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L’eau est présente de manière plus importante que prévu sur la Lune

Aqueux coucou

L’eau est présente de manière plus importante que prévu sur la Lune

Le 27 octobre 2020 à 14h32

De l’eau sur la Lune ? Rien de neuf… Pas tout à fait. Des chercheurs affirment en avoir trouvé sur la face ensoleillée, grâce à un télescope dans un avion. Une autre étude relève que de l’eau pourrait se trouver dans des « dizaines de milliards » de petites cachettes. De quoi relancer l’intérêt pour notre satellite, où les humains devraient revenir en 2024.

Hier, la NASA a fait une annonce importante : elle affirme, « pour la première fois » avoir identifié de « l’eau sur la surface ensoleillée de la Lune ». Attention, il ne s’agit pas de lac ni même d’une petite flaque, la concentration est si faible qu’elle est 100x inférieure à celle du Sahara.

On sait depuis longtemps déjà que l’eau est présente sous forme de glace dans les zones ombragées de la Lune (ou les températures sont très faibles), notamment dans les fonds des cratères qui ne voient jamais les rayons du Soleil. Avec cette découverte, les scientifiques avancent une hypothèse : « l’eau pourrait être distribuée sur toute la surface lunaire, et non limitée à des endroits froids et ombragés ».

Les données ayant permis d’arriver à cette conclusion proviennent d’un télescope infrarouge : l’Observatoire stratosphérique pour l'astronomie infrarouge (SOFIA), réalisé en partenariat avec le German Aerospace Center (DLR). Il mesure 2,7 mètres de diamètre et il est un peu particulier, car installé dans un Boeing 747SP (Special Performance), modifié pour l’occasion.

Un télescope dans un avion… pour quoi faire ?

Il mesure 56 mètres de long pour 20 mètres de hauteur et 60 mètres d’envergure. Il est propulsé par quatre turbofans de 227 tonnes de poussée chacun. Le télescope se trouve sur l’arrière du fuselage, derrière une trappe coulissante. Il y a également de la place pour toute une équipe de scientifiques en plus des pilotes et ingénieur de vol.

Cet avion peut voler jusqu’à Mach 0,85 (870 km/h) et 45 000 pieds d’altitude – soit un peu plus de 13 km – évitant ainsi près de 99 % de la vapeur d'eau présente dans l'atmosphère, néfaste pour les mesures infrarouges. SOFIA permet ainsi aux astronomes d’étudier l’espace avec des mesures qu’il ne serait pas possible de réaliser depuis le sol, sans pour autant envoyer un satellite en orbite.

Avantage non négligeable, il peut se déplacer rapidement n’importe où sur le globe, et ainsi proposer des mesures au-dessus des océans si besoin, afin de se placer au mieux par rapport à des événements se déroulant au-dessus de nos têtes. Chose impossible avec un télescope installé sur la terre ferme.

Les télescopes directement placés dans l’espace occupent évidemment les meilleurs postes d’observation, SOFIA à l’avantage de pouvoir être facilement mis à jour (entre chaque vol si besoin) afin de profiter des dernières avancées technologiques… ce qui est autrement plus difficile dans l’espace.

SOFIA et la Lune : une histoire compliquée, qui se termine bien

Le Boeing 747SP est opérationnel depuis 2014 déjà, et il a déjà plusieurs faits d’armes à son actif : naissance d’une étoile, étude d’exoplanètes, observation de Jupiter, étude de comètes, évolution de notre univers, etc. Une galerie de ses observations est disponible par ici.

Pensé à la base pour les objets lointains, observer la Lune avec SOFIA n’était pas aussi simple qu’il y parait, explique la NASA. En effet, les équipes techniques positionnent le télescope et gardent la ligne de visée par rapport à des étoiles brillantes dans le ciel qui font office de points fixes. Problème dans le cas présent, « la Lune est si proche et si brillante qu’elle remplit tout le champ de vision de la caméra de guidage ».

En l'absence d'étoiles visibles, il n'était pas évident de savoir si le télescope « pouvait suivre la Lune de manière fiable ». De premiers tests ont été réalisés en août 2018. La suite des événements indique que les données récoltées étaient fiables puisqu’elles débouchent sur une publication scientifique. La NASA prévoit d’ailleurs de retenter l’expérience par la suite.

De très petites quantités d’eau sur la face éclairée de la Lune

Pour revenir au sujet du jour, « SOFIA a détecté des molécules d’eau (H₂O) dans le cratère Clavius, l’un des plus grands cratères visibles depuis la Terre, située dans l’hémisphère sud de la Lune », affirme avec joie la NASA. Elle rappelle que des observations antérieures avaient déjà détecté des « formes d'hydrogène » sur notre satellite naturel, « mais n’avaient pas été en mesure de faire la distinction entre l'eau et son proche parent chimique, l'hydroxyle (OH) ». 

