La proposition de règlement européen sur les contenus pédosexuels a (encore) été reportée
Pédopiégés
Le 18 octobre 2023 à 16h00
7 min
Droit
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L’Allemagne, l’Autriche, la Pologne et l’Estonie, « entre autres, se positionnent clairement contre le projet actuel », explique l'eurodéputé Patrick Breyer, à la tête de la fronde contre ce projet de #ChatControl.
« Le Conseil Justice et Affaires intérieures n'adoptera pas comme prévu sa position sur le règlement européen relatif à la "lutte contre les abus sexuels sur enfants" » ce jeudi 19 octobre, comme initialement prévu, se félicite l'eurodéputé pirate allemand Patrick Breyer, le principal opposant au projet qu'il a qualifié de « #ChatControl » :
« Sans l'engagement et la résistance d'innombrables individus et organisations en Europe, les gouvernements de l'UE se seraient prononcés demain en faveur d'un contrôle totalitaire et aveugle des discussions, enterré la confidentialité numérique de la correspondance et un chiffrement sécurisé. Le fait que nous ayons empêché cela pour le moment doit être célébré ! Je suis particulièrement heureux que la campagne de lobbying professionnel et de désinformation de plusieurs millions d'euros menée par un réseau de la Commission européenne et de prétendus lobbyistes de la protection de l'enfance ait pour l'instant échoué. »
Une enquête, publiée la semaine passée, avait en effet révélé que la Commission européenne aurait violé les règles publicitaires de Twitter, le RGPD ainsi que le Digital Services Act (DSA) pour « micro-cibler », sur la base de critères politiques et religieux, des tweets faisant la promotion de son décrié projet de règlement visant à scanner les messageries à la recherche de contenus pédosexuels.
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Patrick Breyer explique que l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne et l’Estonie, « entre autres, se positionnent clairement contre le projet actuel », que la France « se pose également des questions », et que c'est la deuxième fois que le vote prévu est reporté.
L’Allemagne avait en effet suggéré de retirer les parties les plus controversées du projet et de les intégrer dans un nouveau règlement, au motif que « certains éléments de la proposition — en particulier les injonctions de détection qui, selon certains, rompent le chiffrement et violent la vie privée des utilisateurs — se sont avérés controversés et ont bloqué la législation. »
Les eurodéputés refusent de débattre du lobbying de la Commission
Le 25 octobre, la commissaire européenne Ylva Johansson, qui porte le projet de règlement, devra de son côté répondre devant la commission des affaires intérieures (LIBE) au sujet de la polémique autour de la campagne de lobbying et de promotion, les tweets micro-ciblés ayant été envoyées par la DG Migration & Home Affairs de la Commission (responsable des questions migratoires, des frontières et de la politique sécuritaire), qu'elle dirige.
🇬🇧 #ChatControl: Commission tries to influence critical countries with emotional disinformation campaign.
But conservatives, social democrats, liberals etc. see no reason to debate this.
Check out your MEPs: https://t.co/QbaIYxE463 pic.twitter.com/7pBo6yvUFY
— Patrick Breyer #JoinMastodon (@echo_pbreyer) October 18, 2023
Et ce, alors qu'à la demande des Verts, 51 % des 707 eurodéputés se sont prononcés contre (à 74 %) un débat consacré à cette campagne controversée. Une analyse des votes montre qu'au-delà des dissensions politiques (les eurodéputés du groupe des Verts/Alliance Libre Européenne, auquel le Parti pirate est rattaché, sont les seuls à ne compter aucun opposant à cette proposition), la fracture est également géographique.
Entre 24 et 33 % des eurodéputés suédois, luxembourgeois, danois, allemands et portugais se sont en effet prononcés pour la proposition de débat. A contrario, tous les eurodéputés estoniens, bulgares, lituaniens, polonais, finlandais, croates, slovènes, slovaques, hongrois et chypriotes ayant voté se sont prononcés contre.
Pour ce qui est de la France, les 38 eurodéputés macronistes, de droite et d'extrême-droite qui ont pris part au vote se sont prononcés contre (ainsi que la socialiste Sylvie Guillaume) alors que les 12 autres eurodéputés écolos, socialistes et LFI ayant voté étaient pour.
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Le 26 octobre, la commission des affaires intérieures (LIBE) devrait en outre se prononcer sur la position du Parlement européen et donner un mandat de négociation en trilogue, mais « sans qu'un vote en plénière de tous les députés ne soit prévu », précise Patrick Breyer.
