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Loi anti-Fake News : le CSA aiguise ses compétences auprès des plateformes

CSA, oui

Loi anti-Fake News : le CSA aiguise ses compétences auprès des plateformes

Le 26 avril 2019 à 15h48

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a acquis de nouvelles compétences avec la loi contre la diffusion de fausses informations. Elles font déborder son champ d’action de la télévision à Internet. Hier, le CSA a dévoilé un projet de recommandation à destination des plateformes visées par ce nouveau texte.

La loi contre les fausses informations, publiée au Journal officiel le 23 décembre 2018, entend lutter contre les « fake news » en exigeant des opérateurs de plateformes plusieurs mesures de transparence. Elle les oblige à dévoiler l’origine des publicités, aussi bien leur coût que l’identité des annonceurs.

Le texte vise les publicités promouvant des contenus « se rattachant à un débat d'intérêt général ». Ce terme générique ne le rend pas d’application aisée, au point que Twitter comme Google ont pris des mesures pour restreindre si ce n’est interdire ces campagnes sur leur réseau.

La loi contient surtout tout un chapitre qui permet au CSA d’étendre ses tentacules du poste de télévision à l’univers d’Internet. L'autorité se voit en effet confier la tâche d’adresser aux opérateurs de plateformes « des recommandations » visant à améliorer la lutte contre la diffusion des fausses informations, tout en endossant la casquette du contrôleur des mesures mises en œuvre. 

L’article 11 demande aux opérateurs de plateforme en ligne dépassant 5 millions de visiteurs uniques par mois de mettre en œuvre « des mesures en vue de lutter contre la diffusion de fausses informations susceptibles de troubler l'ordre public ou d'altérer la sincérité d'un des scrutins ».

À cette fin, ils ont à mettre en place « un dispositif facilement accessible et visible permettant à leurs utilisateurs de signaler de telles informations ». Autre chose, ils doivent activer « des mesures complémentaires » tout en disposant d’une vaste liberté en la matière.

Bon prince, le législateur a donné quelques exemples, ni impératifs ni limitatifs : transparence des algorithmes, « promotion des contenus issus d'entreprises et d'agences de presse et de services de communication audiovisuelle », lutte contre les comptes propageant massivement des fake news, éducation aux médias et à l'information, etc.

Des mesures, contrôlées par le CSA, qui doivent être rendues publiques, accompagnées d’informations sur les efforts entrepris. À cette fin, les opérateurs doivent adresser chaque année au conseil « une déclaration dans laquelle sont précisées les modalités de mise en œuvre desdites mesures », et désigner un représentant lorsque leur siège est à l’étranger. 

Un bouton d’alerte simple, ergonomique, unifié

C’est dans ce contexte qu’hier, l’autorité a dévoilé son projet de recommandations qu’il entend adresser à ces intermédiaires techniques. Le CSA n’a pas fait dans l’originalité : il reprend les exemples donnés par le législateur qu'il détaille avec un luxe de détails.

Le dispositif de signalement mentionné par le législateur par exemple permettra à chaque internaute de signaler de fausses informations « susceptibles de troubler l'ordre public ou d'altérer la sincérité du scrutin ». Pour le conseil, il serait judicieux de prévoir un bouton « Signaler un contenu » à proximité des contenus ou des comptes. De même, les grandes plateformes devraient opter pour un dispositif commun à toutes les déclinaisons de leur service. Un outil simple, ergonomique, logique.

« Ainsi, l’utilisateur devrait pouvoir accomplir la procédure de signalement en suivant tout au plus trois hyperliens ; l’ensemble des motifs de signalement (contenu haineux, fausses informations…) devrait apparaître dans une seule boîte de dialogue et celle-ci devrait être la même pour un service donné, quel que soit son mode d’accès ».

S’il fait référence aux contenus haineux, c’est que la proposition de loi de la députée LREM Laetitia Avia prévoit justement un mécanisme similaire. Sa crainte serait donc de voir surgir autant de boutons qu’il y a de risques.

Des algorithmes transparents

S’agissant de la transparence des algorithmes, le CSA aimerait que chaque internaute puisse comprendre leurs principes de fonctionnement. Comment ? Le conseil donne ses conseils en cinq points :

  • «la traçabilité de ses données exploitées à des fins de recommandation et de hiérarchisation des contenus, qu’elles soient fournies sciemment ou collectées par l’opérateur de la plateforme en ligne ;
  • une information claire, suffisamment précise et facilement accessible sur les critères ayant conduit à l’ordonnancement du contenu qui lui est proposé et le classement de ces critères selon leur poids dans l’algorithme ;
  • une information claire et précise sur sa faculté, si elle existe, de procéder à des réglages lui permettant de personnaliser le référencement et la recommandation des contenus ;
  • une information claire et suffisamment précise sur les principaux changements opérés dans les algorithmes de référencement et de recommandation, ainsi que sur leurs effets ;
  • un outil de communication accessible permettant l’interaction en temps réel entre lui et l’opérateur, et offrant à l’utilisateur la possibilité d’obtenir des informations personnalisées et précises sur le fonctionnement des algorithmes. »

Les entreprises et agences de presse sur le devant de la scène

La promotion des contenus issus d'entreprises et d'agences de presse et de services de communication audiovisuelle est un sujet beaucoup plus sensible. Dans la logique du législateur, adoptée par le CSA, ces contenus devraient être promus par les plateformes, d’une manière ou d’une autre.

