Très haut débit : des opérateurs indépendants montent AOTA, leur association
AOTA souhaits
Le 29 mars 2017 à 07h30
9 min
Internet
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L'Association des opérateurs télécoms alternatifs (AOTA) doit représenter la multitude de petits opérateurs commerciaux qui animent localement le marché des télécoms. Au-delà du lobbying, ses membres comptent s'organiser pour faciliter leur expansion et réduire leurs coûts, face à des mastodontes comme l'opérateur historique.
Les lobbies autour du très haut débit se multiplient. Le dernier en date s'appelle AOTA, pour Association des opérateurs télécoms alternatifs, formée le 21 mars. L'objectif affiché est de représenter les opérateurs de détail, notamment ceux spécialisés sur le marché entreprises, qui s'estiment lésés au sein des autres fédérations.
Les 22 membres actuels, comptant pour 70 millions d'euros de chiffre d'affaires et 450 emplois, veulent créer le chainon manquant entre la Firip (industriels des réseaux publics) et la FFDN (fournisseurs d'accès associatifs).
« Face aux défis réglementaires et à Orange, un opérateur puissant, on entendait souvent une même réponse : c'est bizarre, il n'y a que vous qui avez ce type de problèmes. Nous avons fait le tour de nos confrères et nous sommes rendus compte que, chacun dans notre coin, avons les mêmes soucis » nous affirme David Marciano, président de l'AOTA et vice-président de l'opérateur Adenis.
Les chantiers sont nombreux pour l'entité. Elle doit devenir un interlocuteur privilégié pour les acteurs publics (comme l'Arcep ou Bercy), notamment pour les consultations publiques, et aider ce maillage d'entreprises (souvent locales) à se coordonner. Elle compte ainsi mettre en place un système d'information commun, ainsi que des liens forts avec d'autres acteurs, ainsi qu'un site web public dans les prochaines semaines.
Du lobbying mais pas que
Pour le moment, l'association est gérée par les dirigeants des membres fondateurs, dont dix figurent au conseil d'administration. Au bureau s'affichent les sociétés Add On Multimedia, Adenis, Ergatel France, Fullsave et Netalis.
Un employé permanent est envisagé à plus long terme, en plus de consultation de spécialistes. Ces opérateurs commerciaux, indépendants, ont pour certains d'autres activités que la fourniture d'accès Internet, comme l'hébergement ou l'intégration. Leur point commun est tout de même d'au moins disposer de leur propre cœur de réseau, qui est un prérequis.
L'entité nous affirme avoir une dizaine d'autres entreprises en attente de signature. Parmi les membres actuels, « beaucoup se sont découverts » à la constitution de l'organisation, nous affirme encore David Marciano. Leur objectif premier est donc bien de présenter un front uni face aux institutions, que ce soit au niveau régional ou national.
L'association compte ainsi contribuer aux commissions de concertation régionale dédiées à l'aménagement numérique (CCRANT), répondre aux nombreuses consultations publiques lancées par l'Arcep et ses homologues, ainsi qu'aller au-devant de l'administration. Des membres doivent d'ailleurs faire le tour de certaines autorités et ministères dans les prochaines semaines.
Représenter des acteurs délaissés
Il faut dire que, jusqu'ici, lorsqu'il est question d'opérateurs, deux fédérations prennent généralement la parole. La première est la Fédération françaises des télécoms (FFT), qui représente certains des principaux FAI français, quand la seconde est la Firip, une fédération montée il y a quelques années, qui est devenue un acteur important du dialogue sur les réseaux publics (voir notre analyse). Le problème est que les opérateurs alternatifs ne se sentent représentés par aucun des deux, et ont peu de moyens à consacrer au lobbying par eux-mêmes.
Face à des entités comme l'Arcep, l'AOTA compte s'afficher comme un acteur de terrain, capable de proposer une vue des problèmes locaux, face à une régulation jugée parisianiste par l'association. « Ils ne savent pas gérer la diversité des opérateurs », plus de 2 100 au dernier recensement, juge Nicolas Guillaume, secrétaire de l'AOTA et président de Netalis.
Contacté, le régulateur n'a pas d'avis à donner pour le moment sur le nouveau lobby, même s'il est bien au courant de sa constitution.
