Depuis 20 ans, la Station spatiale internationale est continuellement habitée
20 ans de confinement
Le 03 novembre 2020 à 10h49
9 min
Sciences et espace
Sciences
Cela fait maintenant 20 ans que des humains sont présents de manière ininterrompue dans l’espace, plus précisément à bord de la Station spatiale internationale. Une barrière symbolique, alors que la fiabilité de la partie russe soulève des questions, tout comme l’avenir de ce monstre de 420 tonnes.
C’est en 2000 que l’Expédition 1 a été lancée à bord d’une fusée Soyouz TM-31, avec trois membres d’équipages : les Russes Yuri Gidzenko et Sergei K. Krikalev, ainsi que l’Américain William Shepherd, qui était le premier à avoir le titre de commandant.
À l’époque, la Station spatiale internationale ne comprenait que trois modules. Aujourd’hui, « c’est un complexe de recherche aussi grand qu’une maison de cinq pièces avec une salle de sport, deux salles de bain et une baie vitrée à 360 degrés avec vue sur la Terre », la fameuse Cupola.
L’ESA l’affirme sans détour : c’est « le plus grand projet commun jamais mené à bien dans le domaine scientifique », avec la participation de cinq agences spatiales : NASA (États-Unis), Roscosmos (Russie), ESA (Europe), l’ASC (Canada) et la JAXA (Japon).
Deux dates marquantes : 20 novembre 1998 et 2 novembre 2000
Les trois premiers résidents ont décollé le 31 octobre, mais l’arrimage et l’ouverture de l’écoutille du module de service russe Zvezda se sont déroulés le 2 novembre 2000. C’est à partir de cette date que le décompte a été lancé… sans jamais s’arrêter depuis.
L’assemblage de ce puzzle spatial avait évidemment commencé sans attendre cette mission. Le premier module de la Station spatiale internationale (alias ISS) a ainsi été mis en orbite deux ans auparavant : « le 20 novembre 1998, un lanceur russe Proton décollait du centre spatial de Baïkonour, au Kazakhstan, avec à son bord Zarya, le premier composant de la Station. Trois semaines plus tard, le 4 décembre, la navette spatiale livrait le second module, qui fut attaché à Zarya le 6 décembre ».
Pour les nostalgiques, la NASA a publié un communiqué retraçant le voyage de cette première expédition avec la Station spatiale internationale telle qu’elle était à l’époque, accompagnée de photos des trois astronautes bien tassés dans leur vaisseau Soyouz.
Le début d’une longue aventure.
13 ans d’assemblage pour ce puzzle de 420 tonnes
En 2007, la Station s’est agrandie avec l’ajout du module italien pressurisé Harmony et du laboratoire de l’ESA Columbus. Un an plus tard, le laboratoire japonais Kibo fait son entrée. Depuis son lancement, l’ISS est aussi un « port spatial international ». Des véhicules comme Soyouz, Progress, HTV, (Crew) Dragon, Cygnus, et Automated Transfer Vehicles (ATV) de l’ESA viennent s’y amarrer. Ils peuvent être jusqu’à huit à la fois.
Pour rappel, l’ISS pèse 420 tonnes et occupe l’équivalent d’un terrain de football. Elle se situe à un peu plus de 400 km d’altitude « seulement » diront certains – la limite de l’espace se trouve à 100 km, au-delà de la ligne imaginaire de Kármán– et se déplace en orbite à plus de 27 000 km/h. Elle fait ainsi 15 à 16 fois le tour de la Terre chaque jour.
La NASA propose une animation chronologique de l’assemblage et de l’évolution de l’ISS, dont la construction s’est terminée en 2011 :
240 personnes, dont 18 de l’ESA et 4 Français.
La durée des missions est généralement de six mois en moyenne. De trois membres d’équipage jusqu’en 2009, ils sont désormais six à se relayer depuis un peu plus de dix ans. Avec la mise en service de Crew Dragon de SpaceX, ils seront même sept puisque la capsule peut emporter quatre personnes (contre trois pour Soyouz).
Un Japonais sera à bord de Crew-1 dont le décollage est prévu pour le 14 novembre, tandis que le Français Thomas Pesquet sera le premier Européen à prendre place dans la capsule de SpaceX, avec la mission Crew-2 pour le moment prévue pour la première moitiée de 2021.
