Copie privée sur le reconditionné : le référé de l’UFC-Que Choisir rejeté au Conseil d’État
Prochaine saison, au fond
Le 12 juillet 2021 à 10h10
6 min
Droit
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Le Conseil d’État a rejeté la requête de l’UFC-Que Choisir contre le barème de redevance pour copie privée frappant les smartphones et tablettes reconditionnés. Les conditions du référé n’ont pas été estimées remplies. La procédure se poursuit au fond. Next INpact diffuse la décision.
Le 1er juin dernier, la Commission copie privée adoptait deux barèmes de copie privée taillés pour les téléphones et tablettes reconditionnés. Même si les montants sont respectivement inférieurs de 40 et 35 % par rapport à ceux frappant les mêmes produits neufs (soit 8,40 euros et 9,10 euros, en crête), le barème tranchait avec la situation antérieure. Ces produits remis sur le marché étaient jusqu’à présent hors du champ de cette redevance culturelle, déterminée et perçue par les sociétés de gestion collective (SACEM, ADAMI, SPEDIDAM, SACD, SPPF, SCPP, etc.).
La décision administrative était donc publiée au Journal officiel le 6 juin. Elle a rapidement été attaquée par l’UFC Que Choisir, l’association « refusant ce coup de canif au développement de l’économie circulaire et au pouvoir d’achat des consommateurs les plus défavorisés ».
Son analyse menée sur plus de 3 000 smartphones reconditionnés a mis « en évidence que le prix médian de vente de ces terminaux est de l’ordre de 190 euros ». Elle dénonçait donc, via communiqué, un « effet inflationniste (…) d’autant plus violent pour les consommateurs modestes », non sans rappeler que les barèmes sur les modèles neufs vont déjà bien au-delà de ceux pratiqués dans d’autres États membres (10 euros pour 32 Go en France, « contre 6,25 euros en Allemagne, 5,20 euros en Italie ou encore 1,10 euro en Espagne ».
La procédure au Conseil d’État a été plurielle. Un référé, où la juridiction est appelée à endosser la casquette du juge de l’urgence, doublée par une action au fond. La décision d’urgence vient de tomber : elle se solde par un rejet pur et simple.
Pas d’ « atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts des consommateurs »
Cette procédure a été fondée sur l’article L 521 - 1 du Code de justice administrative au terme duquel, un requérant peut réclamer du juge des référés la suspension d’une décision administrative « lorsque l'urgence le justifie » et qu'il est fait état « d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».
Selon les règles en vigueur, le juge des référés peut rejeter cette requête sans instruction ni audience, « lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie », sachant qu’une urgence justifie la suspension de l’acte administratif (ici la décision de la commission) quand l’exécution de cet acte « porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre », rappelle le juge des référés au Conseil d’État dans son ordonnance.
Pour plaider l’atteinte « suffisamment grave et immédiate », l’UFC-Que Choisir a d’abord invoqué l’importance des sommes en jeu suite à l’entrée en application de la délibération outre l’impossibilité pour les débiteurs de cette redevance de récupérer les sommes en cas d’annulation au fond.
L’argument n’a pas pesé au Conseil d’État, dont la décision ne pourra que satisfaire les industries culturelles : « à supposer que le montant de la rémunération à verser soit immédiatement et intégralement répercuté sur le consommateur, le tarif applicable varierait, selon la capacité nominale d’enregistrement de l’appareil acheté, entre 0,30 et 8,40 euros pour l’achat d’un appareil mobile reconditionné et entre 5,20 euros et 9,10 euros pour rachat d'une tablette reconditionnée, soit un montant inférieur, respectivement, de 40 % et 35 % par rapport à l'achat d'appareils neufs ».