L'épineux problème du marché entreprises
Le discours ciblé autour d'Orange n'est pas une surprise pour ces TPE et PME, dont beaucoup dépendent du marché télécoms pour entreprises, dominé par l'opérateur historique. Avec SFR, il est l'un des deux seuls à disposer d'une infrastructure nationale, en théorie accessible commercialement à la concurrence. Pourtant, comme le pointe l'Arcep elle-même, des verrous importants existent encore, notamment en zones très denses.
Il s'agit d'un problème pour l'autorité, qui voit deux acteurs disposer d'une force de frappe importante au niveau national, face à une multitude de petits opérateurs qui disposent au mieux de réseaux locaux. Ceux qui se voient comme « la variable d'ajustement du marché » veulent être entendus. « Nous avons des offres hyper locales, qui stimulent le marché dans ces zones, que nous ne savons pas répliquer ailleurs » analyse Nicolas Guillaume.
La solution prônée par le régulateur est l'arrivée d'un troisième opérateur d'infrastructure, censé dynamiser ce marché. S'il est rarement nommé, le candidat le plus probable est le consortium Kosc, intégrant OVH et ayant repris certains réseaux (dont celui de Completel). Orange a d'ailleurs affirmé être proche d'un contrat avec lui pour fournir des services aux petits opérateurs.
Fibre pour entreprises : des prix à protéger
L'AOTA affirme elle-même déjà parler à Kosc, qui serait plus flexible que les deux opérateurs historiques du secteur. Il devrait aider à répliquer nationalement des offres uniquement possibles aujourd'hui dans des zones limitées pour les petits acteurs, que seul Orange Business Services (OBS) serait capable de fournir sur l'ensemble du territoire.
Une autre question est celle des coûts. L'Arcep soutient à la fois la baisse des prix et la concurrence par les infrastructures, deux objectifs habituellement jugés contradictoires par les opérateurs. Sur le marché entreprises, la solution préférée est celle de la mutualisation du réseau fibre avec celui dédié au grand public (FTTH), alors qu'il s'agit encore aujourd'hui d'un produit de luxe, qui équiperait moins de 10 % des sociétés françaises.
Si l'AOTA se dit favorable à une baisse des coûts via un réseau mutualisé, elle affirme que « la particularité du marché entreprises, au-delà d'un prix et d'un débit, est que le client a besoin d'un accompagnement, qui a un coût. L'Arcep ne l'a pas encore entièrement compris ». L'association s'affiche donc vigilante sur la question des prix, qui ne doivent pas se calquer sur ceux du marché résidentiel.
Une coordination au-delà du lobbying
Malgré tout cela, les travaux les plus importants devraient être moins visibles. Certains des premiers chantiers envisagés comprennent un système d'information commun, pour que chaque opérateur local puisse partager sa connaissance du terrain avec les autres. « On a ajusté la cotisation pour avoir les moyens d'entamer un développement de système d'information pour partager nos ressources » nous indique David Marciano.
#AOTA, c'est qui ?
-> 22 opérateurs commerciaux déclarés auprès de l'@ARCEP et de nouveaux sont en train de nous rejoindre.
— AOTA (@AotaFr) 27 mars 2017
Si elles restent concurrentes, ces entreprises pourront s'épauler concrètement quand l'une d'elles veut aller sur l'un des réseaux où l'autre est présente, voire créer des opportunités commerciales pour leurs confrères. L'association compte aussi s'adresser aux équipementiers pour obtenir les mêmes prix pour l'ensemble de ses membres, calqué sur ceux obtenus par les plus gros d'entre eux. Chaque entreprise devra gérer ses propres relations commerciales, mais devra bénéficier de ce cadre pour voir ses coûts fondre.
AOTA doit, sans surprise, aussi servir de point d'ancrage pour les relations avec les opérateurs d'infrastructure, qui doivent disposer d'un interlocuteur unique. Elles constatent « un traitement à la tête du client par les réseaux publics, alors qu'ils ont une obligation de non-discrimination », même si aucun nom n'est cité.
