Sur la fibre, l’Arcep resserre légèrement la régulation d’Orange
« Promis, je ne le refais plus »
Le 11 juillet 2017 à 13h42
8 min
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Après un an de débats, ponctués par des consultations publiques, l'Arcep fournit une version quasi finalisée de ses remèdes à la domination d'Orange sur la fibre. Pour le grand public, l'autorité choisit de faire confiance à l'opérateur historique, qui devra ouvrir son réseau aux autres opérateurs pour entreprises et son génie civil.
Le régulateur des télécoms, l'Arcep, présentait ce matin le contenu de trois futures décisions censées équilibrer le marché de la fibre (pour le moment dominé par l'opérateur historique) censées être validées en novembre. L'idée : encourager l'investissement et ouvrir le marché pour entreprises, encore balbutiant chez les TPE et PME. Ces conclusions étaient attendues, après un travail amorcé l'an dernier, qui a donné lieu à une première série d'annonces en janvier, qui avaient fortement échaudé Orange. En sera-t-il de même cette fois-ci ? Il y a peu de chances.
Si l'Arcep continue d'estimer qu'Orange est bien un « opérateur exerçant une influence significative sur les trois marchés de gros du haut et du très haut débit », les mesures envisagées semblent bien s'être réduites, notamment sur le marché grand public. Le gendarme plaide pour la confiance dans l'opérateur historique, qui devra tout de même fournir des offres spécifiques à ses concurrents sur le marché entreprises... sous une forme jugée insuffisante par des fournisseurs d'accès alternatifs.
Les engagements d'Orange, les futurs contrôles de l'Arcep
L'autorité constate « une avance importante d’Orange dans le déploiement et la commercialisation de la fibre », qui n'avait échappé à personne (voir notre analyse). Pourtant, sur le marché résidentiel, l'Arcep a décidé de suivre l'entreprise sur les améliorations qu'elle propose. Seule contrainte : un contrôle renforcé, qui doit s'exprimer à partir de l'an prochain.
Il n'est pas question de régulation particulière sur ce marché, comme le réclamaient Free et Bouygues Telecom au gouvernement. L'autorité parle plutôt de « responsabiliser » les autres opérateurs pour les encourager à investir, ne percevant pas d'obstacle incommensurable sur le marché grand public.
Dans le détail, l'institution songeait à des mesures spécifiques pour Orange sur le raccordement des concurrents aux immeubles qu'il a fibré en zones très denses, mais s'en tient finalement à l'engagement de l'opérateur de faire disparaître les difficultés de raccordement, avec une première échéance d'ici mi-2019. L'autorité prévoit un suivi spécifique en zones très denses, à destination du monde de l'immobilier.
Toujours en zones très denses, l'opérateur historique s'engage à commercialiser ses fibres excédentaires à ses concurrents, sans y être contraint ni forcé. Il promet de tenir le régulateur informé des discussions commerciales, pour éviter toute distorision de concurrence.
Enfin, concernant les processus inter-opérateurs d'installation et de commercialisation des lignes, Orange promet que sa branche de détail utilisera les mêmes outils que les concurrents. Jusqu'ici, l'entreprise était accusée de s'avantager sur certains points, comme la correction d'erreurs sur la ligne pendant les interventions. Le changement doit être mis en place au 1er septembre 2018, avec des moyens de contrôle en place au 31 décembre 2018. Le groupe s'engage aussi à une meilleure communication avec les concurrents et l'Arcep sur le sujet, ce qui ne coûte pas grand-chose.
Plus d'obligations sur les entreprises, avec revente de service
Malgré l'importance du grand public, ce n'est pas là que l'Arcep était le plus attendu. Le dossier chaud est celui du marché entreprises, qui compte pour un tiers des revenus des télécoms, et était délaissé jusqu'à il y a peu par le régulateur, de son propre aveu. L'Arcep s'est donc engagé dans un rattrapage express, alors que des associations se montent contre la situation, sur un marché où la fibre reste encore rare chez les TPE et PME.
