Signalement des contrôles de police : le Conseil constitutionnel censure une partie de la loi

Signalement des contrôles de police : le Conseil constitutionnel censure une partie de la loi

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Marc Rees

Publié dansDroit

24/11/2021
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Signalement des contrôles de police : le Conseil constitutionnel censure une partie de la loi

Saisi suite à une question prioritaire de constitutionnalité déposée par l’éditeur Coyote, le Conseil constitutionnel valide le cœur de la législation qui interdit le signalement de certains contrôles de police. Les Sages ont cependant identifié une disposition qui entrainait une atteinte disproportionnée à la liberté de communication.

Le 10 septembre dernier, le Conseil d'État examinait la requête déposée par Coyote. La société spécialisée dans les GPS espérait obtenir l’annulation du décret « interdisant la rediffusion de message de nature à signaler la présence des forces de l'ordre » sur les services d'aide à la conduite ou de navigation par géolocalisation.

Selon l’article L.130-11 du Code de la route, les éditeurs de ces solutions logicielles peuvent en effet se voir interdire de rediffuser « tout message ou toute indication émis par les utilisateurs de ce service dès lors que cette rediffusion est susceptible de permettre aux autres utilisateurs de se soustraire au contrôle ».

La durée de l’interdiction peut alors aller jusqu’à 12 heures, et son étendue portée à 10 km autour du point de contrôle hors agglomération et deux kilomètres en agglomération. L’enjeu ? Éviter que les automobilistes se partagent les informations sur ces points de contrôle afin de ne pas ruiner l’efficacité du travail des forces de police.

Depuis ce décret d’avril 2021, entré en vigueur le 1er novembre 2021, le ministère de l’Intérieur ou chaque préfet peut prendre un arrêté d’interdiction « sur proposition des officiers ou agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints de la gendarmerie et de la police nationales ». Chaque arrêté doit alors préciser les voies, mais aussi la durée de l’interdiction. Ces informations sont transmises alors aux éditeurs, au fil de l’eau.

Seulement, Coyote considère que ces dispositions posent problème dans leurs modalités d’application. L’éditeur a même été jusqu’à déposer une question prioritaire de constitutionnalité pour faire éprouver cette loi aux droits et libertés fondamentaux, jugeant cette législation attentatoire à la liberté de communication.

Dans la décision rendue ce jour, le Conseil constitutionnel va valider partiellement son analyse en censurant une partie de la loi.

Une atteinte justifiée à la liberté d’expression et de communication

Les Sages de la rue de Montpensier n’ont pas eu de mal à considérer aussi que cette législation, en ce qu’elle permet à une autorité administrative « de priver des utilisateurs de services de communication au public en ligne de la possibilité d'échanger certaines informations », porte bien « atteinte à la liberté d'expression et de communication ».

Seulement, l’atteinte est justifiée dans son principe : « Ces dispositions, qui ont pour objet d'éviter que les automobilistes puissent se soustraire à certains contrôles de police, poursuivent l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions ».

De même, l’interdiction ne concerne que les services dédiés à l'aide à la conduite et à la navigation routière. Elle ne vise que certains contrôles : contrôles d'alcoolémie et de l'usage de stupéfiants, contrôle d’identité, fouilles de bagages, recherche de crimes et délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement, outre des « vérifications concernant l'inscription des conducteurs ou passagers dans le fichier des personnes recherchées à raison de la menace qu'ils constituent pour l'ordre ou la sécurité publics » ou encore les contrôles de placement d'office en établissement psychiatrique.

« Cette interdiction ne s'applique qu'à ces contrôles limitativement énumérés, au nombre desquels ne figurent pas les contrôles de vitesse », tempère encore le juge constitutionnel, qui ajoute au surplus que l’interdiction est limitée à 2 ou 12 h suivant le type de contrôle, et son périmètre géographique est limité dans l’espace.

En somme, l’atteinte à la liberté de communication est justifiée… sauf s’agissant hors du réseau routier national donc au-delà des autoroutes et routes nationales, où l'interdiction du signalement a été considéré beaucoup trop vaste. 

