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LHC du CERN : 59 nouveaux hadrons découverts… « et ce n’est pas fini ! »

La théorie du tout toujours attendue

LHC du CERN : 59 nouveaux hadrons découverts… « et ce n'est pas fini ! »

Le 18 mars 2021 à 07h00

Depuis maintenant plus d’une dizaine d’années qu’il est en service, le Grand collisionneur de hadrons a permis d’améliorer nos connaissances. Alors qu’il commence doucement à se préparer à une nouvelle période d’exploitation, le CERN fait un point d’étape.

Dans le monde de la physique, les chercheurs utilisent depuis des décennies des accélérateurs afin de faire s’entrechoquer des particules et regarder ce qu’il se passe. C’est un peu la version moderne de l’homme des cavernes qui casse des cailloux avec d’autres cailloux.

D’ISR au LHC, les collisionneurs de hadrons du CERN

Le 27 janvier 1971 – on fête cette année les 50 ans de cet événement – marque un tournant pour l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (alias le CERN) : c’est la première fois que deux faisceaux de protons sont entrés en collision dans les anneaux de stockage à intersections (ISR pour Intersecting Storage Rings), qui était alors le « premier collisionneur de hadrons du monde ».

« Il a joué un rôle déterminant pour faire changer d’avis la communauté des physiciens, qui doutait de l'utilité des collisionneurs de hadrons. Les ISR ont fonctionné de 1971 à 1984, et ils ont détenu, jusqu’en 2004, le record de luminosité pour un collisionneur hadronique ».

À la fin des années 2000, il a été remplacé par le LHC, ou Grand collisionneur de hadrons.

Son fait d’armes le plus célèbre est sans aucun doute la découverte du boson de Higgs, mais c’est loin d’être sa seule découverte notable : « ce que l'on sait moins c'est que, au cours des dix dernières années, les expériences du LHC ont détecté plus de 50 nouvelles particules de la catégorie des hadrons », explique le CERN.

Hadrons : des quarks et un peu de « ciment »

Comme nous avons déjà eu l’occasion de l’expliquer, toute la matière qui nous entoure est composée de particules élémentaires divisées en deux familles : six quarks et six leptons, regroupés deux par deux par génération. La première génération comprend les particules les plus stables et légères, tandis que celles des deuxième et troisième sont plus lourdes et instables.

Pendant longtemps, les hadrons étaient considérés comme des particules élémentaires, mais depuis les années 1970 les scientifiques savent que ce n’est pas le cas : ils sont en fait constitués de quarks, d'antiquarks et de gluons.

Ces derniers jouent « un rôle de ciment » liant les (anti)quarks entre eux. Les hadrons peuvent être formés de trois quarks et on parle alors de baryons – on retrouve dans cette famille deux particules très connues que sont le proton et le neutron – ou bien de paires et on parle alors de mésons.

Comme on « continue de découvrir de nouveaux isotopes plus de 150 ans après que Dmitri Mendeleïev a construit son tableau périodique, l'étude des états composites possibles formés par les quarks est toujours d'actualité », explique le CERN. Et c’est un des pôles de recherche des expériences du Grand collisionneur.

On connaissait déjà plus de 100 hadrons en 1960…

Déjà dans les années 60, « il existait déjà plus de 100 variétés connues de hadrons, découvertes lors d'expériences auprès d’accélérateurs ou d’expériences sur les rayons cosmiques ». Le CERN n’hésite pas à parler d’un « véritable "zoo" de particules », alors composées que de trois quarks : les up (haut), down (bas) et strange (étrange).

Pour rappel, les charm (charme), bottom/beauty (dessous/beauté) et top/truth (haut/vérité) complètent la famille des quarks (pour arriver à six, le compte est bon). Les théoriciens prédisaient que d'autres combinaisons de quarks étaient possibles, et « nous savons aujourd'hui que de telles particules existent ».

Mais il a fallu plusieurs décennies pour confirmer par des expériences l'existence des premiers hadrons composés de quatre ou cinq quarks : les tétraquarks et les pentaquarks.

…et 59 de plus depuis 2013 grâce au LHC

Au cours de sa vie, le LHC – dont les premières collisions remontent à fin 2009 – a permis d’identifier 59 nouveaux hadrons. Il y en a pour tous les goûts : « Certaines de ces particules sont des pentaquarks, d'autres des tétraquarks, et d'autres encore sont des baryons et des mésons ayant atteint un nouvel état d'énergie plus élevé (état excité) ». 

