Sur Mars, plusieurs missions se côtoient et, au cours des derniers jours, trois d’entre elles ont fait parler d’elles. Le drone Ingenuity a été confronté à son premier couac en vol (sans gravité), le rover Curiosity a photographié des nuages brillants et l’atterrisseur InSight remet une pièce sur l’activité martienne et la recherche de traces de vie.
Comme prévu, 2021 est une année très chargée pour la planète Mars. Les Émirats arabes unis ont envoyé une sonde (Al-Amal) en orbite, les Chinois ont déposé et fait rouler leur premier rover sur le sol et les Américains ont envoyé Perseverance avec son petit drone Ingenuity. L’Europe devait se joindre à la fête, mais la mission ExoMars a été repoussée à 2022.
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Le petit giravion Ingenuity a déjà réussi plusieurs vols, une première sur une autre planète. Il a pris de l’assurance au fil du temps en élargissant son rayon d’action. Mais le sixième vol ne s’est par contre pas passé comme prévu. Si le drone est parvenu à se poser sans dégât, son vol a été bien plus mouvementé que prévu, le tout en pilotage automatique.
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Une image vous manque et c’est le drame
Cette sixième tentative devait démontrer les « capacités d'imagerie aérienne en prenant des images en stéréo d'une région digne d’intérêt à l'ouest ». Le plan de vol était le suivant : « monter à une altitude de 10 mètres avant de se translater de 150 mètres vers le sud-ouest à une vitesse de 4 m/s (14,4 km/h). Il devait alors se déplacer de 15 mètres vers le sud tout en prenant des images à l'ouest, puis voler encore 50 mètres vers le nord-est et atterrir ».
Les 150 premiers mètres se sont déroulés sans encombre selon la télémétrie, mais, vers la fin de cette étape, « quelque chose s'est produit : Ingenuity a commencé à ajuster sa vitesse et à s'incliner d'avant en arrière selon un schéma oscillant. Ce comportement a persisté pendant le reste du vol », explique la NASA.
Les capteurs internes du drone ont enregistré d’importants effets de roulis et de tangage (plus de 20°), des commandes bien plus nombreuses que d’habitude et des pics de consommation en énergie. La cause de cet événement inattendu est déjà identifiée : « Environ 54 secondes après le début du vol, un problème s'est produit dans le pipeline des images fournies par la caméra de navigation. Ce problème a entraîné la perte d'une seule image. Plus important encore, toutes les images de navigation ultérieures ont été livrées avec des horodatages inexacts ».
Pour rappel, le drone navigue en totale autonomie et la Terre ne peut pas influencer son déroulement puisqu’un signal met plus d’un quart d’heure à faire le voyage.
Plus de peur que de mal
Vous voyez venir la suite ? « À partir de ce moment, chaque fois que l'algorithme de navigation effectuait une correction basée sur une image de navigation, il travaillait sur la base d'informations incorrectes sur le moment où l'image était prise ». L‘hélicoptère pensait donc devoir constamment corriger sa trajectoire, conduisant aux oscillations dont nous parlions.
Malgré tout, Ingenuity s’est posé sans encombre, à 5 mètres seulement du point d’atterrissage visé. Si la NASA n’a pas anticipé correctement la perte d’une seule image, elle se réjouit d’avoir conçu « Ingenuity pour tolérer des erreurs importantes sans devenir instable, y compris des erreurs de timing ».
C’est notamment ce qui lui a permis d’atterrir en douceur. L’agence spatiale américaine précise que cette situation n’était pas voulue (ce n’était pas un exercice), mais elle ne rechigne pas sur les données récupérées et se félicite du résultat final. Le principal étant que le souci peut être corrigé et que la santé du drone n’est pas compromise ; il va donc pouvoir de nouveau voler. Aucun calendrier n’est par contre précisé.