Au total, 240 personnes (touristes compris) ont séjourné dans l’ISS. Dans le lot, 18 astronautes sont de l’ESA, dont 4 français. Des sorties dans l’espace ont été réalisées pas moins de 227 fois depuis 1998, et le compteur devrait continuer de grimper.
Passer plusieurs mois dans l’espace nécessite une « gymnastique » particulière, aussi bien pour manger, pour son hygiène que pour s’entretenir physiquement. Pour connaitre le détail de la routine de la vie dans l’ISS, vous pouvez lire ce billet de blog de l’ESA.
Tout y est abordé : se laver les dents, aller aux toilettes, boire, manger, préparer la nourriture et choisir les aliments (sur Terre), etc. Notez au passage que la partie pressurisée de l’ISS, où les astronautes peuvent vivre, est équivalente (en termes de volume) à un Boeing 747.
L’avantage de la microgravité
Vous l’aurez compris, ce laboratoire est unique en son genre et permet de réaliser des expériences scientifiques en microgravité, notamment dans le module Columbus construit par l’Agence spatiale européenne.
Le Centre National d'Études Spatiales donne quelques exemples : « Concrètement, il peut s’agir d’évaluer les incidences de l’apesanteur sur le système cardio-vasculaire, comme avec CARDIOMED, un équipement médical développé par le CNES, à bord de l’ISS depuis 2010. Ou bien d’observer le comportement de fluides dans certaines conditions bien précises, par exemple grâce au mini-laboratoire Déclic (Dispositif d’Étude de la Croissance et des LIquides Critiques), développé par le CNES et lancé sur l’ISS en 2009 ».
L’intérêt de la Station à cette altitude est qu’elle n’est que très peu soumise à la gravité terrestre. Il est ainsi possible de réaliser des expériences afin « de détecter des phénomènes physiques et physiologiques qui, au sol, seraient invisibles à cause de la pesanteur ».
« Certains de ces expériences et tests préparent la voie à l’exploration humaine de la Lune et au-delà », ajoute l’ESA. Le gouvernement américain explique de son côté que « le projet consiste à observer sur les membres de l’équipage les propriétés biochimiques des muscles, comme leur tonus, leur rigidité et leur élasticité ».
Les différentes participations. Crédits : CNES
Des débouchés pour les humains sur Terre et dans l’espace
Bien connaitre et anticiper les effets à long terme sont nécessaires à la préparation de l’exploration martienne, par exemple. Il faut pour rappel compter plusieurs mois pour se rendre sur place, attendre une fenêtre de retour optimale (une fois tous les deux ans) puis de nouveau plusieurs mois pour le retour.
Alors que les missions vers l’ISS durent généralement six mois au maximum, les Russes et les Américains ont déjà doublé la mise – 340 jours dans l’espace – avec Scott Kelly (son jumeau était resté sur Terre pour pouvoir ensuite effectuer des comparaisons) et Mikhaïl Korniyenko.
Au-delà des voyages interplanétaires, cette expérience « pourrait aider les scientifiques à mieux comprendre le tonus musculaire humain au repos, et peut-être déboucher sur de nouveaux traitements pour la rééducation sur Terre ».
« Cela pourrait nous donner des informations sur les maladies qui atrophient les muscles sur Terre, et sur de nouvelles contre-mesures pour que les astronautes puissent conserver leur tonus musculaire lors des missions futures de longue durée sur la Lune ou sur Mars », ajoute Bryan Dansberry, un chercheur de la NASA affecté à la Station spatiale internationale.
Autre étude soutenue par la NASA et l’ESA : l’expérience BioAsteroid, qui étudie la manière dont des microbes pourraient détruire petit à petit les roches sur lesquelles ils se développent afin d’extraire minéraux et métaux utiles. Dans quel but ? « Les microbes pourraient servir un jour, sur la Lune par exemple, à transformer en terre les roches et les matériaux rocheux meubles pour faire pousser des plantes et des aliments ».
Plus de 2 700 expériences par plus de 100 pays
Au total, « plus de 2 700 expériences ont été menées à bord de la station spatiale par 108 pays. Ces expériences ont étudié des technologies novatrices, telles que le recyclage des déchets plastiques et la filtration de dioxyde de carbone, deux éléments critiquent pour les missions de longue durée sur la surface lunaire », explique le Bureau des Affaires publiques internationales du département d’État des États-Unis.
