Astéroïde Kleopatra en forme d’os de chien : de nouvelles observations rebattent les cartes
Tant qu’il n’y a pas maldonne
Le 14 septembre 2021 à 15h29
8 min
Sciences et espace
Sciences
De nouvelles observations de l’astéroïde Kleopatra ont permis aux astronomes de déterminer avec plus de précision sa taille, sa masse, l’histoire de sa formation et les orbites de ses deux lunes. Les résultats sont tout aussi intéressants que la manière d’y arriver.
En s’appuyant sur le Very Large Telescope de l'Observatoire Européen Austral (que l’on appelle plus communément le VLT de l'ESO), une équipe d'astronomes « a acquis les images les plus nettes et les plus détaillées à ce jour de l'astéroïde Kleopatra ».
Kleopatra se trouve dans la ceinture principale
Il n’est pas nouveau : sa découverte par l’astronome autrichien Johann Palisa remonte à 1880, mais sa forme – qui n’est pas sans rappeler l’os d’un chien – en fait « un corps véritablement unique dans notre système solaire », explique Franck Marchis. Il est astronome à l’Institut SETI et au Laboratoire d'Astrophysique de Marseille, ainsi que le premier auteur d’une publication scientifique parue dans Astronomy & Astrophysics.
Afin de situer Kleopatra, sachez que cet astéroïde orbite autour du Soleil dans la ceinture principale se trouvant entre Mars et Jupiter. On y dénombre plus de 800 000 objets dont la taille varie de quelques dizaines de mètres à plusieurs centaines de kilomètres. Avec ses 270 kilomètres de long, l’astéroïde du jour est parmi les plus gros.
À titre de comparaison, Cérès était le plus imposant astéroïde (975 km de diamètre) de cette ceinture avant d’être classé comme une planète naine.
L’optique adaptative du VLT à la rescousse
Il y a une vingtaine d’années, les scientifiques ont détecté que Kleopatra se « composait de deux lobes reliés par un "cou" volumineux ». Après des séries de recherches infructueuses, « [Franck] Marchis et ses collègues ont découvert [en 2008, ndlr] que Kleopatra était entouré de deux lunes, nommées AlexHelios et CleoSelene d'après les enfants de la célèbre reine d'Égypte ».
Si la forme générale et les caractéristiques de l’astéroïde étaient connues dans les grandes lignes, les données manquaient de précision. Afin de mieux connaître Kleopatra, une équipe de chercheurs a utilisé des clichés de l'instrument SPHERE (Spectro-Polarimetric High-contrast Exoplanet REsearch) du VLT. Ils ont été pris à « différentes époques comprises entre l’an 2017 et l’an 2019 ».
Afin d’avoir une bonne précision, les chercheurs ont utilisé l’un des systèmes d'optique adaptative installés sur le VLT : « Il permet de corriger les distorsions générées par l'atmosphère terrestre, qui font paraître les objets flous – ce même effet se traduit par le scintillement des étoiles observées depuis la surface de la Terre ».
L’Observatoire de Paris rappelle le fonctionnement de cette technologie :
« L’optique adaptative permet de corriger en temps réel les déformations que le front d’onde lumineux a subi en traversant l’atmosphère terrestre. Cette correction se fait à l’aide d’un élément optique actif : un miroir déformable, dont la surface peut être déformée à volonté de quelques micromètres, et sur lequel l’onde se réfléchit. Après réflexion, et si la forme du miroir est appropriée, le front d’onde aura retrouvé sa planéité ».
Les corrections apportées permettant ainsi à l’instrument SPHERE « d'imager » Kleopatra (qui se trouve à plus de 200 millions de kilomètres de la Terre) avec une grande précision, alors « que sa taille apparente dans le ciel avoisine celle d'une balle de golf située à une quarantaine de kilomètres ». Ces données vont avoir des répercussions importantes sur nos connaissances de l’astéroïde.
