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En 2016, l’Arcep croule sous les responsabilités mais veut encore les étendre

Avec quelques tableaux inédits

En 2016, l'Arcep croule sous les responsabilités mais veut encore les étendre

Le 20 juin 2017 à 06h30

Le régulateur des télécoms a passé une année 2016 intense, à coups de projets européens enfin concrétisés et de l'avancée du très haut débit en France, alors que le mobile peine encore à s'étendre partout. Pourtant, l'autorité pense déjà au coup suivant, notamment en matière de régulation des plateformes et d'ouverture des terminaux.

Le régulateur des télécoms, l'Arcep, tire son bilan de l'année 2016. Dans un épais rapport de 140 pages, l'autorité revient sur l'avancée de la feuille de route dressée en début d'année, censée ouvrir les télécoms à de nouveaux acteurs (notamment de l'Internet des objets), encourager le très haut débit et pousser le secteur vers la transparence... Avec le motto de la régulation par la donnée, avec une emphase sur les remontées de terrain et le crowdsourcing, répété lors des 20 ans de l'institution en février.

Sur les purs télécoms, l'institution prone la concurrence entre opérateurs par les infrastructures, censée encourager l'investissement. En 2016, selon ses calculs, il a atteint un record de 8,9 milliards d'euros hors achats de fréquences. Dans le même temps, le nombre d'opérateurs déclaré a passé le cap des 2 000, passant de 1 833 en 2015 à 2 063.

2016 a surtout été une année européenne, avec l'adoption de l'itinérance sans frais et neutralité du Net en avril (avec des lignes directrices des régulateurs en août) et la validation du plan France THD par la Commission européenne en novembre, après deux ans d'allers-retours entre Bercy et Bruxelles. Côté français, la loi Numérique portée par Axelle Lemaire a contribué à de nombreux sujets, dont la neutralité, IPv6 ou l'introduction du statut de « zone fibrée ».

Des pouvoirs élargis

Fin 2016, l'autorité comptait 166 agents, pour 171 autorisés par son budget. Il était en chute de 5 % par rapport à 2015, à 21,19 millions d'euros, malgré la multiplication des missions sur l'année. Pour 2017, les dotations passent à 23,21 millions d'euros, soit près de 10 % de mieux. À la fin de l'année, le collège a d'ailleurs accueilli Monique Liebert-champagne, quelques mois avant le départ de Benoit Loutrel chez Google.

L'autorité voit ses prérogatives s'accroître, notamment en matière de contrôle de la neutralité du Net ou du déploiement de la fibre et de la couverture mobile. Elle a retrouvé de meilleurs pouvoirs d'enquête, notamment de perquisition. L'an dernier, elle a prononcé 12 mises en demeure et trois sanctions. Orange a par exemple été mis en demeure sur la non-discrimination dans l'accès au génie civil sur le marché entreprises, quand l'opérateur historique et SFR ont été sanctionnés sur les retards de déploiement mobile en zone blanche. Elle a aussi été consultée pour des règlements de différend, sur de l'interconnexion notamment.

En parallèle, elle se penche de près sur l'aménagement du territoire, sous une pression politique importante pour couvrir au plus vite le territoire ; malgré les guerres entre opérateurs et légères déceptions des réseaux publics. L'autorité accompagne lesdits réseaux d'initiative publique (RIP) dans leur commercialisation, notamment en fixant des tarifs de référence. Sur mobile, elle suit de près l'enrichissement des cartes de couverture, réclamé par les élus locaux... avec l'idée d'encourager l'open data et les expérimentations, histoire d'ouvrir le marché.

Les grands chantiers des entreprises et de la fibre

Début 2016, l'Arcep avait découpé son action en 12 « travaux ». Elle revient maintenant sur leur avancement, toujours dans l'objectif de revenir dans le radar du secteur du numérique. Le premier domaine listé est la connexion des PME, qui sont aujourd'hui encore en retard en matière de numérique, notamment à cause d'un marché télécoms opaque.

