Twitter clarifie ses règles, mais leur application pose toujours question
Les paroles s'envolent
Le 06 novembre 2017 à 13h00
7 min
Internet
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Twitter a publié des éclaircissements sur ses conditions d’utilisation. Une communication attendue, tant l’entreprise est sous pression à la suite de nombreux comportements de type harcèlement. Si ces règles ont toujours été là, leur application concrète semble toujours poser problème.
Comme prévu dans son safety calendard, Twitter a mis en ligne vendredi soir un billet résumant ses nouvelles règles. Le service de micro-blogging tient à préciser un certain nombre de points, sur des thématiques loin d’être nouvelles : comportement abusif, pensées suicidaires, spam, violence graphique et pornographie.
Comme le rappelle l’entreprise, ces règles ont toujours existé, mais elle souhaitait en faire un rappel, en les détaillant davantage et en fournissant plus d’exemples. Au-delà de ces « fondamentaux », la société compte également publier dans les semaines qui viennent des pages pour chaque thématique, qui apporteront de nouveaux exemples et précisions.
Comportement abusif : une question de contexte et de valeur informative
Il s’agit du point le plus important pour le réseau, les comportements abusifs étant un problème régulier depuis de nombreuses années. Twitter se veut « clair » sur la question : le « contexte est crucial dans l’évaluation d’un comportement abusif », afin de « déterminer les mesures à prendre ».
L’entreprise explique que c’est tout l’enrobage d’un tweet qui sera examiné, y compris les signalements faits par les utilisateurs. L’identité de ces derniers jouera d'ailleurs un rôle. Autre point regardé de près, la valeur informative : ce n’est pas parce que le tweet provoque de nombreuses réactions négatives qu’il est en lui-même un problème.
Difficile de ne pas penser au vu des explications au fameux tweet de Donald Trump fin septembre. Le président américain, avec sa fougue habituelle, indiquait avoir écouté le ministre nord-coréen des Affaires étrangères aux Nations-Unies, et en avait tiré un avis plus que tranché : si les pensées du ministre faisaient écho à celles de « Little Rocket Man » (Kim Jong-un, maître du pays), la Corée du Nord risquait de ne plus être là pendant bien longtemps.
Just heard Foreign Minister of North Korea speak at U.N. If he echoes thoughts of Little Rocket Man, they won't be around much longer!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 24 septembre 2017
Un tweet que beaucoup voyaient comme une déclaration de guerre à peine voilée, sur fond de tensions géopolitiques extrêmes. Le lendemain, Twitter avait expliqué pourquoi le tweet n’avait pas été supprimé : sa valeur informative était claire, les mêmes règles s’appliquant à tout le monde.
Le cas restait particulier, car Donald Trump tweetait avec son compte personnel. On se rappelle d’ailleurs qu’un projet de loi aux États-Unis (Covfefe Act) visait l’archivage de ces tweets, considérés comme des prises de position de l’exécutif. Notez cependant que le comportement abusif concerne de manière générale tous les messages à caractère agressif et, le plus souvent, des utilisateurs classiques s’en prenant à d’autres pour divers prétextes/raisons, des appels à la haine, etc.
Idées suicidaires, spam, violence explicite et pornographie
Ces catégories illustrent la manière dont Twitter réagit dans des situations variées, tantôt en supprimant très rapidement les tweets, tantôt en prenant le temps d’examiner la situation sur une période prolongée.
Sur tout ce qui touche aux idées suicidaires et, plus globalement, au fait de s’infliger soi-même des souffrances, l’entreprise assure veiller au grain et supprimer aussi vite que possible tout message faisant la promotion de ces comportements. À l’inverse, elle n’aborde pas le cas de messages que l’on pourrait qualifier de détresse et d’appels à l’aide.
Twitter détaillera également plus tard dans le mois la manière dont elle lutte contre le spam. Un point crucial, car les faux comptes y sont légions. Contrairement au cas précédent, la société indique qu’elle se penche davantage sur le comportement global du compte dans le temps que sur la valeur informative d’un seul tweet.
Quant aux images pouvant choquer de manière générale (violence et pornographie), la page associée se veut plus complète, mais subira une nouvelle mise à jour le 22 novembre pour tenir compte de tout ce qui touche à l’incitation à la haine.
Globalement, le fond ne change pas : décès d’une personne, scènes de crimes, accidents meurtriers, blessures, tortures, nudité complète ou partielle ou encore rapports sexuels sont tous classés dans la catégories « contenus sensibles » et sont indiqués comme tels par le réseau social.
Twitter répète cependant que des images trop violentes peuvent être retirées, notamment à la demande d’utilisateurs, si par exemple elles touchent des proches. Par ailleurs, tous ces contenus sont autorisés sous forme de photos, mais pas pour une vidéo en direct.
Une pression croissante sur la modération
Intensifier la communication sur les règles et leur respect est une suite logique pour Twitter. Comme d'autres géants du secteur, l’entreprise fait face à une équation difficile, tentant d’un côté d’engranger de nouveaux utilisateurs, et de l’autre de placer des garde-fous face à une libération de parole entrainant régulièrement des comportements abusifs et autres propos violents.
Il faudra cependant attendre que la société en dise davantage, car même si certains points sont plus précis (notamment sur le spam), les règles elles-mêmes restent identiques. De plus, les reproches faits à Twitter ne concernent pas tant les règles que leur application, et le suivi en cas d'erreur. C’est tout le problème du service actuellement, provoquant depuis environ deux ans une série d’apports qui visent à limiter certains comportements, avec encore des ratés.