C’était le cas de la mission indienne Chandrayaan-1, des sondes Cassini et Deep Impact. « Avant les observations de SOFIA, nous savions qu'il y avait une sorte d'hydratation […] Mais nous ne savions pas combien étaient en fait des molécules d'eau comme nous en buvons tous les jours, ou quelque chose qui ressemble davantage à un déboucheur chimique », explique Casey Honniball, principale auteure de la publication scientifique.

La concentration est extrêmement faible, de l’ordre de 100 à 412 parties par million, explique la NASA. C’est environ l’équivalent d’un tiers de litre par mètre cube de matière réparti à la surface de la Lune. Si cela ne vous parle pas spécialement, sachez que la concentration en eau dans le désert du Sahara est… 100 fois plus élevée.

L’important dans le cas présent n’est pas tellement la quantité, mais la présence de l’eau qui « soulève de nouvelles questions sur la façon dont elle est créée et comment elle persiste sur la surface lunaire, sec et sans air ». La NASA apporte plusieurs pistes.

Comment est-elle arrivée, pourquoi reste-t-elle ?

« Quelque chose génère de l'eau et quelque chose l'emprisonne », explique Honniball. Plusieurs phénomènes entraient certainement en jeu, et diverses hypothèses sont formulées (sans aucune certitude donc pour le moment) :

« Des micro-météorites tombant sur la surface lunaire et transportant de petites quantités d'eau pourraient déposer l'eau à la surface lors de l'impact. Une autre possibilité serait un processus en deux étapes durant lequel le vent solaire apporte de l'hydrogène à la surface de la Lune et provoque une réaction chimique avec des minéraux contenant de l'oxygène dans le sol pour créer de l'hydroxyle [HO, ndlr]. Pendant ce temps, le rayonnement causé par le bombardement de micro-météorites pourrait transformer cet hydroxyle en eau ».

Mais qu’en est-il du « stockage » de l’eau, et donc potentiellement de son accumulation à la surface lunaire ? Là encore, il faut se contenter pour le moment de plusieurs pistes de réflexion :

« L'eau pourrait être piégée dans de minuscules cavités dans le sol formées à cause de la chaleur élevée résultant d’impacts de micro-météorites. Une autre possibilité est que l'eau puisse être cachée entre des grains de sol lunaire et à l'abri de la lumière du Soleil, la rendant potentiellement un peu plus accessible que l'eau emprisonnée dans des cavités ».

Pour Francis Rocard (responsable des programmes d'exploration du Système solaire au CNES), cette eau viendrait de la chute d’astéroïdes il y a quelques milliards d’années (même époque que celles ayant apportées de l’eau sur Terre) : des molécules d'eau seraient tombées au fond des cratères et restées « piégées à jamais » par le froid.

La NASA en profite pour rappeler que l’eau est « un ingrédient clé de la vie telle que nous la connaissons », mais qu’elle est loin d’être suffisante. On en trouve sous différentes formes sur de nombreuses planètes et astres de notre Système solaire, sans la moindre trace de vie jusqu’à présent.

Des dizaines de milliards de « pièges froids » pour l’eau

Dans une autre publication scientifique dans Nature Astronomy, des scientifiques renforcent l’hypothèse d’eau « cachée » à la surface. Ils expliquent que « l'eau pourrait être piégée dans de petites zones à l’ombre, où les températures restent en dessous de zéro, sur une plus grande partie de la Lune que prévu actuellement ». Ils ont pour cela utilisé des modèles théoriques et des données de la sonde Lunar Reconnaissance Orbiter de la NASA.

« Imaginez-vous sur la Lune, près de l'un de ses pôles : vous verriez une myriade de petites ombres mouchetant la surface, dont la plupart sont plus petites qu'une pièce de monnaie. Chacune serait extrêmement froide, suffisamment pour abriter de la glace », explique Paul Hayne (astrophysicien à l'Université du Colorado), comme le rapporte l’AFP.

Les scientifiques ont pu modéliser en 3D ces toutes petites cachettes baptisées « pièges froids », dont la température serait aux alentours de - 160 °C : ils se comptabiliseraient en fait en « dizaines de milliards, contre quelques centaines pour les plus grands » cratères. Les petites rivières faisant les grands torrents, la quantité d’eau pourrait être plus importante que prévue.