Deux pistes sont donc envisagées : miser sur le réseau fibre grand public (plutôt que des lignes purement « pro ») pour baisser les prix d'une bonne partie des offres et réduire la dépendance des petits opérateurs pour entreprises à Orange. Dans l'idéal, l'Arcep voudrait trois opérateurs d'infrastructures fibre, soit au moins un nouveau aux côtés d'Orange et SFR.
Sur le premier volet, l'autorité compte imposer à Orange une offre en fibre jusqu'à l'abonné (FTTH) avec garantie de temps de rétablissement (GTR) de 10 heures, pour des tarifs espérés à 100 euros mensuels... au plus tard à partir du 1er janvier 2018. Dans ce cadre, la société dispose de six mois pour les présenter aux opérateurs tiers avant de les commercialiser. L'Arcep reverra sous 12 mois les opérateurs alternatifs pour voir si ce « GTR 10 h » sur la fibre grand public répond bien au problème, pourquoi pas pour l'étendre aux autres opérateurs déployant leur propre réseau.
Le but est de voir émerger des offres activées (clés-en-main, où le fournisseur d'accès a juste à fournir sa box). Orange louerait ainsi un réseau passif à un opérateur, qui ferait passer le signal (activation), avant de lui-même le commercialiser à un opérateur de détail, qui fournit concrètement le service à l'entreprise cliente. Cette longue chaine d'acteurs doit garantir la diversité du marché à partir d'une même infrastructure, même si les sociétés pressenties pour « activer » le réseau d'Orange sont peu nombreuses. Le consortium Kosc, piloté par OVH, est le plus en vue, l'ex-France Télécom disant déjà discuter avec eux, tout comme des opérateurs de détail.
Ce système est accompagné d'un autre : une offre de revente multi-sites en marque blanche. Là, l'opérateur de détail revendrait directement des offres exactement équivalentes à celles d'Orange. L'avantage serait de pouvoir fournir du service facilement, partout sur le territoire, un luxe que peu de petits opérateurs pour entreprises ont aujourd'hui.
Sur les entreprises : la revente des offres Orange n'est pas la panacée, mais cela permet à tout le monde de suivre Orange sur le marché
— ARCEP (@ARCEP) 11 juillet 2017
La colère d'opérateurs alternatifs
C'est une douche froide pour des associations de petits opérateurs, qui réclamaient à cors et à cris des offres activées sur le réseau d'Orange, qu'ils se voyaient revendre directement aux entreprises clientes. Pour l'Arcep, il s'agit d'une vision court-termiste, qui aurait renforcé l'emprise du groupe sur le marché à long terme. En fait, l'autorité n'aurait « jamais envisagé » une telle solution, affirmait-elle ce matin lors d'une conférence de presse.
Dans un communiqué, l'Association des opérateurs télécom alternatifs (AOTA) a très rapidement affiché sa déception face aux choix du régulateur. « Outre son incapacité à réparer les erreurs du passé, l'AOTA constate avec beaucoup de regrets que le régulateur n'a pas pris en compte ses demandes répétées de production d'une offre FTTH activée nationale par l'opérateur dominant » écrit-il.
Est particulièrement critiqué le choix de la revente en marque blanche d'offres d'Orange, sans grande marge de manœuvre commerciale. Les opérateurs pour entreprises « deviennent de simples revendeurs d'Orange ou ne se contentent d'acheter des prestations à un nouvel entrant sur le marché de gros qui ne dispose d'aucune contrainte particulière en matière de tarifs », estime l'association, dont le président s'est publiquement agacé de cette doctrine.
L'AOTA compte saisir l'Autorité de la concurrence, que les décisions présentées aujourd'hui devaient déjà apaiser. L'AdlC réclamait ainsi des offres activées, comme ces petits opérateurs.
Du mieux sur le génie civil, la « zone fibrée » en berne
L'autorité a la main plus lourde sur l'accès au génie civil, contrôlé par Orange, qui pose des soucis aux concurrents et à certains réseaux publics, comme nous l'illustrions hier dans la Loire. À ces problèmes, le groupe nous répondait en fin d'année dernière qu'il s'agissait de soucis fonctionnels ponctuels.