Fin 2015, l’éditeur annonçait déjà qu’un accent particulier allait être mis sur la chasse aux contenus haineux et violents. Deux ans plus tard, il est difficile de savoir si cette volonté a fait la différence, tant les reproches faits au réseau restent les mêmes. Ce, en dépit de plusieurs fonctionnalités ajoutées depuis l’année dernière.
En août 2016, Twitter intégrait ainsi son filtre de qualité. Optionnel, il filtre les tweets selon des algorithmes maison, ce qui ne peut bien entendu qu’avoir des limites. Quatre mois plus tard, c’était cette fois le blocage des mots qui arrivait, une fonctionnalité très attendue, notamment pour les évènements provoquant de très nombreux tweets.
En février de cette année, Twitter a voulu se montrer plus radical, en supprimant les notifications liées aux comptes bloqués ou masqués, ainsi qu’aux listes. Ce dernier point avait cependant provoqué la colère des utilisateurs, aboutissant au retour de la fonctionnalité.
La stratégie de Twitter s’appuie finalement sur deux grands axes : un aspect automatisé visant à taire les contenus de « mauvaise qualité » tout en poussant les « bons », ainsi que des fonctionnalités pour gérer manuellement son utilisation du service. Toutefois, il est de plus en plus reproché à Twitter son inaction chronique contre les propos violents.
Clarifier les règles est donc un bon point, mais les faire appliquer irait beaucoup plus loin. Seulement, il faut des ressources dédiées à une telle surveillance/modération puisque l’examen automatisé par les algorithmes ne peut être en aucun cas suffisant.
Par ailleurs, si l’éditeur appliquait ces règles de manière stricte, veillait à ce que les utilisateurs s’en souviennent et supprimait tous les comptes de spam, elle se retrouverait sans doute devant un souci de taille : une fonte de sa base utilisateur. Quels que soient les efforts concrètement entrepris, ils se feront sur le fil du rasoir.
Twitter clarifie ses règles, mais leur application pose toujours question
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Comportement abusif : une question de contexte et de valeur informative
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Idées suicidaires, spam, violence explicite et pornographie
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Une pression croissante sur la modération
Commentaires (4)
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Abonnez-vousLe 06/11/2017 à 13h31
Tous les réseaux sociaux grand public restent ambigus concernant leurs conditions d’utilisations. Eux-même sont ambigus lorsqu’ils s’agit de les appliquer.
Et les conséquences sont… faut-il vraiment que je les énumère ? Les personnes qui utilisent à bon escient les raisons sociaux se rendent compte chaque jour de ces conséquences.
A force de jouer avec la liberté d’expression (c’est à dire modérer mais pas trop quand même), les réseaux sociaux grand public sont devenus des réseaux sociaux populistes : haine, racisme, endoctrinement, pensées mortifères, dénigrement, fausses actualités, théories du complot, ect… sont le lot quotidien de ces réseaux sociaux. Bien évidemment, c’est sous des pseudos, c’est à dire via l’anonymat, que tous les abrutis de la Terre entière viennent s’en donner à coeur joie. Quel courage lorsqu’il s’agit d’assumer ses propos….
Les personnes qui souhaitent les utiliser à bon escient ont beaucoup de mal à y trouver leur place et à pouvoir s’exprimer sans être agresser. Twitter vient de clarifier ses conditions d’utilisation. Et après ? Qu’est-ce que cela va changer ? La haine, le racisme, l’endoctrinement, les pensées mortifères, le dénigrement, les fausses actualités, les théories du complot, ect… font-ils partie de la liberté d’expression ? Ont-ils leur place sur des réseaux sociaux ? Sur les forums, de tels commentaires sont rapidement supprimés ou alors ces fils de discussions sont rapidement verrouillés. Il serait temps que les réseaux sociaux adoptent les mêmes démarches, quitte à perdre un nombre assez conséquent de leurs utilisateurs.
Le 06/11/2017 à 15h16
Pour moi Twitter est mort de cette course au retweet qu’il a favorisé pour mettre en avant des tendances/buzz montés de toutes pièces.
Il est très difficile de tenir un compte Twitter sans être inévitablement l’objet de relances intempestives d’haineux de tous les types (racistes, sexistes, complotistes etc…) et de “concurrents” revanchards.
Ca fait des lustres que je ne regarde plus rien via Twitter ou alors éventuellement une actualité en “direct”.
C’est tout juste si je balance encore de temps en temps un tweet sur les comptes que je gère et uniquement parce qu’on me le demande, le tout en me gardant bien de les suivre par la suite tellement c’est déprimant de suivre les retweet repris de façon débile…
Facebook commence d’ailleurs à prendre le même chemin dès qu’on a une certaine masse de personnes qui suivent une page.
Le 06/11/2017 à 15h25
Il y a un truc que je saisis mal dans tout cela.
Un réseau social, c’est généralement basé sur une notion de graphe: on crée son compte, on se lie à des personnes qu’on juge d’intérêt (famille, amis, célébrité ou politique…), et on est informé de ce qu’ils y font.
Pour les réseaux sociaux que j’ai pu essayer, à aucun moment on n’est forcé à établir une relation, à ‘suivre’ qui que ce soit.
C’est quoi le problème si les gens y racontent des bêtises? j’aime pas? je ne suis pas.
(je ne parle pas de ce qui est illégal, c’est un autre sujet)
Le 06/11/2017 à 18h28
Dans le cas de Twitter, c’est plus compliqué.
Il y a d’une part la discussion plus ou moins privée, où tu peux discuter avec ceux qui te suivent et inversement.
Mais il y a également l’autre partie qui ressemble d’avantage à un forum : si on suit un hashtag en particulier (ou qu’on y participe), on est au contact d’inconnus sur ce sujet.