Le CSA veut d’abord que les plateformes identifient les « sources de contenus fiables », au moyen « d’indicateurs clairement visibles par les utilisateurs ». En somme un autocollant « presse de confiance » apposé numériquement sur les messages Facebook, les tweets ou les contenus référencés dans les moteurs, destinés à glorifier certaines sources, pour démagnétiser en creux les non-élus.

Pour se faire, le CSA encourage les intermédiaires « à tenir compte des démarches de labellisation, notamment celles réalisées par les entreprises et agences de presse et les services de communication audiovisuelle » (nous avons questionné le CSA pour savoir de quelles démarches il s'agit ici).

Mieux : les services en ligne concernés devraient mettre en place des « moyens technologiques » pour surréférencer, ou mettre en avant ces informations de confiance, « et en particulier les contenus dits de « fact-checking » dans les résultats des moteurs de recherche, les fils d’actualité et les autres canaux de diffusion opérant par classement automatisé ».

Et un pont en or avec la directive sur le droit d'auteur

Le sujet de la labellisation revient régulièrement sur les écrans, si l’on se souvient des velléités du ministère de la Culture en 2006. D’ailleurs, durant les débats parlementaires sur la loi contre les fausses informations, plusieurs députés LREM et MoDem avaient également souhaité confier au CSA la mission d’attribuer ces labels de confiance. 

Pour les principaux concernés, le bénéfice est en tout cas évident. Outre une surexposition sur les écrans et les rétines, cette mise en avant aura un effet mécanique au regard de l’article 15 de la toute récente directive sur le droit d’auteur. Celle-ci prévoit en effet une compensation pour l’usage fait des titres d’agences ou d’éditeurs de presse sur les plateformes. 

Dit autrement, d’un côté, le CSA demande aux plateformes de mettre en avant ces contenus, qui vont être mécaniquement surexposés et donc davantage partagés. De l’autre, plus ces articles seront partagés, plus la directive assurera des retombées compensatrices pour les professionnels de la presse en ligne concernés. Du gagnant-gagnant.

Bannissement de comptes, éducation aux médias

Ce n’est pas tout. Égrainant les articles 11 et 12 de la loi, le CSA aborde aussi la question des comptes distillant de fausses informations à une échelle trop importante. Contre ces hémorragies de contre-vérités, plusieurs moyens sont suggérés : des avertissements, des suppressions de comptes, des restrictions de droits d’utilisateur ou affectant la portée des contenus, voire des mises en quarantaine. En somme, une sorte de bannissement numérique plus ou moins long. 

Les opérateurs de plateformes en ligne sont aussi encouragés à assurer l’éducation des internautes, par exemple avec « des outils adaptés d’analyse de la fiabilité des sources d’information, tels que des modules vidéo et des guides » ou à nouer des partenariats pour contribuer à l’information et aux outils numériques.

Le CSA aura finalement la possibilité d’exiger des informations des plateformes « en cas de constat d’une manipulation ou d’une tentative de manipulation de l’information susceptible de troubler l'ordre public ou d'altérer la sincérité d'un des scrutins ». Il demande dès à présent aux opérateurs « à faire preuve de la plus grande transparence à l’égard de leurs utilisateurs en cas de survenance d’un tel incident », et à désigner un représentant légal qui assurera les fonctions d'interlocuteur référent en France.

Commentaires (9)

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destinés à glorifier certaines sources, pour démagnétiser en creux les non-élus.



Je pressens un joli feu d’artifices (au sens littéral) à qui pourra proposer de l’information comme de la lessive plus blanche que blanche avec triple labels AOC, gouvernement et médias-Pravda et garantie anti-redéposition de plaintes des producteurs de #FakeNews officiels aux consommateurs (dés)abusés.



Cran par cran, le musellement de l’information sans l’imprimatur officiel fait son chemin.

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C’est vraiment l’hôpital qui se fout de la charité.

Je rappelle que le CSA, dont le président est nommé directement par l’élysée, empêche l’UPR et ses 36500 adhérents d’avoir accès aux médias publics depuis 12 ans ! France Television et Radio France ont toujours été des outils de propagande officiels du Ministère de la Vérité, certes. Mais il fut un temps où l’opposition était encore libre de s’y exprimer, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Si vous n’êtes pas européistes jusqu’à la moelle, alors vous êtes complotistes et conspirationnistes selon les journalauds et les journalopes du CSA ! On est en 1984, c’est déjà officiel.