Des nuages brillants pris en photo par Curiosity
En place depuis près de huit ans, Curiosity continue de faire parler de lui. Il a pris en photo des « nuages brillants sur Mars ». C’est d’autant plus intéressant que les nuages sont rares dans l’atmosphère fine et sèche de la planète. De plus, ils se forment « généralement à l’équateur à la période la plus froide de l’année, lorsque Mars est la plus éloignée du Soleil sur son orbite de forme ovale », rappelle l’Agence spatiale américaine.
« Il y a une année martienne – soit deux années terrestres – les scientifiques ont remarqué que des nuages se formaient au-dessus du rover Curiosity de la NASA plus tôt que prévu ». Ils s’étaient donc préparés cette année pour regarder ce phénomène dès son apparition.
Dans un élan poétique, la NASA compare ces nuages à des « bouffées de vapeurs remplies de cristaux de glace qui diffusent la lumière du Soleil ». Au-delà du côté scintillant, « ces images aident les scientifiques à comprendre comment les nuages se forment sur Mars et pourquoi ils sont différents ». Ils sont à une altitude plus élevée que d’habitude, signifiant qu’ils sont « probablement faits de dioxyde de carbone gelé ou de neige carbonique ».
Des volcans encore actifs sur Mars ?
Enfin, la dernière annonce de ces derniers jours concernant Mars vient d’une publication scientifique, comme le rapporte The Next Web : « Preuve d'un volcanisme géologiquement actif et récent à Elysium Planitia, Mars ».
Les chercheurs expliquent que « l'activité volcanique sur Mars a culminé pendant les périodes noachienne et hespérienne [les deux premières époques géologiques de la planète rouge jusqu’à 3,5 milliards d’années environ, ndlr], mais s'est poursuivie depuis lors dans des endroits isolés ».
Dans la région volcanique d’Elysium Planitia, une activité récente et isolée pouvait se produire jusqu’à il y a trois millions d’années seulement (c’est quasiment contemporain par rapport à l’âge de la planète). « Mais, jusqu'à présent, il n'y avait aucune preuve indiquant que Mars pourrait encore être volcaniquement actif », explique l’université d’Arizona.
Voilà que les choses changent : « de nouvelles observations indiquent que Mars pourrait encore être volcaniquement actif, augmentant la possibilité d’avoir des conditions habitables sous la surface de Mars dans l'histoire récente ». Revenant sur sa découverte, David Horvath (principal auteur de l’étude) affirme qu’il « s'agit peut-être du plus jeune gisement volcanique jamais documenté sur Mars ».
Pour donner une échelle de temps, il propose une comparaison classique : « Si nous devions compresser l'histoire géologique de Mars en un seul jour, cela se serait produit dans la toute dernière seconde ».
Deux secousses pleines d’espoirs pour les scientifiques
Le site en question se trouverait à 1 600 km de l’atterrisseur InSight. D’après les estimations des scientifiques, le « dépôt » de cette éruption mesurerait 8 km de large et entourerait une fissure volcanique de 32 km de long. Le résultat ne ressemblerait à rien d’autre sur Mars, mais aurait des caractéristiques proches d'anciennes éruptions volcaniques sur la Lune ou Mercure, précise l’université d’Arizona.
Durant sa mission, InSight a détecté deux tremblements de terre dans une région proche de Cerberus Fossae (non loin d’Elysium Planitia) : « des travaux récents suggèrent que ceux-ci sont dus au mouvement de magma en profondeur sous terre ». « Le jeune âge de ce gisement soulève clairement la possibilité qu'il puisse encore y avoir une activité volcanique sur Mars, et il est intrigant que les récents tremblements de terre détectés par la mission InSight proviennent du Cerberus Fossae », explique David Horvath.
On en arrive rapidement à des suppositions autour de la quête du Graal sur la planète Mars : des traces de vie. « L'interaction du magma ascendant et du substrat glacé de cette région aurait pu fournir des conditions favorables à la vie microbienne assez récemment, et soulève la possibilité d'une vie existante dans cette région », ajoute le chercheur.