En février, l'autorité avait présenté son arsenal pour équilibrer le marché Internet fixe, notamment pour les entreprises. Les principales mesures concernent Orange, jugé en position de force sur certains points, comme le génie civil. En parallèle, l'Arcep veut ouvrir le marché à plus d'acteurs et éviter un duopole Orange-SFR, notamment en mutualisant la (chère) fibre pour entreprises à celle pour le grand public.

Les autres acteurs donnent d'ailleurs de la voix, en fondant récemment deux associations et en attaquant l'opérateur historique. Dans son rapport, l'institution promet une version amendée de ses remèdes en consultation publique avant l'été. En attendant, elle publie (enfin) un tableau éclairant sur l'état du marché télécoms pour entreprises, où la fibre reste encore rare.

Arcep marché entreprises
Crédits : Arcep

Sur le déploiement de la fibre, l'autorité a lancé en avril une (autre) consultation publique sur les « zones fibrées », qui doivent symboliser l'avancée du nouveau réseau et permettre d'éteindre le cuivre. Si le texte a été largement vidé de sa substance, il se dirige vers une version finalisée, qui doit être entérinée par un arrêté du gouvernement. À partir de là, l'Arcep pourra attribuer le statut à de premières zones, pour qui cela ne devrait finalement pas changer grand-chose...

Comme pour le marché entreprises, l'Arcep publie encore ici deux tableaux édifiants sur l'état des déploiements. Comme nous le remarquons, alors qu'Orange et SFR se battent pour les déploiements de fibre en zone moins denses, l'opérateur historique domine le nombre de lignes raccordables, même s'il doit construire 80 % des 14 millions de lignes de ces zones, prises entre les zones très denses (où chaque opérateur déploie sa fibre) et les zones rurales (avec réseaux publics). 

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Orange domine bien les déploiements en zones moins denses - Crédits: Arcep

Des avancées et beaucoup de rapports

Concernant la neutralité du Net, pour laquelle l'Arcep milite depuis 2010, l'autorité a publié son premier rapport annuel sur l'état de l'Internet français (voir notre analyse). Elle y dresse un bilan positif de la neutralité et du marché de l'interconnexion. Elle doit encore améliorer ses capacités d'analyse, avec des outils censés permettre aux internautes de remonter les problèmes.

En matière de couverture mobile, les travaux concernent en partie les fameuses cartes enrichies. Après un premier essai en Nouvelle-Aquitaine en avril (voir notre reportage), le procédé doit être étendu sur toute la France en septembre, sur monreseaumobile.fr. L'objectif est toujours de fournir quatre niveaux de couverture au lieu d'un seul, à partir de projections fiables fournies par les opérateurs.

Le crowdsourcing doit y contribuer, notamment sur mobile, en fiabilisant les mesures et en enrichissant les prochaines cartes de couverture, à partir du second semestre. L'Arcep est déjà en dialogue avec le secteur, qui est pour partie dépendant des groupes télécoms eux-mêmes, même s'ils nous assuraient le contraire (voir notre enquête). Sur le signalement de problèmes, une plateforme doit ouvrir pour les consommateurs et entreprises à l'automne. 

Sur mobile, spécifiquement, l'institution a publié des lignes directrices sur l'itinérance et la mutualisation de réseaux, qui doivent soit être limités dans le temps, soit réservés aux zones peu denses. Dans la foulée, les contrats des opérateurs ont rapidement été revus. Pour la suite, l'Arcep annonce qu'elle accompagnera les opérateurs dans leurs obligations de mutualisation passive dans certaines zones définies dans la loi Montagne.

Ouvrir les terminaux à la concurrence

Côté prospective, l'autorité compte favoriser le développement de l'Internet des objets « grâce à une régulation pro-innovation ». En novembre, elle a publié un livre blanc et puis lancé une consultation publique sur l'utilisation des fréquences, notamment pour la 5G. Pour fin 2017, elle promet un portail sur les fréquences libres. Elle a autorisé 107 expérimentations sur des fréquences l'an dernier et doit ouvrir « très prochainement » un guichet start-up et expérimentations (aussi valable pour les collectivités).