« Quand nous voulons obtenir un devis ou nous implanter sur une plaque, certains opérateurs ont plus de difficultés à accéder au marché que d'autres. Un commercial contactera plutôt certains acteurs, par exemple » attaque David Marciano, qui demande une application stricte de la loi. Un soutien juridique devrait d'ailleurs être proposé par l'association.
Des liens forts avec la Firip
Si l'AOTA dit représenter des oubliés du débat sur les télécoms, coincés entre les géants de la FFT, les opérateurs d'infrastructure de la Firip ou encore les collectivités de l'Avicca, les ponts avec les industriels des réseaux publics sont nombreux. Des acteurs comme l'opérateur commercial Adista comptent parmi les figures de la fédération.
Contactée, la Firip déclare laisser la parole aux petits acteurs, même si les positions correspondent souvent bien plus à celles des opérateurs d'infrastructures qui constituent ses principaux membres. Entre les poseurs de réseaux et ceux qui vendent le service au client, un décalage existe. « Nous avons un sujet large, qui est l'Arcep, Orange, les réseaux publics, qui masque une forêt d'autres sujets structurants pour nous » poursuit Marciano.
Des ponts sont bien prévus entre les deux entités, par exemple sous la forme d'une adhésion croisée des deux organisations. Les opérateurs de l'AOTA restent pour partie dépendants des réseaux publics, avec des problématiques proches de celles de la Firip, même s'ils s'étendent concrètement au-delà. Il reste donc à voir si la nouvelle association arrive à se créer une place dans le paysage réglementaire, alors que le lobbying est déjà puissant dans le secteur.
Très haut débit : des opérateurs indépendants montent AOTA, leur association
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Du lobbying mais pas que
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Représenter des acteurs délaissés
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L'épineux problème du marché entreprises
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Fibre pour entreprises : des prix à protéger
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Une coordination au-delà du lobbying
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Des liens forts avec la Firip
Commentaires (10)
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Abonnez-vousLe 29/03/2017 à 08h18
Le déploiement de la fibre est vraiment un foutoir je trouve :/
Le 29/03/2017 à 08h18
Merci pour cet article très INtéressant. Ce ne sera pas facile de se faire une place à côté des 2 gros réseaux nationaux français.
D’ailleurs, à côté de Kosc et des 2 gros operateurs nationaux du marché entreprises, il me semble qu’il y a aussi BouyguesTel, notamment en association avec Telefónica pour les multinationales. Next INpact
Le 29/03/2017 à 08h24
Le 29/03/2017 à 09h38
Free en fait partie? " /> (je n’ai pas réussi a le retenir celui la)
Le 29/03/2017 à 16h02
« la particularité du marché entreprises, au-delà d’un prix et d’un
débit, est que le client a besoin d’un accompagnement, qui a un coût.
L’Arcep ne l’a pas encore entièrement compris ». L’association
s’affiche donc vigilante sur la question des prix, qui ne doivent pas se
calquer sur ceux du marché résidentiel.”
Oui enfin les petites entreprises cherchent aussi & surtout le prix , avant l’accompagnement, hein…
Trop souvent le choix est donné entre les offres “très haut de gamme” autour du millier d’euros par mois pour une 100M (certe garantie, trop bien quand le but est juste de pouvoir échanger des gros docs), et la vieille ADSL pourrie à 2/3Mbps…. Entre les 2…. rien.
Alors que dans le quartier d’à coté t’a du FTTH 500/200Mbps pour 50 balles. (On commence a voir des entreprises qui en sont à louer des lignes FTTH chez les particuliers & finir en pont radio, pour se sortir de la mouise….)
Après, avec les 950€/mois d’économisé, t’inquiète pas que “l’accompagnement”, on le trouve pas trop difficilement.
Business as usual ?
