Le médiateur du livre veut contraindre les cybermarchands à mieux distinguer le neuf de l’occasion
Donner sa Lang au chat
Le 19 février 2019 à 13h27
5 min
Droit
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Estimant qu’Amazon refuse de distinguer suffisamment clairement les offres de livres neufs et d’occasion, le médiateur du livre, Olivier Henrard, plaide pour une modification de la « loi Lang » de 1981 sur le prix unique du livre.
Quiconque a déjà tenté d’acheter un livre sur Internet sait qu’il peut être difficile de s’y retrouver entre le prix neuf, d’occasion, avec ou sans la livraison... Or en France, la fixation du prix du livre répond à des règles relativement strictes. Il est par exemple interdit de proposer un rabais de plus de 5 %.
Alors que le e-commerce a le vent en poupe, les éditeurs se sont plaints ces dernières années des pratiques de certaines plateformes dotées d’une « place de marché » (où sont mis en vente, bien souvent aux côtés des articles qu’elles commercialisent pour leur propre compte, des produits proposés par des vendeurs tiers).
« Il est en effet apparu que les modalités de présentation du prix du livre sur ces plateformes étaient de nature, soit à laisser penser qu’un livre neuf pourrait être vendu à un prix différent du prix éditeur, soit plus généralement à brouiller la notion de prix unique dans l’esprit des consommateurs » explique Olivier Henrard dans un rapport rendu public hier.
La situation est telle que le médiateur du livre, également connu pour être l'un des architectes de la loi Hadopi, recommande désormais une « évolution législative ».
Des négociations infructueuses, Amazon pointé du doigt
Au terme d’une concertation menée par le médiateur du livre, les organisations d’éditeurs et les plateformes (Amazon, Cdiscount, Fnac, Chapitre.fr, Rakuten...) ont signé en juin 2017 une Charte relative au prix du livre.
Ce texte prévoit dans son engagement n°4 que « l’affichage du prix des livres neufs et du prix des livres d’occasion ne doit permettre aucune confusion quant à l’existence de ces deux types d’offres ». En particulier, la présentation « ne doit pas laisser penser qu’un livre neuf peut être vendu à un prix différent du prix fixé par l’éditeur (hors exceptions prévues par la loi) ».
Le médiateur du livre explique toutefois que la portée de cet engagement est « doublement limitée » :
« Tout d’abord, il excepte les applications pour téléphone mobile des opérateurs concernés, alors même que la majorité des transactions est désormais effectuée par l’intermédiaire de telles applications. Ensuite, s’agissant de la version pour ordinateur de ces sites, l’engagement ne s’applique qu’à un stade avancé du processus d’utilisation, c’est-à-dire à la « fiche produit » du livre recherché. Ainsi la « page de résultats », qui présente à l’internaute l’ensemble des offres disponibles pour le titre souhaité, n’est pas concernée par cet engagement. »
Une proposition de loi pour colmater les failles de la charte
Alors que la « loi Lang » de 1981 précise que le prix du livre fixé par l’éditeur doit être « porté à la connaissance du public », Olivier Henrard regrette que certaines plateformes aient recours « à l’emploi de mentions qui aboutissent – volontairement ou involontairement – à brouiller la perception du prix unique du livre neuf par le public : « neuf ou occasion à partir de », « plus d’offres à partir de », « plus de choix d’achat à partir de », « plus d’offres dès », ou enfin « prix des vendeurs partenaires dès ». »
Comme le prévoyait la charte, de nouvelles discussions se sont ouvertes. Le médiateur du livre a ainsi invité les signataires à faire en sorte que « les mesures permettant de distinguer clairement les offres de livres neufs des offres de livres d’occasion, tant du point de vue de leur nature que du prix qui s’y attache, soient mises en œuvre sur toutes les versions des sites Internet des places de marché (y compris les applications mobiles) et à toutes les étapes de la consultation de ces sites (y compris la « page de résultats ») ».
Olivier Henrard raconte cependant que toutes les plateformes ont accepté cette proposition, à l'exception du géant américain Amazon. Faute d’accord, le médiateur du livre fait valoir que « seule une évolution du cadre normatif serait susceptible de conférer toute sa portée au principe (...) selon lequel le prix du livre doit être porté à la connaissance du public ».
Le ministre de la Culture et les présidents des commissions de l’Assemblée et du Sénat chargées de la culture se sont ainsi vu remettre une proposition de loi, visant à compléter la « loi Lang » de 1981.