Sur la question, l'Arcep maintient ce qu'elle avait prévu. Elle revoit les obligations d'entretien d'Orange et ouvre la possibilité à celui qui déploie la fibre d'intervenir lui-même si l'ex-France Télécom tarde trop. Cela devrait éviter certaines situations, comme des déploiements parallèles d'infrastructures de réseaux publics, qui affirmaient ne pas pouvoir accéder assez rapidement à celles de l'opérateur historique.
« Concernant l’hébergement et la collecte, l’autorité estime nécessaire qu’Orange adapte les offres correspondantes en les rendant neutres aux usages » ajoute l'institution. L'offre de collecte fibre régulée (LFO) doit notamment permettre de raccorder des répartiteurs fibre (NRO) entre eux dans une même zone.
Le régulateur finit aussi de vider le statut de zone fibrée de sa substance, en éliminant l'extinction du réseau cuivre sous cinq ans, après avoir renoncé à la montée des prix du cuivre pour inciter les habitants à passer au nouveau réseau. Il s'agit désormais d'une mesure publicitaire pour la fibre dans la zone concernée et d'un signal qu'Orange peut décider (ou non) de suivre pour couper l'ADSL/VDSL. À se demander si ce statut a encore un intérêt pour les collectivités, sinon disposer d'un tampon montrant que la fibre avance.
Le secteur a jusqu'au 15 septembre pour réagir officiellement à ces trois projets de décisions, qui devraient être entérinées en novembre.
Sur la fibre, l’Arcep resserre légèrement la régulation d’Orange
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Les engagements d'Orange, les futurs contrôles de l'Arcep
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La colère d'opérateurs alternatifs
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Commentaires (13)
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Abonnez-vousLe 11/07/2017 à 13h51
Au fait ce merdier est ni la faute de l’Arcep, des Grandes FAI, des petits FAI.
Mais celui de notre gouvernement. " />
Mais bon, comme ils sont “responsable mais pas coupable”, c’est DTC!!! " />
Le 11/07/2017 à 14h25
L’Arcep compte privilégier les gros opérateurs nationaux visiblement.
Peut-être une conséquence du choix européen de concentrer un peu plus le secteur des télécom européen autour de quelques dizaines d’acteurs comme en Amérique du Nord et en Chine ?
Le 11/07/2017 à 14h26
L’Arcep doit pas être au courant qu’il y a déjà une GTR 8h dans les offres Pro.. Fibre comprise.
“Garantie de temps d’intervention 8H sur site réservée
aux clients titulaires d’une offre Internet pro, Optimale pro, Optimale
pro office, Optimale pro multi-lignes, Orange open pro,
Orange open
pro office, Fibre pro, Orange open pro fibre à compter du 1er juillet
téléphonique par internet aux interfaces
de la Livebox et si le
défaut se situe sur la partie privative du client au-delà du point de
terminaison, Orange s’engage à prendre un rendez-vous sur site dans un
délai de 8 heures ouvrables
(du lundi au samedi hors dimanches et jours fériés de 8h à 18h) à compter de l’enregistrement de la signalisation.”
Et ce n’est pas à 100 euros par mois…
Le 11/07/2017 à 14h29
Le tweet de l’Arcep inclus dans l’article est limpide : l’Arcep invite les fournisseurs du marché entreprises à “suivre Orange”.
(on dirait un message de l’ART des années 1990)
Le 11/07/2017 à 14h47
100 € ?
" />
ce n’est pas ce que je paye chez Nerim pour 50 mbps…
idem pour la fibre du conseil général des yvelines
" /> " />
Le 11/07/2017 à 15h37
Si l’opérateur est dominant c’est qu’ils investi plus que les autres. Si il a beaucoup de clients c’est que ces meme client sont satisfait. Sérieux faut arrêté le délire du dominant la. C’est comme si dans une course d’athlétisme tu tiré sur le mec qui est premier ..
Le 11/07/2017 à 15h57
Sauf que là, le mec qui est devant est le seul à avoir accés à la piste (l’Infra de génie civil). Il dit que c’est la sienne, alors qu’elle a été payée par le contribuable et que les autres n’ont qu’a construire la leur.