Un des objectifs principaux du rover Perseverance est aussi de trouver des traces de vie. Si c’est le cas, les chercheurs pourront en conclure que la Terre n’a pas un caractère « unique » en son genre. Il sera alors possible d’en déduire que, face aux milliards de mondes dans l’univers, d’autres formes de vie existent sur des exoplanètes. Mais pour le moment, la Terre conserve son statut.
Commentaires (8)
#1
Il y a dus avoir une augmentation des cas d’arrêts cardiaques parmi les opérateurs qui surveillaient la télémétrie d’Ingenuity au moment des oscillations
#1.1
“qui surveillaient la télémétrie d’Ingenuity au moment des oscillations” ==> 12 minutes après leur présence. ;)
Pour rappel ce n’est pas en live, donc tu ne peux que constater le résultat et espérer qu’il ne s’est pas craché.
#1.2
tout en se demandant quelles allaient être les dernières données transmises vu le décalage.
youpi il a décollé !
ho
HO
arg
ouf il a atterrit.
#2
dropthemike
#3
Quelqu’un a un lien avec des explication sur la manière dont la navigation d’Ingenuity est gérée ? en Angliche ça me va très bien bien sûr.
Je suis curieux de voir comment un problème d’horodatage peut entrainer ce genre de soucis de navigation.
Oui c’est impressionnant d’avoir un si gros problème et qu’il arrive quand même à se poser tranquillement tout près de l’objectif prévu… J’ai comme l’impression que si c’était moi qui avait programmé le truc avec ce genre d’erreur dans les données d’entrée il aurait atterri n’importe où et sur les hélices
#4
Je n’ai pas de lien sous la main, mais voici une explication de ce qu’il se passe dans ce cas :
Le girocoptère prend des photos à intervalles réguliers du sol et les analyses pour connaitre son déplacement relatif, par rapport à la photo précédente. Il sait aussi en extraire son angle par rapport au sol (tangage et roulis).
Considérons, pour l’exemple qu’il prend une photo toutes les 0.1 secondes, donc que tout changement d’état se mesure toutes les 0.1s. En vrai, c’est très certainement plus proche de la milli voir micro secondes.
Avec le décalage de l’horodatage suite au soucis, il reçoit les images avec 0.1 s de retard. Ce qui fait, qu’à T (instant à partir du moment où le décalage ce produit) il reçoit l’image de ce qu’il s’est passé 0.1 sec avant, comme un lag.
Donc, si à T+0.1 s, il commence à avancer, à T+0.2 s, il devrait voir l’effet de ce changement. Sauf que ce n’est pas le cas, donc la commande d’avancement est poussé plus fort.
A T+0.3 s il voit qu’effectivement il avance (basé sur les images de T+0.2 s), donc pour lui tout va bien, donc il ne change pas la commande, alors qu’en réalité il va déjà trop vite.
A T+0.4 s, il découvre qu’il va trop vite (basé sur l’image de T+0.3 s), donc ralenti la commande d’avance.
A T+0.5 s, il mesure qu’il va toujours à la même vitesse (basé sur l’image de T+0.4 s, au moment où il a commencé à ralentir, mais l’effet n’était pas encore mesurable), donc ralenti encore plus, et va se retrouver en réalité à vitesse nul, voir potentiellement négative.
A T+0.6 s, il mesure une vitesse conforme à son attente (basé sur l’image de T+0.5 s, au moment où le ralentissement décidé en T+0.4 s est bien effectif).
A T+0.7 s, il mesure une vitesse nul.
On revient donc au début de l’explication.
Ce qui fait que le girocoptère va osciller, du fait d’une latence entre ce qu’il mesure et la réalité.
#4.1
Toute la problématique de paramètrage d’un asservissement PID.
#5
l’orbite de Mars set plus justement une ellipse. Un ovale est un œuf (étymologie) donc avec une base plus large. Cependant ce mot reste un vrai fourre tout, on y met même la forme des stades. Dans ces conditions , bonjour le calcul des orbites. C’est peut-être la cause de échecs Russe.