Le 25 mai, deux organisations professionnelles ont vainement demandé au Conseil d’État de purger le problème de l’absence répétée de représentants des consommateurs en Commission Copie privée. La juridiction administrative a rejeté leur requête, non sans interprétation audacieuse.
Alors que depuis des mois, plusieurs représentants des consommateurs ne siègent plus au sein de l’instance chargée d’établir les barèmes de la redevance, le président refuse coûte que coûte de les déclarer démissionnaires.
Pourquoi ? Certes, si le Code de la propriété intellectuelle impose de déclarer d’office démissionnaire un membre par trois fois absent, sans motif valable, cette mortuaire décision ne pèse selon lui que sur les personnes désignées par les organisations représentées. Non sur les organisations elles-mêmes.
Résultat ? D’un côté, la majorité des consommateurs ne siègent plus autour de la table, estimant leur présence aussi décorative qu’inutile. De l’autre, le président Jean Musitelli décide que les travaux peuvent poursuivre comme si de rien n’était.
Et quels travaux ! Les ayants droit souhaitent en effet qu’à l’avenir, les disques durs nus et les ordinateurs fixes tombent désormais dans le périmètre de la redevance qu’ils perçoivent. Vingt ans plus tôt, une première tentative avait provoqué une levée de boucliers. En janvier 2001, la ministre de la Culture Catherine Tasca, qui la défendait, fut désavouée par Lionel Jospin, premier ministre. Aujourd'hui, les ayants droit bénéficiaires sont désormais proches de ce Nirvana rémunérateur.
Retour en 2020. Juridiquement, l’instance doit se prononcer à la majorité des membres présents. Or, si les ayants droit disposent de 12 voix sur les 24, ils sont assurés de transformer leurs doux vœux en trébuchante réalité, puisque quatre des six représentants des consommateurs sont partis se confiner ailleurs.
Une Commission déséquilibrée, les ordinateurs sur le grill
Deux des industriels siégeant au sein de la Commission Copie privée ont toutefois porté l'épineux dossier devant le Conseil d’État, saisi en urgence.
Objectif ? Enjoindre « au président de la commission de suspendre toutes réunions de la commission dès [celle] prévue le 25 mai 2020 ». Une pause réclamée jusqu’à la publication des nouveaux arrêtés ministériels de nomination destinés à remplacer les absents par de vrais présents.
Pour les requérants, en effet, cela ne fait pas de doute : « la condition d’urgence est remplie eu égard, d’une part, à l’imminence d’une réunion de la commission pour la rémunération de la copie privée », ce même 25 mai, et d’autre part, « à la perpétuelle absence, depuis juin 2019, de quatre organisations représentatives des consommateurs ».
Cette absence a pour « effet de rompre le principe de parité », de « troubler la sérénité des travaux » et « d’entacher la sécurité juridique des décisions de la commission ».
Dans son ordonnance, publiée sur le précieux site de jurisprudence Doctrine.fr, le Conseil d’État a rappelé les termes du Code de la propriété intellectuelle : « Est déclaré démissionnaire d’office par le président tout membre qui n’a pas participé sans motif valable à trois séances consécutives de la commission ».
Il a également pointé une autre disposition, celle prévoyant que « les organisations appelées à désigner les membres de la commission ainsi que le nombre de personnes que chacune est appelée à désigner sont déterminées par arrêté conjoint des ministres chargés de la culture, de l’industrie et de la consommation ».
« Devoir » vs « Pouvoir »
De ce couple, il déduit que « peuvent être déclarés démissionnaires d’office, par le président de la commission (…), les membres désignés par les organisations dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la culture, de l’industrie et de la consommation ».
Sa grille de lecture est toutefois surprenante. D’une part, la démission d’office n’est pas une option (« peuvent »), mais bien une obligation.
D’autre part, le Conseil d’État partage la doctrine du président de la Commission copie privée (la démission ne concerne que les membres choisis par les organisations, non les organisations), mais ignore que l’actuel arrêté de nomination prévient bien que ce sont ces organisations qui sont membres, pas les personnes désignées par elles.
« À compter du 25 mai » vs « le 25 mai »
Mieux. Selon son résumé, la requête de l’Afnum et du Secimavi visait à « suspendre toutes réunions de celle-ci à compter de celle qui était prévue le 25 mai 2020 à 14 h ». Toutefois, « cette réunion ayant eu lieu quelques heures après l’enregistrement de la requête, la condition d’urgence (…) n’est, en tout état de cause, pas remplie ».
De son point de vue, les requérants souhaitaient surtout la suspension de la seule réunion du 25 mai 2020. Or, cette réunion ayant débuté alors que la requête était enregistrée, la procédure d’urgence perdait sa raison d’être. Logique : il n’y a plus d’urgence à résoudre une situation passée.
Sauf qu’il y a une légère contradiction : la juridiction relève bien qu’il s’agissait de suspendre « toutes les réunions » à compter de celle du 25 mai, non celle de ce seul jour !
Selon nos informations, pourrait être déposée une autre requête, cette fois beaucoup plus pédagogique.
Commentaires (6)
#1
Parce qu’il faut aussi rigoler : http://www.legorafi.fr/2020/06/05/la-culture-toujours-dans-la-crainte-dune-2e-va…
#2
Ce rejet est donc pour le moins bancal… est-ce que des recours sont possibles?
#3
#4
C’est vraiment un autre monde. Ils font grosso modo ce qu’ils veulent, taxent à n’en plus pouvoir.
Et ce pauvre consommateur paye. Achetez donc à l’étranger.
#5
si les vacances de Flock sont finies on devrait pas tarder à avoir un truc croustillant donc :)
#6
Maigre consolation mais c’est toujours ça