Le 11/07/2017 à 15h58
L’un n’empêche pas l’autre : l’Arcep peut traiter Orange comme le pivot du secteur des télécom en France (ce qui pose question) et Orange peut fournir un service de qualité qui emporte l’adhésion des acheteurs.
La question est : « faut-il nécessairement que Orange soit en position de conflit d’intérêt entre sa fonction d’opérateur régulé et son activité commerciale concurrentielle ? »
La régulation de BT/Openreach (au Royaume-uni) ou de EDF/Enedis (secteur de l’électricité en France) a plus de mérites.
Ton commentaire me fait penser aux tweets de Didier Lombard. La réaction de Benjamin Bayart est autant outrée, mais pour des raisons qui me semblent plus réelles et moins confuses.
Le 11/07/2017 à 21h45
Ne pas confondre GTI et GTR…
Pour une PME, arriver à des tarifs qui ne dépassent pas 100€ contre 1300 à 1500€ HT pour 100M avec un GTR 4h (oui parfois le choix est impossible), ce serait un bon début.
Orange abuse clairement de la situation et se gave sur le dos des entreprises. Et que l’on ne me parle pas de flux à 2 vitesses perso/pro, c’est juste archi-faux !
Le 11/07/2017 à 22h42
En fait cela fait simplement parti de mon boulot tout ça… Donc ce qu’on appelle communément une GTR est avant tout une GTI, entre temps le tech trouve une solution au client (airbox pour du pro sans débit ou godet bloqué, flybox pour des clients plus gros avec paramétrage selon le SI de la boite etc).
La GTR n’existe pas vraiment, c’est de l’abus de langage puisque tant que le problème n’est pas identifié, ce n’est qu’une GTI…. Et ce pour tous les opérateurs.
La GTR (regarde les conditions, ce sont des déplacements de tech pour tous..soit une GTI) est déjà de 8h sans être à 100€HT/ mois.
Le 13/07/2017 à 09h49
Le 13/07/2017 à 15h52
Le 17/07/2017 à 10h05
Mr.Nox a écrit :
Encore une fois, cela fait parti de mon boulot, l’accès à ses services doit être réglé en 8h mais si le délai est plus long, on peut proposer une flybox. De plus, la GTR est avant tout une GTI, puisque c’est un service qu’on rétabli via déplacement d’un tech (il débute effectivement dès l’appel de client) sans forcément connaitre le problème réel, que soit de la 4G ou Fibre du moment que l’on peut, à moins de 8h donner accessibilité au client à son réseau et outil de travail, on lance.
Par la suite, le client fera une réclamation si nous n’avons pu lui donner satisfaction en autrement que par un moyen détourné. Cela arrive très rarement, mais nous le faisons pour que les clients ne se retrouvent sans rien lorsque les techs ont la certitudes de mettre plus de 8h.
On attend d’ailleurs la fin du problème et on voit avec le client pour chiffrer le dédommagement. Enfin, la critique première reste vraie, toutes les offres fibre Pro ont une GTR de 8h.
Ça fait partie aussi de mon boulot. Évidemment on est impossible d’être certain de respecter une GTR (je parle hors exclusions type cas de force majeure ou rupture de service à cause d’un tiers -> coup de pelle par ex) puisqu’on ne connait la pas à l’avance la nature de l’incident. Mais c’est pour autant plus qu’une GTI puisque tous les moyens sont mis en œuvre pour pouvoir la respecter cette GTR(astreintes d’équipe, appro routeurs, etc). Et d’expérience il y a peu de GTR non respectées sur incident.
Sur les offres entreprise ( Business Internet, Business VPN, Business Ethernet, Local Ethernet…) la GTR est de 4H lundi-samedi 8h-18h en standard.
Sur ces offres, il n’y a jamais de mise en place de “solution de contournement” mais uniquement une réparation.
Après c’est aussi pour cela que de nombreux clients souscrivent à des accès secourus (sur différents type de support xDSL, FO, radio) afin qu’en cas de perte de lien, la connectivité soit seulement “dégradée” et non interrompue.