Les dernières découvertes en date sont un baryon (avec trois quarks) « beauté étrange excité » qui a été observé par CMS, et quatre tétraquarks (avec quatre quarks chacun) par LHCb

Comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous, les 59 nouveaux hadrons ont été découverts entre début 2012 et 2021, avec une concentration tout de même plus importante à partir de 2019. Rien d’étonnant, car il faut des années pour analyser les gigantesques quantités de données produites par l’accélérateur de particules.

59 nouveaux hadrons

Les théoriciens à la recherche du Graal

Ces découvertes fournissent « des informations importantes permettant de tester les limites du modèle des quarks. Les scientifiques peuvent ainsi approfondir leurs connaissances de l'interaction forte, vérifier les prédictions théoriques et ajuster les modèles ».

Il y a quelques mois à peine, le CNRS rappelait que, « à l’heure actuelle, l’un des plus grands défis en physique nucléaire est de comprendre l’interaction forte entre hadrons à travers l’étude des éléments constitutifs des hadrons, à savoir les quarks et les gluons ».

L’interaction forte est l'une des quatre interactions fondamentales – avec l’interaction faible, l’interaction électromagnétique et la force gravitationnelle – et elle assure la cohésion du noyau de l’atome : « Elle agit à courte portée au sein du proton et du neutron [...] Cette interaction se fait par l'échange de bosons appelés "gluons" ».

On la retrouve au cœur des réactions nucléaires et notamment celles se déroulant dans notre Soleil. Les scientifiques sont toujours à la recherche du Graal, c’est-à-dire d’une physique englobant les quatre interactions fondamentales pour former une « théorie du tout ».

Il y a une trentaine d’années, une première étape était franchie avec l’interaction électrofaible qui en englobe deux : interaction faible et électromagnétisme. Une suite logique serait d’y ajouter l’interaction forte… mais c’est bien plus facile à dire qu'à faire. D’autres pistes sont étudiées, mais jusqu’à présent « aucune théorie unique ne peut expliquer de façon cohérente toutes les interactions », expliquait il y a quelques années le CEA.

La situation n’a pas changé depuis.

Le LHC se prépare pour sa troisième période d’exploitation

Le LHC est pour le moment dans son second arrêt de longue durée (depuis fin 2018). Le premier s’était déroulé entre fin 2012 et début 2015, soit quelques années seulement après les premières collisions.

Dans les deux cas, il s’agit d’apporter d’importantes améliorations techniques qui sont planifiées de longue date. La « puissance » de l’accélérateur est augmentée à chaque fois. Après plusieurs retards, le nouveau calendrier prévoit la circulation des premiers faisceaux tests fin septembre 2021 et il faudra attendre mars 2022 pour que débute la troisième période d’exploitation du LHC (jusque fin 2024).

À ce moment-là, l’accélérateur « aura une luminosité intégrée (indicateur proportionnel au nombre de collisions) égale aux deux exploitations précédentes cumulées ». Ce sera surement l’occasion de faire de nouvelles découvertes… une fois que les données auront été analysées, ce qui peut encore prendre des années. 

Il sera ensuite temps de passer au troisième long arrêt technique (LS3) entre début 2025 et mi-2027.

Commentaires (6)

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Passionnant ! :yes:

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Merci pour cet article. C’est passionnant et cela fait espérer de futures découvertes fondamentales.

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Passionnant et merveilleusement vulgarisé pour le béotien que je suis.



Si seulement les progrès dans la connaissance de notre univers s’accompagnaient en proportion égale de progrès humains, du respect et de l’acceptation de l’altérité… Mais là est la vraie science fiction !

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Une suite logique serait d’y ajouter l’interaction forte… mais c’est bien plus facile à dire qu’à faire.


Il en existe au moins une très connue : GUT ou Grand Unified Theory qui relie ces 3 forces (EM, faible et forte).

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Merci pour ces articles de physique :love:



Ça ne me rajeunit pas, mais je me rappelle avoir vu certains éléments du LHC en fabrication lors de portes ouvertes du CERN pendant sa construction. Notamment les immenses aimants principaux d’ATLAS, ainsi que les lignes de tests des cavités supraconductrices du tunnel.



Ça devait être aux alentours de 2004 :eeek2:

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tmtisfree a dit:


Il en existe au moins une très connue : GUT ou Grand Unified Theory qui relie ces 3 forces (EM, faible et forte).


GUT est juste un nom générique pour englober pleins de modèles et théories d’unification de la force forte , EM et faible. Aucunes de ces théories n’a pu être vérifiée et l’état de l’art des observations (désintégration des protons, on plutôt leur absence de désintégration notamment et impossibilité d’observer les particules prédites avec les accélérateurs de particules actuels et à venir et pour longtemps) tend à les réfuter à peu près toute.

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