Une interdiction trop vaste hors réseau routier national

Dans un tel cadre, en effet, « cette interdiction vise, sans exception, toute information habituellement rediffusée aux utilisateurs par l'exploitant du service ».

Pour le Conseil constitutionnel, pas de doute : le législateur a été bien trop gourmand, puisque l’interdiction de partage « est susceptible de s'appliquer à de nombreuses informations qui sont sans rapport avec la localisation des contrôles de police ».

Conclusion : elle porte « à la liberté d'expression et de communication, une atteinte qui n'est pas adaptée, nécessaire et proportionnée au but poursuivi ».

censure législation coyotte Le passage déclaré inconstitutionnel (en bleu)

Pas d’atteinte au principe d’égalité

Dans la même décision, le Conseil constitutionnel n’a pas détecté d'atteinte au principe d’égalité que dénonçait encore Coyote.

Ce régime vise les seuls systèmes d'aide à la conduite ou à la navigation par géolocalisation spécifiquement dédiés à la conduite et dont l’usage est autorisé au volant. « Au regard de l'objet de la loi, les exploitants de tels systèmes sont dans une situation différente de ceux proposant d'autres services de communication au public en ligne ».

De même ce régime concerne l’ensemble des exploitants des systèmes utilisés sur le territoire français, peu importe « que leur lieu d'établissement se situe en France ou à l'étranger ».

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Écrit par Marc Rees

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Sommaire de l'article

Introduction

Une atteinte justifiée à la liberté d’expression et de communication

Une interdiction trop vaste hors réseau routier national

Pas d’atteinte au principe d’égalité

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Partez acheter vos croissants
Et faites chauffer votre bouilloire,
Le brief arrive dans un instant,
Tout frais du matin, gardez espoir.

Commentaires (21)


Cumbalero
Il y a 2 ans

papa22 au KM30
73 la station !


Bourrique
Il y a 2 ans

Vive les tweets au volant !



:stress: :accident:


gg40 Abonné
Il y a 2 ans

Copy


vizir67 Abonné
Il y a 2 ans

tout ce qu’l faut retenir c’est :



“Une atteinte****** justifiée****** à la liberté d’expression”



et, comme c’est provisoire (12H.), ils peuvent ! :fumer:


NI
Il y a 2 ans

J’ai pas compris. :keskidit:




  1. Réseau National vs Réseau Hors National ? Lequel représente quel type de routes ?



  2. Sur lequel cette interdiction de communication ne pourra pas être appliquée ? Càd sur lequel, les GPS pourront continuer à indiquer ?



  3. Autre question : les GPS pourront-ils indiquer cette interdiction de diffusion ? En gros : a-t-on accès à ces arrêtés ?? :auto:



Mihashi Abonné
Il y a 2 ans

 




  1. National : autoroutes et route … nationales
    Hors national : le reste (départementales, etc.)

  2. Sur le hors national. Car pour lui, ils interdisent d’indiquer n’importe quel type d’évènements (caractère glissant de la chaussée, la présence d’obstacle sur la route, une zone d’accident ou de travaux, etc.), c’est trop restrictif donc annulé (mais ça sera certainement corrigé bientôt).

  3. C’est pas dit.


Eldeberen Abonné
Il y a 2 ans

Mihashi a dit:




  1. Sur le hors national. Car pour lui, ils interdisent d’indiquer n’importe quel type d’évènements (caractère glissant de la chaussée, la présence d’obstacle sur la route, une zone d’accident ou de travaux, etc.), c’est trop restrictif donc annulé (mais ça sera certainement corrigé bientôt).




Ce qui veut dire que cette loi interdit de signaler un accident de circulation sur autoroute si la maréchaussée est à moins de 10km ?
Je croyais que ça ne s’appliquait qu’au signalement “police”…


Mihashi Abonné
Il y a 2 ans

un accident de circulation sur autoroute




Non en hors national (donc, départementales en gros).




