dédommagement pour les désagréments occasionnés ».
On vous passe les détails (vous les trouverez ici), mais l’opérateur confirme « avoir manqué à son obligation de résultat » et a déjà remboursé l’abonnement durant l’interruption. Il ajoute par contre que le client « n’était pas présent à certains rendez-vous techniques programmés ».
La Médiatrice « rejette la demande de remboursement de la facture émise par le prestataire mandaté pour nourrir les poules », mais elle invite néanmoins « l’opérateur à lui accorder un dédommagement qui prend en considération les désagréments occasionnés par l’interruption des services mais également l’absence du client à certains rendez-vous techniques ». Un jeu d’équilibriste dont nous n’avons pas la fin, dommage.
Dans les télécoms, la fibre est en tête des litiges
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Moins de litiges, mais beaucoup de demandes irrecevables
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Commentaires (7)
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Abonnez-vousModifié le 11/03/2024 à 10h35
Pour la personne débranchée, c'est fou que l'opérateur se contente de résilier son contrat par manque de place au lieu de lui rendre sa prise. C'est à celui qui lui a piqué sa prise d'attendre, pas à elle.
Pour l'histoire des réseaux maritimes, bloquer l'itinérance depuis le téléphone devrait suffire. C'est fou que les gens ne le fassent pas en sortant de leur pays (voire à l'initialisation de leur nouveau téléphone), ni que quand ils sont sur le bateau ils ne se demandent pas "mais d'où vient ce réseau ?". Après c'est vrai qu'il faudrait une option de blocage de l'itinérance sélective vu qu'en UE on peut être en itinérance gratuite.
Le 11/03/2024 à 12h05
J’étais chez free mobile, j’ai déjà fais du Helsinki Stockholm et du Helsinki Talinn en ferry avec du réseau mobile (qui devait être relayé par le bateau vers du sat j’imagine ?) c’était pas super rapide mais je n’avais aucun hors forfait …
Autrement je suis d’accord, il faudrait pouvoir activer désactiver l’itinérance internationale indépendamment de l’itinérance européenne
Le 11/03/2024 à 12h26
Et oui, j'ai également les données en itinérance toujours active car je voyage souvent en Europe et même en France, dans certains endroits très reculés, il n'y a que le réseau F-Contact qui fonctionne et il faut l'itinérance d'activé pour pouvoir en profiter🙂
Le 11/03/2024 à 14h06
Un nouvel opérateur mobile ?
Le 11/03/2024 à 14h24
https://fr.wikipedia.org/wiki/Zone_blanche
Le 11/03/2024 à 15h23
Et surtout le paiement des supplément se fait a la fin de la croisière, donc il y a moyen de bien se faire avoir.
MSC ne parle pas de tarif pour le wifi https://www.msccruises.be/fr/vie-a-bord/internet-et-appli/wifi il faut ajouter ça (mais ça serait entre 9.99 et 14.99€). Et ils ne parlent pas des appels
Le 11/03/2024 à 19h26