Bercy ouvre une consultation publique relative à la blockchain
Centralisation or not centralisation...
Le 03 avril 2017 à 09h30
6 min
Économie
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Le ministère des finances vient d'ouvrir une consultation publique sur un projet de réformes législatives et réglementaire relatif à la blockchain. Au programme, vingt questions pour tenter de comprendre ce que les acteurs du secteur attendent de ce nouveau cadre juridique.
Ces derniers mois, le gouvernement français prête une attention toute particulière à la blockchain et d'une manière plus générale aux « dispositifs d’enregistrement électronique partagé » ou DLT (distributed ledger technology dans la langue de Shakespeare).
Nous avions ainsi pu assister il y a tout juste un an au colloque organisé à l'Assemblée nationale sur les opportunités offertes par ces technologies aux entreprises, mais aussi à l'État. La perspective d'avoir à disposition un registre réputé inviolable, mais consultable publiquement suscite un vif intérêt aussi bien pour le public que pour le privé. Si ce colloque n'avait pas permis de faire avancer suffisamment les discussions pour aboutir à un projet de loi englobant les usages possibles des DLT, il avait eu le mérite de permettre aux acteurs concernés de poser une ébauche de leurs besoins.
Aujourd'hui, le ministère des finances passe à la vitesse supérieure en ouvrant une consultation publique devant déboucher sur (prenez une longue inspiration...) une « réforme du droit applicable aux titres financiers afin de permettre la représentation et la transmission au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé des titres financiers qui ne sont pas admis aux opérations d’un dépositaire central ni livrés dans un système de règlement et de livraison de certains instruments financiers ». Plus simplemlent : encadrer l'utilisation de la blockchain pour transmettre des titres financiers ou enregistrer des transactions.
Faut-il un cadre plus précis ?
La première question posée dans le cadre de cette consultation est de savoir s'il est déjà possible « à droit constant » de permettre la représentation ou la transmission des titres financiers par le biais d'un DLT. Dans le cas contraire, le gouvernement aimerait savoir quels points font justement obstacle à ce type d'utilisation, ou s'il existe des zones d'insécurité juridique qui pourraient freiner le développement de cet usage.
Le deuxième point consiste à identifier les titres financiers qui pourraient être concernés par ce mode de transmission. Le Ministère des finances en retient quatre :
- Les titres de capital émis par les sociétés par actions non côtées en bourse
- Les titres de créance autres que les titres de créance négociables qui ne sont pas échangeables en bourse
- Les titres de créance négociables, de toute sorte cette fois-ci
- Les parts d'organismes de placement collectifs
La question posée est donc de savoir si cette liste convient aux acteurs du secteur, ou bien s'ils souhaitent ajouter d'autres éléments, voire en exclure certains.
Quels usages pour la blockchain ?
Une fois les titres éligibles bien définis, l'étape suivante est de déterminer comment les DLT interviennent dans le processus de transmission. Là encore plusieurs pistes.
La première est d'exploiter les blockchains comme une « technologie alternative de transmission ». Dans ce cas de figure, les DLT feraient office d'outils assurant simplement des virements de compte à compte. Cette option ne nécessiterait pas d'adaptation du droit actuel concernant la transmission des titres financiers.
Une deuxième option est d'utiliser les DLT afin de prouver les transferts de titres, en leur donnant « une force de preuve juridique, sans représenter eux-mêmes ce transfert ». Les transactions seraient effectuées comme aujourd'hui (c'est à dire sur les comptes-titres des clients), mais elles seraient en même temps inscrites dans une blockchain qui ferait simplement office de registre.
Dernière hypothèse, les titres pourraient être transmis au travers des DLT, parce que le simple enregistrement de ces transactions « constituerait alors un virement de compte à compte, ou bien parce que la loi prévoirait explicitement ce nouveau mode de transmission ». On se trouverait alors dans le même cas de figure que pour la transmission des minibons.
De la responsabilité des intermédiaires
Par essence, ce dispositif permet à plusieurs entités non-liées de « se mettre d’accord par consensus, sur l’exactitude d’une information et rendre celle-ci vérifiable et opposable à un tiers ».
Bercy aimerait du coup s'interroger sur la gouvernance des DLT et les responsabilités des différentes personnes (morales ou physiques) impliquées dans leur fonctionnement et leur utilisation. Une question difficile s'ouvre, celle du schéma de gouvernance à retenir, s'il doit y en avoir un. Le problème étant que le simple ajout d'un superviseur dans la chaîne revient à centraliser un système qui a vocation à ne pas l'être.