Pour la confiance dans le numérique, l'institution continuera de contribuer au cadre légal, en plein chamboulement avec le marché unique numérique poussé par la Commission européenne. Son site doit aussi être refondu au premier semestre 2018, avec un espace « collectivités » amélioré.

Enfin, elle promet un rapport début 2018 sur l'ouverture des terminaux. Le mois dernier, l'Arcep a publié ses pistes de travail sur le sujet. Une occasion pour son président, Sébastien Soriano, de s'inquiéter publiquement de la mainmise des Apple et Google sur l'accès aux nouveaux appareils, via leurs boutiques d'applications. Une thématique qui rejoint celles explorées aux 20 ans du régulateur en février, où la régulation des plateformes était vue comme une prochaine étape.

Commentaires (6)

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grâce à une régulation pro-innovation

Un bel oxymore : l’innovation émerge toute seule (merci aux entrepreneurs et aux marchés), mais si on veut la tuer, régulons. Il est vrai qu’en France rien ne peut survenir si la technocratie ne l’a pas d’abord (é)dicté.



On dirait bien qu’un nouveau mammouth bureaucratique est né, et des pluies continues de régulations, réglementations et autres normes inutiles sont attendues pour bientôt.

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… Et on aboutit à une situation comme ça : 

 L’opacité des objets connectés domestiques agace l’UFC-Que Choisir

 Protocole, données personnelles, etc. - Next inpact - 16/06/2017



C’est quand même plus facile d’innover sur la 5G, si tout le monde partage la même définition de la 5G.

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Parce qu’entrepreneurs et marchés n’ont pas besoin de régulation pour innover? Ne serait-ce que pour mener à bien leur activité, préserver les conditions de la concurrence (genre lois antitrust au hasard)? 

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joma74fr a écrit :



… Et on aboutit à une situation comme ça : 

 L’opacité des objets connectés domestiques agace l’UFC-Que Choisir

 Protocole, données personnelles, etc. - Next inpact - 16/06/2017



C’est quand même plus facile d’innover sur la 5G, si tout le monde partage la même définition de la 5G.



Je ne suis pas d’accord : le plus petit dénominateur commun est bien souvent le moins disant, et l’imposition d’une norme unique élimine fatalement et nécessairement toutes les innovations qui seraient survenues s’il y en avait eu plusieurs. Au lieu d’une course à l’innovation pour attirer le public, on va avoir droit au même nivellement par le bas et figé d’une norme.









Coeur2canard a écrit :



Parce qu’entrepreneurs et marchés n’ont pas besoin de régulation pour innover? Ne serait-ce que pour mener à bien leur activité, préserver les conditions de la concurrence (genre lois antitrust au hasard)?



Les marchés sont les plus innovants quand fonctionnent (et s’auto-régulent) tous seuls. La seule chose nécessaire est une loi et un droit clairs. Les lois antitrusts ne servent justement qu’à limiter l’innovation.


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J’aimerais bien avoir un peu plus le fonds de ta pensée là-dessus, mais pas au prix d’un lien de plus 100 pages. La lecture ne me fait pas peur, mais bon j’aime bien choisir mes lectures pour le coup (surtout en économie). Tu aurais pas un passage en tête en particulier?

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Coeur2canard a écrit :



J’aimerais bien avoir un peu plus le fonds de ta pensée là-dessus, mais pas au prix d’un lien de plus 100 pages. La lecture ne me fait pas peur, mais bon j’aime bien choisir mes lectures pour le coup (surtout en économie). Tu aurais pas un passage en tête en particulier?



La conclusion du 2nd papier résume la situation (et mon point).


En 2016, l’Arcep croule sous les responsabilités mais veut encore les étendre

  • Des pouvoirs élargis

  • Les grands chantiers des entreprises et de la fibre

  • Des avancées et beaucoup de rapports

  • Ouvrir les terminaux à la concurrence

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