En privant les français d’une opposition politique réelle, et en entretenant une opposition de pacotille entre copains européistes qui promettent une autre europe depuis 60 ans afin d’enfumer toujours plus les veaux, en neutralisant les français entre eux, et en permettant de parachuter des banquiers, le CSA est le complice tacite des émetteurs de fake news et de déinformation du grand public.

Continuez seulement à baisser les yeux en reniant les faits : la dictature soft dans laquelle nous sommes ne durera pas.

 

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Ce qui est dommage dans cette histoire, c’est que la désinformation vient aussi du Président.

Donc entre les machins sociaux qui sont des nids à connerie, et le gouvernement qui en remet une couche, c’est pas prêt de s’arrêter.

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c’est quoi l’UPR ? Comment vous faites pour ne pas avoir accès aux médias publics ? vous n’avez pas le web, la radio, la télé ?

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boogieplayer a écrit :



c’est quoi l’UPR ? Comment vous faites pour ne pas avoir accès aux médias publics ? vous n’avez pas le web, la radio, la télé ?



C’est juste leur gourou qui ne parle volontairement jamais en public, puis se plaint de ne jamais parler en public. Cherche pas plus loin.


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Je comprend l’inquiétude de la manipulations via les média web et résaux sociaux, les papes de la propagande savent faire et ont déjà fait. Mais je trouve ça inquiétant qu’on se base sur la notion de “fake news” qui peut relever dans certains cas d’une interprétation personnelle et d’un point de vue différent.

 

Déjà avec le pouvoir actuel ça fait peur, cette étiquette pourrait être accolée à toute information qui remet en cause le discours officiel. Alors de tels outils réglementaires dans les mains de personnes régulièrement élues et encore moins ouvertes à la démocratie et au discours contradictoire…

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plopl a écrit :



Déjà avec le pouvoir actuel ça fait peur, cette étiquette pourrait être accolée à toute information qui remet en cause le discours officiel. Alors de tels outils réglementaires dans les mains de personnes régulièrement élues et encore moins ouvertes à la démocratie et au discours contradictoire…







J’en doute, cf le lien que j’ai mis plus haut. Le service public audiovisuel (AKA le propagandiste de l’Etat dans les délires imaginaires de certains) passe son temps à remettre en cause la politique du gouvernement et corriger ses approximations.



Après, le fond du problème reste que la désinformation est une chose complexe à traiter car mélangeant autant le faux, la subjectivité, l’omission, et l’orientation dans le sens voulu. Et quand les partisans de ce type de propagande sévissent partout (y compris dans les commentaires de ce site, cf plus haut aussi) il devient difficile de savoir faire la part des choses. Surtout que ce discours est du même acabit que le conspirationnisme qui présente des idées simples et séduisantes et dont la mise en opposition nécessite une argumentation longue et chiante dont tout le monde se fout.



Personnellement, je n’y vois là qu’une énième gesticulation d’action/réaction basé sur une vision extrêmement court-termiste et oublie le principal point à traiter : éduquer et développer l’esprit critique.

Donc ce truc finira au même rang que tous les apocalypses du Web qu’on nous prédit depuis 20 ans avec chaque loi qui va “tuer Internet” au final, n’a rien changé.


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Patch a écrit :



C’est juste leur gourou qui ne parle volontairement jamais en public, puis se plaint de ne jamais parler en public. Cherche pas plus loin.



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Donc si la logique de la loi est portée jusqu’au bout, il sera possible, avec assez de remontées du public, de faire retirer, voire interdire la diffusion des informations de BFM, LCI, TF1…. qui abreuvent leurs sites et youtube de fausses informations ou/et de d’informations incomplètes ou manipulées.

A pousser Twitter, Facebook et consort à interdire les politiciens, le(s) gouvernement(s) et les groupes d’informations à poster des messages, puisque pour la plupart c’est du mensonge, de la désinformation ou l’utilisation d’information parcellaire permettant d’en tirer n’importe quoi.

au passage les politiciens et journaux sérieux, dans le doute, seront également bloqués par les plateformes. et donc nous vivront dans un pays sans information…



bien sur ce n’est pas comme ça que ça va se passer.

le CSA étant sous les ordres du gouvernement, il imposera surement aux plateformes le petit logo fact news à nos menteurs nationaux.

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Pop corn !!



Ca va être un sacré bordel dans les mois à venir.

Loi anti-Fake News : le CSA aiguise ses compétences auprès des plateformes

  • Un bouton d’alerte simple, ergonomique, unifié

  • Des algorithmes transparents

  • Les entreprises et agences de presse sur le devant de la scène

  • Et un pont en or avec la directive sur le droit d'auteur

  • Bannissement de comptes, éducation aux médias

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