Aux yeux du ministère il faudrait pourtant que les utilisateurs puissent se retourner vers un interlocuteur précis en cas de contentieux entre les différents intervenants du dispositif. Bercy évoque plusieurs pistes, dont celle d'un superviseur public et celle d'une entité privée, elle-même chapeautée par le public. Dernière hypothèse : « l’ensemble des intervenants au DLT devrait être des entités régulées ».
Autre détail complexe, celui de la juridiction dont dépendront les DLT. La question est ici de savoir si un simple processus d'agrément est suffisant pour sécuriser juridiquement parlant une blockchain, ou s'il faut aller plus loin en contraignant les utilisateurs à opérer sur le territoire français, ne serait-ce que via une simple succursale.
Blockchain et droit à l'oubli
Le dernier volet de la consultation ministérielle s'attarde sur la confidentialité, la transparence, la protection des données et le droit à l'oubli. La loi prévoit que n'importe quelle personne peut demander à l'opérateur d'une base de données quelconque de supprimer ses données personnelles. Or, dans une blockchain, les informations sont archivées « de façon systématique et irrévocable ».
Comment assurer le droit à l'oubli dans un registre ouvert et conçu pour être inaltérable ? On sait depuis l'incident de The DAO qu'une blockchain peut être rétablie à un état antérieur en cas de gros problème, mais l'intérêt même d'un DLT réside dans sa fonction de « registre inviolable », chère aux assureurs et autres banquiers.
Autre problème, une blockchain étant par définition ouverte « comment assurer au niveau d’un DLT le ou les niveaux de transparence nécessaires (notamment pour apporter des éléments de preuve en cas de contentieux) tout en respectant les contraintes de protection des données ? ». De quoi donner de sévères maux de tête aux techniciens et au législateur.
Bercy ouvre une consultation publique relative à la blockchain
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Faut-il un cadre plus précis ?
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Quels usages pour la blockchain ?
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De la responsabilité des intermédiaires
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Blockchain et droit à l'oubli
Commentaires (7)
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Abonnez-vousLe 03/04/2017 à 11h56
C’est pas idiot de se renseigner. " />
Le 03/04/2017 à 12h23
Pour le cas Dao la blockhaine n’a pas été rétablie, elle a forké.
Le 03/04/2017 à 12h25
Très bon article!
à chaque fois que quelqu’un me parle d’utiliser la blockchain pour tout et n’importe quoi parce que c’est un outils révolutionnaire et inviolable je me contente de dire 2 chose qui sont évoqué dans l’article :
[quote]
Le problème étant que le simple ajout d’un superviseur dans la chaîne revient à centraliser un système qui a vocation à ne pas l’être.
[…]
On sait depuis l’incident de The DAO qu’une blockchain peut être rétablie à un état antérieur en cas de gros problème, mais l’intérêt même d’un DLT réside dans sa fonction de « registre inviolable », chère aux assureurs et autres banquiers.
[/groupe]
Je sait ça fait souvent très chieur mais c’est hyper important de comprendre le bordel qu’à pus mettre l’incident DAO dans la “fiabilité” d’une Blockchain.
L’exemple le plus récent, 2 amis ont pu assister à une conférence sur la blockchain ( donc j’ai pas eu tout les détail). La conf était présenté par une startup qui voulait aider les entreprise a mettre en place un système blockchain pour gérer des processus, les stock, ou plus ou moins tout ce qui peut être représenté sous forme de transaction dans une entreprise. Et la je m’y pose quelque questions :
Fin bref tout ça pour dire que, AMHA, la blockchain c’est génial mais c’est utilisable qu’à très grande échelle (mondiale, nationale ça reste trop petit).
Le 03/04/2017 à 12h28
Une blockchain n’est pas forcément ouverte du tout, cf. par ex. les efforts d’IBM avec Hyperleger. Un de leur axes de travail est de permettre un contrôle d’accès aux informations.
Une blockchain peut aussi être utilisée entre plusieurs entités privées quand la confiance entre ces entités ne va pas de soit.
Le risque est un fiasco à la Heetch, cet-à-dire voir des acteurs américains en zone grise (voir en illégalité), à grande force de frappe, écraser et étouffer les concurrents français à cause de l’inertie et du conservatisme du droit français.
Le 03/04/2017 à 12h38
Justement l’article n’est pas si bon car il recrache des idées reçues (fausses) sur le blockchain - notamment la partie DAO.
Effectivement dans certains ce cas la valeur ajoutée de la blockchain pose question, quand “blockchain” est juste un buzzword pour encourager une modernisation des systèmes d’information, sans qu’il y ai un avantage vs un repo Git ou une BDD (dépendamment des cas).
Le 03/04/2017 à 12h48
Le 03/04/2017 à 15h03