Un des lobes de Kleopatra est plus gros que l’autre
Comme l’astéroïde est en rotation, les chercheurs peuvent le voir sous différents angles et ainsi créer des modèles 3D « les plus précis à ce jour de la forme qu’il arbore ». Partant de là, ils ont pu en déduire plusieurs informations intéressantes, comme l’explique l’ESO :
« Ils ont contraint la forme en os de chien de l'astéroïde ainsi que son volume, et constaté que l'un des lobes qui le composent était de dimensions supérieures à l'autre. Enfin, ils ont établi la longueur de l'astéroïde à quelque 270 kilomètres, ce qui représente la moitié environ de la longueur de la Manche ».
De nouvelles orbites plus précises pour les lunes
Ce n’est pas tout, une seconde publication scientifique, également parue dans la revue Astronomy & Astrophysics, avec Miroslav Brož de l'Université Charles de Prague comme principal auteur (Franck Marchis est le second auteur), détaille comment des observations de SPHERE ont permis d’obtenir les orbites exactes des deux lunes de Kleopatra.
De précédentes études avaient déjà proposé des estimations, mais « les nouvelles observations effectuées au moyen du VLT de l'ESO ont montré que les lunes ne se trouvaient pas aux emplacements suggérés par les anciennes données ». En science, et notamment en astronomie, il y a d’un côté la théorie et de l’autre les observations ; il faut impérativement que la première s’adapte aux secondes… et pas le contraire.
"Ce problème devait être résolu […] Car si les orbites des lunes étaient erronées, le reste l’était également, la masse de Kleopatra notamment », explique Miroslav Brož. S’appuyant sur les nouvelles observations du VLT, l’équipe est « parvenue à correctement décrire l’influence qu’exerce la gravité de Kleopatra sur les mouvements des deux lunes et à déterminer les orbites complexes d'AlexHelios et de CleoSelene ».
Cette vue a nécessité un traitement « afin de supprimer les reflets et de révéler la présence des lunes ». Crédits : ESO.
Une connaissance plus fine de la masse et de la densité
Ces résultats leur ont aussi « permis de déterminer la masse de l'astéroïde et de constater qu'elle était inférieure de 35 % aux estimations précédentes » ; les chercheurs l’estiment désormais à 2,97 x 10¹⁸ kg. Maintenant que la forme et la masse sont connues, il est facile de déterminer la densité « réelle » de l'astéroïde.
« La nouvelle valeur suggère une densité inférieure de plus de moitiés à celle du fer, soit bien moindre que celle issue des estimations antérieures », ce qui est logique puisque la masse est largement revue à la baisse avec les nouvelles mesures. Selon les derniers calculs, la densité serait de 3,4 grammes par centimètre cube, alors qu’elle était auparavant de 4,5 grammes. La densité du fer est à 7,9 grammes par centimètre cube, alors que celle de l’eau est à 1.
Les scientifiques ne s’arrêtent pas en si bon chemin et continuent d’avancer dans leurs déductions : « La faible densité de Kleopatra, de composition vraisemblablement métallique, suggère que l’astéroïde est doté d’une structure poreuse et pourrait être un peu plus qu'un simple "amas de gravats". Cela signifie qu'il s'est probablement formé par accrétion de matériaux éjectés lors d’un impact géant ».
Kleopatra aurait pu « auto » construire ses lunes
Un scénario possible pour la formation des deux lunes est aussi mis en avant :
« La vitesse de rotation de l’astéroïde [5,385 heures pour un tour complet, ndlr] est proche d’un seuil quasi critique, au-delà duquel il commencerait à se désagréger. Même de petits impacts sont susceptibles d’altérer sa surface. Marchis et son équipe pensent ainsi que de petits cailloux issus de la surface de l’astéroïde sont peut-être à l’origine d’AlexHelios et CleoSelene, ce qui impliquerait que Kleopatra a véritablement donné naissance à ses propres lunes ».
Le futur Extremely Large Telescope (ELT) de l’ESO sera aussi équipé d’optiques adaptatives et proposera une précision encore plus élevée. « J'ai hâte de pointer l'ELT en direction de Kleopatra, de voir s'il est entouré d'autres lunes et d'affiner leurs orbites respectives afin de détecter d’infimes changements », explique Franck Marchis. Il faudra néanmoins attendre plusieurs années puisque les premières observations sont attendues pour 2027.