Mais la Station spatiale internationale offre également une vue unique sur la Terre, dont Thomas Pesquet (qui a aussi mené de très nombreuses expériences) a profité pour réaliser ses photos. Vous pouvez les consulter sur son compte Flickr.
Maintenant se pose la question de l’avenir de ce gigantesque laboratoire « volant » à 400 km au-dessus de nos têtes. Comme nous l’avons déjà détaillé, l’état de la partie russe inquiète certains observateurs, même si Roscosmos affirme que tout va bien (mais les Russes ont déjà fait des cachoteries par le passé).
L’ISS fêtera-t-elle ses 30 ans ?
Il faut dire qu’en fêtant son 20e anniversaire, elle arrive presque au bout de sa durée de vie théorique. Mais il ne faut pas dramatiser non plus. En 2016, François Spiero (responsable des vols habités au CNES), rappelait que « les systèmes de la station sont qualifiés jusqu’en 2028 ». Même son de cloche chez l’ancien astronaute français Jean-François Clervoy : « On sait qu’on peut la prolonger au-delà de 2024. La structure métallique de l’ISS n’a pas vraiment de limite ».
Le coût de sa maintenance et des lancements réguliers sont également à prendre en compte. Afin de les optimiser, plusieurs agences spatiales se penchent sur la question d’accueillir de riches touristes prêts à payer 35 000 dollars pour une nuit (sans compter le voyage).
Pour le moment, le financement de la Station spatiale internationale est garanti jusqu’en 2024, mais qu’adviendra-t-il ensuite ? La question reste ouverte. Lors de la conférence Space19+ en novembre 2019, l'Europe a annoncé une mesure forte : maintenir « sa participation aux activités jusqu’en 2030 »…mais l’ESA ne pourra pas le faire seule, elle a besoin de l’appui des autres agences spatiales.
- Space19+ : les détails du plan « d’une ampleur exceptionnelle » de 14,4 milliards d'euros pour l'ESA
Depuis 20 ans, la Station spatiale internationale est continuellement habitée
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Deux dates marquantes : 20 novembre 1998 et 2 novembre 2000
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Plus de 2 700 expériences par plus de 100 pays
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L’ISS fêtera-t-elle ses 30 ans ?
Commentaires (19)
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Abonnez-vousLe 03/11/2020 à 11h39
Si techniquement possible, peut-être le crasher sur la lune pour réutiliser une partie de son matériel.
Le 03/11/2020 à 12h15
Pourquoi voir si c’est techniquement possible comme tu dis
Top article
Le 03/11/2020 à 12h22
Au lieu de le cramer en fin de vie dans l’atmosphère, essayez de réutiliser cest composant sur la lune , cela a coûter assez chère à mettre dans l’espace , autant essayer de le recyclé un peu.
Le 03/11/2020 à 12h50
Envoyer ça sur la lune ne sera pas une mince a faire … la distance terre lune est de ~384 400km, donc reste 384 000km a parcourir et utiliser la fronde gravitationnel ne sera pas suffisant il me semble
Le 03/11/2020 à 12h54
Je mets les pieds dans le plat, mais la station spatiale coûte cher, pour un apport scientifique/expérimental assez limité, de ce que j’ai lu (je ne suis pas chercheur).
Son principal avantage c’est surtout montrer une union politique entre Russes, Américains, Européens, Japonais… Au sortir de la guerre froide, la paix n’avait pas de prix. Maintenant…
Le 03/11/2020 à 13h09
osef de la distance, une fois lancé dans l’espace, rien ne te freine, après elle peut mettre 6 mois ou un an. Le soucis c’est de la faire descendre sur la lune autrement qu’en amat de pièces.
Le 03/11/2020 à 13h56
Il faudrait la mettre sur orbite lunaire, plutôt que la crasher.
Mais pour l’y emmener, le problème n’est pas vraiment le temps (dans la limite du raisonnable) mais qu’il faut lutter contre l’attraction terrestre. Même dans le vide, une simple petite poussée ne suffit pas.
Le 03/11/2020 à 14h49
elle est déjà régulièrement remontée, ils suffirait juste de prévoir de le remonter plus
Le 03/11/2020 à 14h56
La vitesse de l’ISS en orbite, c’est environ 27.000 km/h (c’est dans l’article). Pour s’échapper de l’orbite terrestre et aller vers la lune, Apollo allait à environ 40.000 km/h. Il faut donc encore lui ajouter 50% de vitesse en plus, soit environ doubler son énergie cinétique.