Je croyais que ça ne s’appliquait qu’au signalement “police”…




C’est ce qui était prévu, mais dans l’écriture de la loi, « hors du réseau routier national, [l’]interdiction vise, sans exception, toute information habituellement rediffusée aux utilisateurs […]»


wastedtime Abonné
Il y a 2 ans

Ils peuvent toujours publier les décrets préfectoraux, c’est public et communicable, non?


digital-jedi
Il y a 2 ans

C’est une usine à gaz ce truc encore ?
“Les éditeurs de ces solutions logicielles peuvent en effet se voir interdire de rediffuser ”
Pourquoi le terme rediffuser ? Pourquoi pas le terme diffuser ?
Et il faut que la Police demande le retrait aux éditeurs ? Plutôt qu’une loi qui interdirait tout bonnement de diffuser la position des contrôles de polices !!


Tonton Ben-J Abonné
Il y a 2 ans

Du coup l’appli pourra signaler à l’endroit où il y a des contrôles (qui entrent dans le texte de loi) que la préfecture a interdit la communication de signalements à cet endroit ? :D


Dj Abonné
Il y a 2 ans

(quote:1914466:digital-jedi)
Pourquoi le terme rediffuser ? Pourquoi pas le terme diffuser ?




Car c’est l’utilisateur qui signale le contrôle qui le diffuse (vers Coyote) et Coyote ne fait que rediffuser l’information vers les autres voitures


vince120 Abonné
Il y a 2 ans

(quote:1914466:digital-jedi)
Pourquoi le terme rediffuser ? Pourquoi pas le terme diffuser ?




Parce qu’il s’agit de relayer les informations/alertes remontées par les utilisateurs/la communauté.


pamputt Abonné
Il y a 2 ans

Si je comprends bien, cette décision met quand même bien à mal le modèle économique de Coyote (qui sans se mentir repose pour une bonne partie sur la signalisation des contrôles de police).
Ca signifie aussi qu’on devrait voir disparaitre l’emoticone “police” de Waze.


ashlol Abonné
Il y a 2 ans

pas du tout car on pourra toujours signaler les contrôles de vitesses c’est uniquement les contrôles qui peuvent infliger 3ans d’emprisonnement qui doivent être masqués



« Cette interdiction ne s’applique qu’à ces contrôles limitativement énumérés, au nombre desquels ne figurent pas les contrôles de vitesse », tempère encore le juge constitutionnel


Idiogène
Il y a 2 ans

« est susceptible de s’appliquer à de nombreuses informations qui sont sans rapport avec la localisation des contrôles de police ».




Comme la localisation des postes de Police ?
La dématérialisation du service public est très efficace, en effet. :ouioui:


JeanM64 Abonné
Il y a 2 ans

Quand ON a de gros revenus ON peut s’offrir ce genre d’application (abonnement payant) qui limite le risque d’être pris en tant que contrevenant !
Le Conseil Constitutionnel, sur le principe d’égalité, n’aurait du retoquer la loi uniquement pour les application non payante et non soumise à abonnement !


tpeg5stan Abonné
Il y a 2 ans

Je ne suis pas le meilleur pour lire les décisions de justice. En pratique des alertes comme « branche morte sur le bord de la route » employées comme synonymes de contrôle seraient autorisées ?


white_tentacle Abonné
Il y a 2 ans

Oui. Je suppose que c’est d’ailleurs pour ça qu’ils voulaient au départ interdire « toute information ».



Par contre, d’un point de vue interface, certains signalements sont plus accessibles que d’autres (sur un coyote mini, c’est « danger temporaire » et « véhicule arrêté »). Quand tu conduis, ça fait une sacré différence. Va y avoir beaucoup de véhicules arrêtés bientôt :).


digital-jedi
Il y a 2 ans

Dj a dit:


Car c’est l’utilisateur qui signale le contrôle qui le diffuse (vers Coyote) et Coyote ne fait que rediffuser l’information vers les autres voitures



vince120 a dit:


Parce qu’il s’agit de relayer les informations/alertes remontées par les utilisateurs/la communauté.




Nan mais pourquoi laisser la fonction alerte forces de police si c’est interdit ?


Dj Abonné
Il y a 2 ans

(reply:1914881:digital-jedi)




Car la loi devait passer devant le conseil constitutionnel, pour si c’était constitutionnel de l’interdire légalement ou pas.



C’est le but de cet article.