Très concrètement, Olivier Henrard demande à ce que le prix du livre soit porté à la connaissance du public « selon des modalités qui ne peuvent laisser penser, quel qu’en soit le support et quel que soit le procédé de vente utilisé, qu’un livre neuf peut être vendu à un prix différent de celui qui a été fixé par l’éditeur ou par l’importateur », hors les cas prévus par la loi (rabais, etc.).
Il souhaite par ailleurs que la loi indique que « l’affichage distingue clairement l’offre des livres neufs de l’offre des livres d’occasion, ainsi que le prix des livres neufs du prix des livres d’occasion ». Et ce « à chaque étape du processus d’utilisation » pour les sites Internet. Le tout serait précisé par un décret en Conseil d’État.
Le médiateur du livre veut contraindre les cybermarchands à mieux distinguer le neuf de l’occasion
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Des négociations infructueuses, Amazon pointé du doigt
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Une proposition de loi pour colmater les failles de la charte
Commentaires (15)
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Abonnez-vousLe 19/02/2019 à 13h40
J’achète entre 30 et 60 bouquins par an et principalement sur Amazon.
Je ne vois pas comment on peut confondre le neuf et l’occasion, , peut-être faut il apprendre à lire avant de commander des livres
Le 19/02/2019 à 13h49
Comment tu fais pour apprendre à lire si tu n’achètes pas des livres ? " />
Le 19/02/2019 à 13h51
Le 19/02/2019 à 14h05
Me suis fait la même réflexion…
Le 19/02/2019 à 14h07
Il est vrai que la question se pose dès que l’on passe par le market place.
Il faut alors être très attentif pour savoir ce que l’on achète (neuf / occasion / état).
Le 19/02/2019 à 14h27
Non il suffit de cocher la case Neuf ou de décocher la case Occasion voir de lire le contenu de la première colonne.
Après oui, je soupçonne des gens sur le Marketplace de vendre d’occasion des livres neufs (enfin, comme neuf) pour appliquer une remise. Surtout quand les occasions sont vendus le lendemain de la date de parution.
Le 19/02/2019 à 17h25
Parfaitement. Il est strictement impossible de confondre un livre neuf et un livre d’occasion. Et cela quelque soit le site d’e-commerce.
Le 19/02/2019 à 17h56
Occasion sous blister … " />
Le 19/02/2019 à 19h32
J’avoue avoir du mal à comprendre. Autant la différence livre physique vs ebook, je saisis, autant le neuf ou l’occasion… c’est le même livre (peut-être un peu plus d’usure), il n’est pas possible de les confondre.
Je sens encore un truc de bribeux de ces ayant-tous-les-droits qui va se finir par une affaire similaire à la livraison à 1 centime d’euro des livres
Le 20/02/2019 à 11h10
Il faudrait surtout arrêter avec cette loi Lang qui bloque le prix des livres à celui fixé par l’éditeur. Quand on voit qu’on paye des BD à 11€ (Tintin, Astérix ou autres) alors que ces bouquins sont archi-rentabilisés j’appelle ça du vol !!
Le 20/02/2019 à 13h50
Je plussoie ! Le comble dans tout ça c’est qu’on peut trouver des livres français traduits en anglais moins chers au Royaume-Uni que leur version originale en France.
Et je ne parle même pas des versions ebook plus chères que les versions poche…
Le 20/02/2019 à 13h53
Oui, mais dans ce cas là, la confusion vient du vendeur, pas d’Amazon.
Mais comme Amazon est krè krè méchant et la cause de tous les maux modernes (avec le reste des GAFM), alors c’est de leur faute. Sus à Netflix !
Le 20/02/2019 à 13h58
Acheter un livre « neuf », prétendument en parfait état, pour un prix en conséquence (livre en VO et site étranger donc pas de loi Lang), sur un site alimenté par des professionnels. Y trouver des traces d’usure, le nom du propriétaire précédent… voire même, dans un cas, une carte indiquant à qui il a successivement été prêté et une bonne douzaine de marques au stylo (de toute évidence un exemplaire de bibliothèque). Histoire vécue plusieurs fois, du coup, je n’achète plus sur les marketplaces. J’ai au moins appris un mot à cette occasion : “bookjacking”.
Le 20/02/2019 à 14h57
Le 21/02/2019 à 11h21