Le « dernier mystère » de Philae sur la comète 67P est enfin résolu
Putain, six ans déjà…
Le 29 octobre 2020 à 11h28
8 min
Sciences et espace
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Philae a enfin livré son dernier mystère : l’emplacement du second point d’impact lors de son atterrissage, bien plus mouvementé que prévu. Il a en effet réalisé plusieurs acrobaties de haute voltige (ou presque), permettant aux scientifiques d’en déduire des informations sur la composition de la comète.
C’est un retour de presque six ans que nous font revivre l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’Observatoire de Paris. Il est en effet question des aventures du petit robot Philae qui est devenu, le 12 novembre 2014 (après un voyage de 10 ans et 6,5 milliards de kilomètres dans l'espace), le « 1er objet construit par l'homme » à se poser sur un noyau cométaire : la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, alias « Tchouri ».
Le petit module d’atterrissage a fait le voyage dans la sonde Rosetta, avant d’être largué. Il est alors descendu tranquillement vers la comète à une vitesse moyenne de 3,5 km/h (moins rapide qu'un homme qui marche). Ce voyage a duré plusieurs heures, avant que le verdict ne tombe : Philae avait bien touché la comète… avant de rebondir deux fois (et même davantage).
Lors de sa mission, Philae est en effet arrivé sur le site prévu : Agilkia. Problème, ses harpons n’ont pas fonctionné correctement pour le retenir sur la surface. Il a donc rebondi en repartant pour un tour de deux heures tout de même. Pendant cette phase, « il est entré en collision avec le bord d’une falaise et a dégringolé vers un second site d’atterrissage ».
Un second rebond plus tard – de sept minutes cette fois-ci – et il se pose finalement dans lieu abrité où il est resté par la suite : Abydos. Ce dernier n’a été formellement identifié dans les images prises par la sonde Rosetta que prés de deux ans après l’atterrissage (en 2016), soit quelques semaines seulement avant la fin de la mission Rosetta. La sonde a pour rappel fait un ultime baiser à la comète. Pour parler crument, on peut dire qu’elle s’est écrasée volontairement (pour éviter d’errer comme une âme en peine).
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De ce périple, restait une inconnue de taille : où se trouvait le second site d’atterrissage de Philae ? « Après des années d’un travail de détective, [il] a été identifié sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko dans un lieu dont la forme rappelle un crâne », explique l’ESA. Ces travaux font l’objet d’une publication scientifique dans Nature.
Un voyage riche en rebondissements !
« Philae nous avait laissé un dernier mystère à résoudre », explique Laurence O’Rourke (ESA) qui était dans l’équipe qui a retrouvé, en 2016, la trace du petit module sur sa comète. Il précise que « c’était important de trouver le site d’atterrissage parce que les capteurs de Philae indiquaient qu’il avait pénétré la surface, exposant ainsi vraisemblablement la glace primitive cachée sous celle-ci, ce qui nous donnerait un accès inestimable à de la glace vieille de plusieurs milliards d’années ».
Pour lancer les recherches, les scientifiques pouvaient s’appuyer sur les images haute-résolution de la caméra OSIRIS de la sonde Rosetta, ainsi que sur les données de la perche du magnétomètre ROMAP. Cette dernière a été « la star des recherches ». Elle se trouve sur le module Philae (elle dépasse de 48 cm) avec pour mission d’observer le champ magnétique proche de la comète.
Dans cette quête du second site d’impact, l’équipe a examiné les changements de données quand la perche était en mouvement alors que l’atterrisseur touchait la surface : « Cela a créé une série caractéristique de pics dans les données magnétiques alors que la perche se déplaçait par rapport au corps de l’atterrisseur, ce qui a fourni une estimation de la durée pendant laquelle Philae a marqué la glace de son empreinte. Les données ont également pu être utilisées pour évaluer l’accélération de Philae pendant ces contacts ».
Ces données ont ensuite été mises en corrélation avec celles du magnétomètre RPC de Rosetta « afin de déterminer l’attitude de Philae et d’exclure toute influence du champ magnétique de l’environnement ionisé de la comète ». Pour Philip Heinisch, qui a dirigé l’analyse des données de ROMAP, c’est « extraordinaire » d’avoir pu « combiner les données de Rosetta et de Philae d’une façon qui n’avait pas été prévue ».
Quatre contacts distincts, dans des positions improbables
Ce second rebond est en fait bien plus complexe qu’il n’y parait : « Philae a passé presque deux minutes complètes sur le second site d’atterrissage et effectué au moins quatre contacts distincts avec la surface alors qu’il la "labourait" ».