Toujours pour le juge des référés, « les tarifs contestés ne permettent pas de caractériser une atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts des consommateurs que défend l'association requérante ». En clair, prises individuellement, les sommes en jeu ne seraient pas constitutives d’une atteinte suffisamment grave pour peser en faveur de l’UFC-Que Choisir…
Démonstration insuffisante sur l’impact écologique ou la fracture numérique
L’association avait également mis à l’index les « répercussions négatives sur le marché des appareils reconditionnés et les atteintes susceptibles d'en résulter pour l'intérêt public au regard de la place importante de ces objets dans la réduction de l'impact écologique de la filière numérique ainsi que de la fracture numérique », mais le juge de l’urgence lui a reproché cette fois ne pas avoir apporté « d'élément justifiant d'une atteinte suffisamment immédiate ».
« Enfin, l'invocation d'une méconnaissance du droit de l'Union européenne, à la supposer établie, n'est pas constitutive d'une situation d'urgence justifiant, par elle-même, la suspension de la décision contestée ». La requête de l’UFC-Que Choisir est donc rejetée, mais la procédure se poursuit au fond.
Des tarifs en vigueur depuis le 1er juillet, ESS compris
Depuis le 1er juillet , smartphones et tablettes restent donc soumis à la redevance pour copie privée.
Si le Sénat avait de son côté demandé à ce que ces biens soient hors du champ de la redevance, dans le cadre de la proposition de loi destinée à réduire l’empreinte environnementale du numérique, le gouvernement avait fait adopter son amendement à l’Assemblée nationale pour sacraliser au contraire cette ponction.
En séance, le député Christophe Castaner avait néanmoins déposé un sous-amendement à l’amendement de l’exécutif pour épargner malgré tout l’économie sociale et solidaire (l’ESS).
Comme cette loi n’a pas été finalisée,- elle est revenue depuis dans le camp sénatorial, l’exemption de l’ESS reste lettre morte. Et pour cause, la délibération de la Commission copie privée ne fait pas cas de ces acteurs, en particulier les activités reconditionnement d’Emmaüs.
Copie privée sur le reconditionné : le référé de l’UFC-Que Choisir rejeté au Conseil d’État
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Pas d’ « atteinte suffisamment grave et immédiate aux intérêts des consommateurs »
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Démonstration insuffisante sur l’impact écologique ou la fracture numérique
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Des tarifs en vigueur depuis le 1er juillet, ESS compris
Commentaires (24)
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Abonnez-vousLe 12/07/2021 à 11h45
Prenons 3 personnes (A, B et C) et 3 smartphone (1, 2 et 3)
A achète le 1 (copie privée x 1)
B achète le 2 (copie privée x 1)
C achète le 3 (copie privée x 1)
Via le reconditionné, ils changent de smartphone plusieurs fois pour enfin se retrouver avec l’initial (oui c’est stupide)
A : 1 > 2 > 3 > 1
B : 2 > 3 > 1 > 2
C : 3 > 1 > 2 > 3
Donc ils auront toujours la même capacité de copie privée (même s’il est illégale de passer outre les protection pour la faire) pour une taxe payée plusieurs fois …
Et payer une taxe soit disant pour les artistes pour ensuite utiliser des services de streaming payant ces artistes… c’est 🤬
Mais peut-être que cela veut dire que le service de streaming doit être gratuit 😁
Le 12/07/2021 à 12h10
Ça me rappelle surtout les débats à l’époque de la licence globale. Les majors s’y étaient violemment opposés arguant que payer un prix forfaitaire pour accéder à la culture ne permettait pas de rémunérer leurs artistes. Aujourd’hui la licence globale se nomme Netflix, Spotify et Copie privée…
Le 12/07/2021 à 14h18
Ah bon ? Avec un abo Netflix tu accèdes aux contenus de Disney+ ?
C’est ce que je comprends du mot “globale”.
Et à l’époque on nous disait que cette licence ne devait pas coûter plus de 10 ou 15 euros pour être attractive. À comparer avec la somme des tarifs de tous les abonnements si on veut un accès “global” à tous les contenus disponibles.