En clair, pour amener l’ISS sur une trajectoire de transfert lunaire, il faut lui apporter encore autant d’énergie cinétique supplémentaire que ce qui a été utilisé pour l’ensemble des lancements de sa construction. Il va falloir une grosse fusée si tu veux faire ça en un seul morceau.
Le 03/11/2020 à 15h05
Le 03/11/2020 à 15h25
Oui, comme je le disais, elle a déjà reçu la moitié de l’énergie cinétique nécessaire pour s’échapper. La moitié, c’est mieux que rien, mais ça fait encore un gros paquet d’énergie à lui transmettre.
Le 03/11/2020 à 15h26
Le 03/11/2020 à 16h06
Effectivement, tu as une bonne expérience…
Pour se déplacer sur la même orbite, ce n’est qu’une question d’énergie cinétique. Un extincteur peut suffire à déplacer un astronaute (c’est mon expérience de spectateur de Gravity qui parle) ou un petit robot (WALL-E). Mais pour monter jusqu’à la Lune, c’est une question d’énergie potentielle et c’est une autre histoire !
Je peux assez facilement pousser ma voiture ; je ne peux pas la soulever.
Le 03/11/2020 à 16h20
Attention aux corrélations qu’on peut avoir pour la mécanique orbitale, c’est très particulier et parfois contre intuitif.
Pour augmenter l’altitude il faut accélérer, ça veut dire que pour monter en altitude tu ne vas pas pousser vers le haut, mais pousser dans le sens du mouvement existant
Le 03/11/2020 à 18h34
Si, tu peux pousser vers le haut, mais tu va retomber à ton orbite d’origine après avoir stoppé la poussée (c’est ce que font les fusées).
Du coup, pas grand chose à voir avec le sujet de départ, mais je suis une posé une question étrange : qu’es-ce qui se passerai si une planète avait la bonne masse, le bon diamètre et la bonne vitesse de rotation pour que son orbite géostationnaire soit égale à son rayon ? Comme ça je, dirais qu’on serait en apesanteur à l’équateur et de plus en plus lourd lorsqu’on s’en éloigne…
Mais bon, il faudrait certainement une planète très peu lourde avec un grand rayon (donc très peu dense) et qui tourne très vite sur elle-même.
Le 03/11/2020 à 19h10
Ah c’est une idée que je n’aurais jamais eue.
Si tu veux faire le calcul, la formule est dans cette section : Wikipedia
Je n’ai pas le courage de faire le calcul ce soir, mais je parie bien que pour que ce soit faisable la planète tourne plus vite que la lumière ou bien est tellement légère qu’elle ne parvient pas à rester une planète.
M’est avis que la limite de Roche peut jouer aussi : la planète se désagrège sous l’effet de champs gravitationnels voisins vu qu’elle est si légère
Le 03/11/2020 à 19h58
Je connais les formules, mais j’avais la flemme moi aussi
Et je suis d’accord avec toi, la planète ne pourrait pas exister : le phénomène d’accrétion serait très difficile pour sa formation, et après rien ne retiendrait spécialement le sol à rester…
Alors vu que c’est un problème à trois paramètres couplés, j’ai testé les trois possibilités en me basant sur la Terre et en modifiant à chaque fois un seul des trois paramètres :
Le 04/11/2020 à 07h44
Attention : l’ISS est soumise à la même gravité que nous en surface (à un cheveux près). C’est juste que sa trajectoire produit une force centrifuge que annule son principal effet, à savoir la pesanteur.
Résultat, le poids et la force centrifuge s’annulent donc les objets y flottent sans bouger : sans tomber vers le bas, ni être éjectés.
C’est pour ça qu’on parle d’absence de pesanteur, ou « apesanteur », et non d’absence de gravité : https://lehollandaisvolant.net/?d=2015/02/14/17/50/59-micro-gravite-ou-apesanteur-dans-liss
Les situations d’absence de gravité n’existe que dans un espace loin de tout astre massif, ou bien entre différents astres, dont les attractions multiples finissent par s’annuler, un peu comme si l’on était attaché à plusieurs élastiques qui tiraient toutes vers un côté. Une fois à l’équilibre, on ne bouge plus car toutes les attractions s’annulent.
Le 04/11/2020 à 17h15
non pas tout a fait, les fusées commencent par prendre de l’altitude oui mais rapidement elles accélèrent dans le sens de rotation de la terre et pas uniquement vers le haut