Les gouvernements de l’UE devront alors se mettre d’accord sur une position d’ici la prochaine réunion des ministres de l’Intérieur de l’UE en décembre.
Surveillance de masse et chiffrement sécurisé
Patrick Breyer, qui réclame « une nouvelle approche qui se concentre sur la protection préventive des enfants au lieu de la surveillance de masse et du paternalisme », estime que la dernière « proposition de compromis » de la présidence du Conseil « doit être fondamentalement révisée sur au moins 5 points ».
« Pas de contrôle des chats sans soupçon » : le pouvoir judiciaire ne devrait pouvoir ordonner que des recherches dans les messages et les téléchargements des suspects, et se substituer au projet de surveillance généralisée des messages et des chats prévu par la proposition de règlement :
« C'est le seul moyen d'éviter qu'une ordonnance de surveillance de masse disproportionnée échoue inévitablement devant les tribunaux et n'apporte rien du tout aux enfants. Il ne doit pas non plus y avoir de "contrôle volontaire du chat" non ciblé de la part des entreprises de l'Internet. »
En second lieu, l'eurodéputé pirate voudrait « protéger le chiffrement sécurisé » en excluant explicitement la surveillance « côté client » des messageries chiffrées. Pour lui, les déclarations générales de soutien au chiffrement dans la proposition de règlement « sont sans valeur si le balayage et l'extraction ont lieu avant même le chiffrement : nos appareils personnels ne doivent pas être transformés en scanners ».
Lanceurs d'alerte et pédopiégeage
Breyer voudrait également pouvoir « préserver le droit de communiquer de manière anonyme » en supprimant la vérification obligatoire de l'âge par tous les services de communication. Il estime en effet que les lanceurs d'alerte risquent d'être réduits au silence s'ils doivent présenter une pièce d'identité ou leur visage au service de communication avant de divulguer quelque information que ce soit.
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Plutôt que « d'essayer et d'échouer à bloquer les messages offensants » via les fournisseurs d'accès ou les moteurs de recherche, l'eurodéputé voudrait également rendre obligatoire pour les hébergeurs et les forces de l'ordre de supprimer ou de faire supprimer à la source les messages signalés.
Il appelle, enfin, à rejeter toute forme de censure des applications pour les jeunes, au motif qu' « il est tout à fait inacceptable d'exclure les jeunes d'applications telles que Whatsapp, Instagram ou des jeux afin de les protéger du grooming » (« pédopiégeage », en français, terme désignant la sollicitation de mineurs à des fins sexuelles) : « Au contraire, les paramètres par défaut de ces services doivent être plus respectueux de la vie privée et plus sûrs ».
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Commentaires (6)
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Abonnez-vousLe 18/10/2023 à 18h55
c’est reculer pour mieux sauter… tant qu’ils ne sont pas sûrs de gagner, ils vont reporter, et une nuit alors que tout le monde est en vacance, sauf quelques convaincus, ils vont faire passer le texte.
Ils ne sont plus à une crasse près: ce texte, c’est l’avenir du maintient de l’ordre en Europe.
Le 18/10/2023 à 20h10
Sauter qui ?
Le 19/10/2023 à 07h51
“et ce, alors qu’à la demande des Verts, 51 % des 707 eurodéputés se sont prononcés contre (à 74 %) un débat consacré à cette campagne controversée”
Formulation très étrange. Moi je lis “51 % des 707 eurodéputés se sont prononcés contre” alors qu’en fait c’est 74%; et il y a 49% de non votants.
Le 19/10/2023 à 08h20
Ah, merci je ne comprenais pas la phrase
@Jean-Marc Manach
Merci d’avoir inclus les votes par pays / formation politique (même si c’était certainement indispensable pour le passage).
J’essaie souvent de retrouver l’information, mais même si c’est public je trouve ça très compliqué. (surtout que votewatch s’est arrêté).
(du coup, je découvre mepwatch)
Le 19/10/2023 à 10h23
Effectivement, j’aurais rédigé “51% des 707 eurodéputés se sont prononcés à 74% contre”.
Ce qui fait au fait final 38% (0,51*0,74) contre.
Le 24/10/2023 à 07h10
Dans la mesure ou >90% des abus sexuels sur les mineurs ont lieu dans le cadre familial, ou bien la prochaine mesure est d’installer des caméras surveillées par des AI dans toutes les pièces de nos habitations ou bien cette proposition est un très mince cache-sexe de la surveillance politico-syndicale généralisée /s