Le 13/07/2021 à 09h07
J’ai pris Netflix en exemple comme j’aurais pu citer OCS, ADN, etc. Le business model de ces entreprises correspond pile poil au modèle décrit par la licence globale à deux détails près : la licence est circonscrite à un catalogue au lieu d’être effectivement globale, les droits sont perçus par une entreprise privée faisant de l’optivasion plutôt que par un impôt moins rentable. Mais l’idée est exactement la même.
Le 13/07/2021 à 10h28
C’est ça : si on enlève les grosses différences, c’est exactement pareil
Le 13/07/2021 à 11h16
Faut pas exagérer non plus, ces différences ne sont pas si grosses. Les flux financiers restent captés par les sociétés de perception des droits d’auteurs et voisins qui les redistribuent ; et les catalogues des acteurs s’étoffent de plus en plus limitant l’intérêt de payer plusieurs abonnements.
Le 12/07/2021 à 20h08
Pour Netflix, c’est bien une forme de licence globale. Pour copie privée, tu payes et tu n’a droit à rien.
Le 13/07/2021 à 06h55
A vue de nez je dirais que le catalogue Netflix ne représente que 10% de la production cinématographique et la copie privée te permet de copier… Netflix par exemple.
Le 12/07/2021 à 12h59
C’est ce qu’a révélé l’étude d’usage. Si tu n’es pas contant du résultat :
Comprends ton ennemis avant de t’y attaquer …
Normalement le préjudice qui conduit à la redevance est lié à la copie.
Donc si :
A copie 30 contenus sur 1
A copie 20 contenus sur 2
A copie 10 contenus sur 3
A copie 40 contenus sur 1
A aura commis 90 préjudices (pas 40, on s’en fou si il a supprimé les autres).
Oui c’est un système de merde, mais il ne faut pas s’attaquer aux résultats ça ne sert à rien
Le 12/07/2021 à 14h00
Sauf que l’étude n’est pas public. :)
Le 12/07/2021 à 14h39
ah bon ? a mon avis c’est un document communicable / procédure CADA ?
Le 12/07/2021 à 14h47
A la fin de cet article du 08/06/2021
Next INpact
Je ne sais pas si il y a eu d’autres études ou documents.
Le 12/07/2021 à 15h27
Ce n’est pas ça que je recherche.
Le 13/07/2021 à 07h40
Tu recherches quoi ? Car à la fin de l’article tu as les résultats et ça donne pas mal d’infos sur l’étude, il y a même certaines questions en bas de page.
Next INpact
Le questionnaire complet n’est pas (encore ?) disponible.
Mais on a pas vraiment besoin de plus pour se faire un avis.
Le 13/07/2021 à 08h00
C’est pas vraiment un préjudice à mon sens puisque :
1- la copie privée est un exception au monopole de l’auteur sur son œuvre, quelque chose que l’auteur ne peut pas interdire ;
2- la copie privée ne vaut que si la source de la copie est licite, et que la copie est réservée à un cadre strictement privé. Dès lors l’auteur a déjà été rémunéré sur son œuvre.
C’est plus une contrepartie au droit de copie privée, une façon de récupérer du cash, que la réparation d’un préjudice (qui n’existe pas).
Bref, pour moi cette redevance n’a pas de sens à la base.
Le 13/07/2021 à 08h34
Oui je suis d’accord avec toi, cette redevance ne devrait pas exister.
Mais en attendant cette notion de préjudice a été validée au niveau législatif (et pas qu’une fois).
Le 13/07/2021 à 11h08
Je suis entièrement d’accord avec ta conclusion. Je préciserais juste qu’elle n’a pas de raison d’être à nôtre époque. C’est certes un relicat du passé mais qui avait tout son sens lorsque l’on enregistrait les musiques/chansons qui passaient à la radio sur k7 audio ; similairement avec l’usage du magnétoscope et les programmes TV. Ce qui se rapprocherait le plus de cette origine serait le dump de videos YouTube
Le 13/07/2021 à 08h41
Si un membre d’une famille achète une oeuvre, théoriquement il est le seul à pouvoir en profiter. Il peut en faire profiter les autres mais avec unique source l’oeuvre originale acquise.