Au total, la superficie totale où l’eau serait présente (en très petite quantité) sur la Lune atteindrait de 40 000 km², dont 60 % dans le pôle Sud. Ces résultats « suggèrent que l'eau est plus répandue sur la Lune qu'on ne le pensait », indique Hayne à l’AFP.

Le rêve de la NASA pour Artemis, la suite se prépare

Ces découvertes sont importantes pour l’Agence spatiale américaine. Jacob Bleacher, scientifique en chef de l’exploration à la NASA, rappelle que « l’eau est une ressource précieuse, à la fois à des fins scientifiques et pour l'usage des explorateurs ».

Il n’hésite d’ailleurs pas à anticiper – grandement – les choses : « Si nous pouvons utiliser les ressources de la Lune, nous pouvons transporter moins d’eau et plus d’équipement pour permettre de nouvelles découvertes scientifiques ». Francis Rocard apporte sa pierre à l’édifice : « décoller de la Terre, faire un arrêt à la "station service" que sera la Lunar Gateway, d'où seraient envoyées des sondes sur la surface lunaire récolter de l'eau, et ainsi faire le plein nécessaire à l'équipage effectuant le voyage vers Mars ».

Pour le moment tout cela relève de la science-fiction : on est encore très loin d’avoir le début d’une source d’eau potable pour les prochains humains sur place. L’idée est certainement à l’étude car cela pourrait permettre de faire baisser le coup des programmes spatiaux, chaque kilo supplémentaire coûtant cher.

De prochains vols de SOFIA avec la Lune comme objectif sont prévus. Les scientifiques chercheront des traces d’eau dans d’autres zones ensoleillées de notre satellite, tout en essayant de comprendre les mécanismes de formation et de stockage de l’eau.

L’Agence veut ainsi créer « les premières cartes des ressources en eau de la Lune pour l'exploration future par des humains ». Pour rappel, Donald Trump souhaite que ce retour sur le sol lunaire se fasse dès 2024, et à demander à la NASA de créer un programme en conséquence : Artemis.

Commentaires (10)

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:dix: pour le sous titre



et bel article aussi en passant :yaisse:

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Très intrigant, les applications sont nombreuses. On veut comprendre la matière noire et l’énergie sombre mais c’est vrai que ce serait bien de commencer par le commencement, extraire un peu d’eau de la lune pour nos besoins sur place. :francais:



Sinon question, je n’y avais jamais pensé mais en fait l’intérieur du 747SP est pressurisé sauf à l’endroit où est posé le télescope non? Du coup, pas possible d’intervenir en vol sur le matériel j’imagine ?

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Bonne question tiens. Cela dit la pressurisation n’est pas nécessaire au bon fonctionnement de l’avion, juste à la respiration des humains. On peut imaginer que sur un vol technique comme ça, si besoin d’accéder au matos, les pilotes puissent dépressuriser l’avion à la demande (quitte à descendre un peu avant).



Après la question est surtout de savoir si il est si rentable que ça de laisser la possibilité technique d’accéder physiquement au télescope alors que pour une fois on peut le faire atterrir aussi simplement qu’une famille de touristes.



C’est quand même du matos qu’on envoie parfois à l’autre bout du système solaire sans trop se poser la question de savoir si c’est facilement réparable.

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le sous-titre :mdr2: :dix:



Top article intéressant et explicatif

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Dire qu’une des rares remarques sur l’album de Tintin On a marché sur la lune a longtemps été qu’Hergé avait imaginé de l’eau sur la lune et que ce n’était pas possible. :8

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Je ne comprenais pas la présence du 747 sur l’image de l’article. Maintenant c’est plus clair 😊
Très intéressant article 👍

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(reply:1833375:Z-os)


En dehors de la fusée qui est, actuellement*, techniquement improbable cet album était quand même loin d’être à côté de la plaque au final.



(*) Encore quelques siècles et on aura des vaisseaux spatiaux avec la forme qu’on veut, les trains à vapeur dans l’espace de Leiji Matsumoto seront réalité. :D

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Tout ça est très intéressant. :yes:




trash54 a dit:


le sous-titre :mdr2: :dix:


Un joli coup d’oeil aux “guignols de l’info” et leur fameux “Ah queu coucou !!” de Johnny.
Guignols exécutés sommairement par un certain bolloré pour faire plaisir à ses potes que les Guignols ne ménageaient pas vraiment… :ouioui:

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Ce sous-titre :pciwin:

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Le téléscope dans le Boeing me rappelle le reportage sur l’éclipse totale qui avait été étudiée grâce à un Concorde spécialement aménagé, visible au musée du Bourget. Très intéressant !

L’eau est présente de manière plus importante que prévu sur la Lune

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