Une des empreintes intéresse particulièrement les chercheurs puisqu’elle a été créée alors que la partie supérieure de Philae « s’enfonçait de 25 cm dans la glace de la paroi d’une crevasse, laissant des marques identifiables de son instrument de forage et de ses côtés ». Une petite acrobatie de trois secondes seulement.
Le site a été baptisé « crête du crâne » car sa forme rappelle un crâne avec un chapeau pointu. Lors de son deuxième touchdown, Philae a créé le second œil. Une animation avec Philae à l’échelle est disponible par ici, ainsi qu’une vidéo de « présentation » du crâne.
Voici le détail chronologique de l’atterrissage de Philae (les heures sont en TU ou Temps Universel) :
- 15h34 : premier touchdown à Agilkia
- 16h20 : collision avec un bord de la falaise
- 17h23 : deuxième touchdown sur la crête du crane (plusieurs interactions pendant deux minutes environ)
- 17h31 : troisième et dernier touchdown sur Abydos, à 30 mètres du précédent
Un diaporama interactif est proposé par l’ESA.
Une surface plus moelleuse que la mousse d’un cappuccino
Il n’en fallait pas plus aux scientifiques pour en déduire des informations sur la composition de cette « glace ». Tout d’abord, une première analyse qui ne nécessite pas de s’appeler Sherlock Holmes : comme Philae a pu laisser son empreinte sur la paroi, les chercheurs en déduisent « que ce mélange de glace et de poussière vieux de plusieurs milliards d’années est extraordinairement mou – plus moelleux que la mousse d’un cappuccino, d’un bain moussant, ou encore que l’écume des vagues sur la plage ». Cette matière est même « plus légère que celle de la neige fraichement tombée », ajoute l’Observatoire de Paris.
En allant plus loin, ils ont déterminé la porosité de la roche au niveau du module. Elle est d’environ 75 %, conforme aux résultats d’une autre étude de 2015 qui tablait sur 75 à 80 %. « C’est un fantastique résultat multi-instruments qui non seulement comble les lacunes de l’histoire des rebonds de Philae, mais nous en apprend davantage sur la nature de la comète », affirme Matt Taylor, scientifique du projet Rosetta de l’ESA.
L’Observatoire de Paris ajoute que « le contact de Philae a soulevé la poussière sombre recouvrant la surface et mis au jour de la matière enfouie, bien plus primitive, 6 à 8 fois plus brillante que la comète ». En se basant sur les images d’OSIRIS et les données du spectromètre VIRTIS de Rosetta, les scientifiques précisent que « cette zone brillante était de la glace d’eau fraichement exposée d’une surface d’environ 3,5 mètres carrés ». Elle est bien visible dans cette animation.
Ces connaissances permettent de mieux se préparer pour les prochaines missions embarquant un atterrisseur, des mécanismes de forage et/ou de récoltes d’échantillons. Ce genre de mission se multiplie, afin de ramener des échantillons sur Terre pour les analyser avec des moyens bien plus conséquents que de petits laboratoires envoyés dans l’espace.
C’est notamment le cas de la mission Osiris-Rex, qui a de son côté récupéré des échantillons (un peu trop) sur l’astéroïde Bennu. La sonde a notamment été surprise par la composition et le relief de cet objet. Le retour est prévu pour 2023. Avant, dès ce mois de décembre, la sonde japonaise Hayabusa 2 (en collaboration avec la France) devrait rapporter un peu de matière d’un autre astéroïde : Ryugu.
Le « dernier mystère » de Philae sur la comète 67P est enfin résolu
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Un voyage riche en rebondissements !
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Quatre contacts distincts, dans des positions improbables
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Une surface plus moelleuse que la mousse d’un cappuccino
Commentaires (8)
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Abonnez-vousLe 29/10/2020 à 13h13
Le temps passe vite ! Sacré boulot pour reconstruire la série d’événements.
Merci pour cet article.
Le 29/10/2020 à 14h03
Quel boulot!!
Le 29/10/2020 à 16h32
ça m’épatera toujours
Le 29/10/2020 à 16h47
D’ordinaire ce genre d’article est soit trop succinct, soit trop scientifique et donc incompréhensible.
merci pour les explications!
Le 30/10/2020 à 13h21
La comète 67P n’est apparemment pas en très haute définition : les clichés sont flous.
Le 31/10/2020 à 13h27
Sacré boulot quand même !
Pour la suite, ça serait bien que l’on puisse ramener un échantillon. Mais je pense que les agences spatiales concernées y ont déjà pensé.
Le 31/10/2020 à 22h19
Merci NxI
Le 02/11/2020 à 13h18
Ce qui est très impressionnant du à la distance, c’est qu’il y avait une latence de 30 minutes pour envoyé ou recevoir une information, correction ,..
Imagine jouer à un FPS/MMORPG avec une latence de 30 minutes cela donnerais quoi ? ><