Si les autres membres de la famille veulent profiter de cette source de façon indépendante du propriétaire ils doivent soit acheter à nouveau cette oeuvre (tout bénéfice pour l’auteur), soit en réaliser une copie (avec redevance compensatoire).
Je ne vois pas en quoi ça n’a pas de sens
Le 13/07/2021 à 09h54
Ça n’a pas de sens dans la mesure où si tu mets en place une exception au monopole de l’auteur, je ne vois pas pourquoi elle devrait être compensée. C’est une exception. Point.
Ensuite, l’exception pour copie privée est très limitée :
Si on sort de ces critères, on sort du cadre de la copie privée, et la redevance ne compense pas ce qui n’est pas de la copie privée.
On ajoute là-dessus les mesures de restriction existante sur les œuvres audio visuelles, qui limite l’exercice de cette exception, et on peut se poser la question de pourquoi une compensation aussi large ?
En somme, on a une redevance censée compenser une exception au droit d’auteur qui est probablement plus que désuète à l’heure du streaming (je ne sais pas s’il y a de vraies études sur le sujet), dont les tenants font tout pour maintenir la rente qu’elle produit.
Bref, pour moi cette redevance n’a toujours pas de sens.
Le 13/07/2021 à 10h44
Ben non…
Si papa achète un mp3 licite pour son baladeur, seul ce mp3 peut être lu que ce soit de façon devant toute la famille ou de façon individuelle.
Si maman copie le mp3 pour l’écouter sur son baladeur, c’est de la copie privée.
Le 14/07/2021 à 15h22
Et si le compte est commun ?
Blague à part, quand tu achète un DVD, un CD ou un mp3, c’est tout ton cercle familial qui peut en profiter de cette source licite (ton exemple initial auquel je répondait et qui est faux puisque tu considère que seul l’acheteur pourrait profiter légitimement de l’œuvre acquise). Et également la copier (là effectivement, on est bien dans le cadre de la copie privée).
Pour le reste je maintien : cette compensation n’a pas lieu d’être à mon sens, surtout à l’ère du streaming.
Le 13/07/2021 à 17h35
Là où j’approuve la plainte de l’UFC, c’est au niveau de l’urgence écologique : la pollution électronique est toujours plus prégnante sur notre planète, je ne comprends pas qu’un gouvernement ait approuvé, voire imposé cette mesure de non-sens sur l’occaze et le reconditionné, c’est carrément irresponsable !
Là où je trouve ces “dispositions” le plus cruellement injustes, c’est par rapport à la musique dite “libre” : c’est comme si elle n’existait pas, comme si c’était de la merde…
De plus, quoi qu’il arrive, si j’ai bien tout compris les sociétés de gestion des droits (voisins) vont quand même percevoir du flouze dessus, c’est comme si on crachait un énorme mollard vert sur la communauté Jamendo et sur tous les musiciens libres en général…
Le 14/07/2021 à 09h37
On ne peut pas acheter des mp3, on est plus dans les années 2000, on a des plateformes (itunes, spotify, deezer…) avec des DRM et/ou des mesures de protections
Et ça a déjà été dit avant la copie n’est pas possible techniquement de n’importe quelle oeuvre
Le 14/07/2021 à 10h06
Bien sur que si on peut acheter des mp3 et j’achète toujours les disques des artistes que j’apprécie (essentiellement des indés) et on peut même faire légalement du streamripping de deezer.
Et je possède des logiciels légalement acquis qui me permettent de ripper des DVD ou faire du streamripping de Netflix ou autre.
Ce n’est pas parce que vous ne les utilisez pas que d’autres ne le font pas.