Quoi qu’il en soit, « la compréhension de ce système complexe et multiple d'astéroïde peut aider à une meilleure connaissance de notre système solaire ». Chaque avancée peut être comparée à une pièce d’un immense puzzle… que nous sommes encore à des années-lumière d’avoir complété.
Astéroïde Kleopatra en forme d’os de chien : de nouvelles observations rebattent les cartes
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Kleopatra se trouve dans la ceinture principale
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L’optique adaptative du VLT à la rescousse
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Un des lobes de Kleopatra est plus gros que l’autre
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De nouvelles orbites plus précises pour les lunes
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Une connaissance plus fine de la masse et de la densité
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Kleopatra aurait pu « auto » construire ses lunes
Commentaires (23)
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Abonnez-vousLe 14/09/2021 à 15h31
C’est plutôt une cacahuète. Merci pour l’article !
Le 14/09/2021 à 16h13
merci pour l’article, toujours intéressants ces sujets sur l’espace :)
faut de sacrées paluches pour la casser cette cacahuète
en même temps faut de sacrées dents pour ronger l’os, je sais pas ce qui est le mieux du coup
Le 14/09/2021 à 15h42
Ouais je vote pour la cacahuète aussi.
Le 14/09/2021 à 18h32
+1
C’est exactement ce que je me disais
la dernière vidéo des frères Lisoir en parle également.
Je ne sais pas ce qui est le plus fascinant… pouvoir déterminer sa masse et sa composition par déductions et calculs ou si c’est l’acharnement scientifiques à résoudre des problèmes ou incohérences entre les calculs et les observations.
Le 14/09/2021 à 18h52
carrément une cacahuète, je vois pas comment on peut penser à un os de chien…
Le 14/09/2021 à 19h17
Tant qu’on ne se fait pas schtroumpfer la cacahuète, …
-__-’
Le 14/09/2021 à 20h32
Bah, vu de très très très long genre 200 millions de kilomètres, il y à moyen de se tromper non ?
Le 14/09/2021 à 21h43
Car si c’est une cacahuète, il faudra utiliser un nom d’écureuil pour une éventuelle mission pour ramener un bout de l’astéroide.
Alors que si c’est un os de Chien, le nom est déjà trouvé : Lycos (va chercher)
Le 15/09/2021 à 06h29
Y a les Rangers du risque !
Le 15/09/2021 à 07h51
Tic et Tac !
Le 15/09/2021 à 07h54
Scrat !
Le 15/09/2021 à 07h59
Scrat, non ? Bien que les noisettes sont associées aux écureuils, les arachides, moins. Souvent injustement associées à l’éléphant, on l’appellerai Dumbo. Dans la nature, je ne sais pas qui consomme ces racines.
Le 15/09/2021 à 11h04
Les singes
Le 15/09/2021 à 12h39
Le 17/09/2021 à 07h31
merci pour l’article. intéressant. si c’est un cacahouète, c’est la plus gros du monde
Le 19/09/2021 à 15h09
Aaaah, Kleopatra… Une remarquable dirigeante, qui fut considérée durant son règne comme l’une des Merveilles du monde, en particulier pour son nez, qui était parait-il absolument remarquable !
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…Sinon, est-ce qu’on a une estimation de la taille des lunes ?
Le 20/09/2021 à 06h59
Le 20/09/2021 à 10h26
lune
Par anal. Se dit des satellites naturels d’autres planètes.
Le 20/09/2021 à 10h58
On peut le garder, mais que pour les 4 petits trous du c… qui se sont envoyés en l’air, pour…rien !
Le 20/09/2021 à 11h11
…
Alors pourquoi je dis “lunes” et pas “satellites” ? Je cite :
Etc., etc. etc. Il suffit de lire l’article.
Mais tout ça ne répond pas à ma question : a-t-on estimé la taille des lunes ? Elles doivent être minuscules, non ?
Le 20/09/2021 à 16h15
Parfois, il faut bien choisir ses mots…
Le 20/09/2021 à 16h51
C’est pas de moi, c’est de l’Académie, mais j’avais remarqué aussi .
Le 20/09/2021 à 17h30