Le 29/03/2017 à 17h43
J’imagine bien que les opérateurs (surtout les 2 gros du marché entreprise) savent profiter de leur expérience et de la négligence des entreprises, notamment des TPE. Pourtant, même sur le marché grand public/résidentiel, il y a des clients qui cherche l’accompagnement car rester sans internet, ne serait-ce qu’à cause d’un paramétrage de box, leur semble difficile à vivre plus de 24 heures, alors j’imagine bien ce qui se passe lorsqu’une TPE est amenée à vivre sans internet pendant un ou deux jours : la panique de devoir rétablir la connexion tout seul sans la diligence d’un service informatique ou de l’opérateur ou d’un prestataire informatique. Rien qu’à l’idée de ne pouvoir répondre aux clients immédiatement donne des boutons à beaucoup d’entre eux (mine de rien un contrat de maintenance, on est content de l’avoir souscrit lorsqu’on a réellement besoin de sa connexion internet et que celle-ci tombe en panne - si on refuse de payer le prix c’est qu’on peut se passer d’internet pendant plusieurs jours).
Le 29/03/2017 à 18h27
Le 29/03/2017 à 18h36
Le 01/04/2017 à 19h33
Des gens pensent pouvoir se passer d’Internet sauf que toute la vie d’une entreprise devient (et deviendra de plus en plus) centrée autour du web : les paiements de charge, les softs en SaaS, etc… donc la moindre déconnexion pour un pro / entreprise devient juste un enfer au bout de quelques heures. D’ailleurs c’est l’un des problèmes que je constate de plus en plus:
Auparavant les logiciels étaient achetés (piratés?) en boite, avec éventuellement un peu de support téléphonique.
Maintenant avec tous les usages “en ligne” que tu cites très justement, la moindre déconnexion devient effectivement bloquante, et pas que parce que tu peux plus envoyer des mails.
Le problème c’est que entre temps:
Alors quand c’est en ligne, et que l’interface change un tant soit peu tous les 3 mois…. (Dernièrement, celle de l’URSSAF, et oui ! )
Avant, c’etait pas forcément un drame, mais avec les versions en ligne des softs…
Et se voir remboursé que quelques centaines d’euros 6 mois après, ça ne compense pas.
Du coup le sentiment des gens que j’en retire, c’est 1) un sentiment de prise d’otage (toujours bon pour les relations commerciales comme chacun le sait) , et 2) une défiance, voir dégoût de l’outil informatique, qui certes rends des services mais dont la “magie” peux les laisser tomber du jour au lendemain .
Bien sur je parle ici des petites sociétés (TPE, PME) dont le métier n’est PAS l’informatique et qui n’ont pas les moyens de se payer un service info ou une boite externe juste pour maintenir un NAS et une poignée de postes sous windows 7 (dans le meilleur des cas, je rencontre encore _beaucoup_ de XP… , pour un linuxien ça fait mal)
Les autres ont pas de problème : Les opérateurs indépendant se battent pour elles , pour leur fournir de la VOIP, de la télémaintenance, du SaaS , ….
C’est con que la 1ère catégorie représente encore plus de 80% des sociétés (et donc des besoins) en France.
Et on parle même pas des particuliers, qui pour un nombre (certes faible mais croissant) travaillent de chez eux, et qui ont donc besoin d’un accès fiable pour accéder aux mêmes applications que ci-dessus.
Le 02/04/2017 à 09h06
@Ob : La fiabilité, c’est lié en grande partie à la boucle locale cuivre de plus en plus délaissée. Sur la fibre, globalement, ça tourne sans trop de soucis (voire aucuns).
Ton analyse est vraiment juste est pertinente : les télécoms deviennent avec le Cloud, l’élément de choix critique pour une entreprise. Se planter d’opérateur et se risquer à devoir faire appel à un support médiocre pour profiter simplement d’un “prix” est un risque majeur pour une boite.
Pour le maintien d’un NAS et d’un petit parc de TPE/PME, il y a de plus en plus de solutions intéressantes. Le problème étant que les “informaticiens” continuent de se gaver, d’où l’intérêt des managed services providers qui sont proactifs plutôt que curatifs après survenue d’un incident.
Tu as des idées d’offres qui seraient idéales pour les 80% ?
Pour les particuliers, alias les “power users” qui bossent chez eux et ont aussi besoin de garanties, ils ne sont pas prêts à payer un support renforcé. On a habitué les gens au palier des 30 euros sans leur expliquer l’intérêt d’offres diversifiées avec des niveaux de services différents et on constate le résultat sur le marché : on veut un service au top en payant le moins possible.
Clairement, les opérateurs indépendants font le job des 3 gros qui représentent “juste” … 95% du marché. CQFD.