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Vente à distance : la Cour de justice réduit la portée des CGV

Pas de contraction du droit de rétractation

Vente à distance : la Cour de justice réduit la portée des CGV

Le 03 novembre 2012 à 07h10

Quelle est la portée des CGV ? Est-ce qu’un professionnel peut opposer des clauses censées avoir été acceptées par un consommateur ? La Cour de Justice de Luxembourg vient d’apporter sa réponse.

Une société nommée Content Services exploite une succursale en Allemagne. Son site internet est rédigé en allemand et est accessible en Autriche. On peut télécharger des logiciels gratuits ou des versions d’essai de logiciels payants sous forme d’abonnement (96 euros pour 12 mois). Quand un consommateur passe commande, il remplit un formulaire à partir duquel il déclare accepter les clauses générales de vente tout en affirmant qu’il renonce à son droit de rétractation.

Les informations préalables imposées par la directive du 20 mai 1997, en particulier l’existence d’un droit de rétractation, ne sont accessibles qu’en cliquant sur un lien. Ce lien figure sur la page terminant la commande où le consommateur doit cocher une case pour confirmer qu’il a bien lu les CGV. Après commande, le mail de confirmation contient le lien vers CGV, sans plus. Quant à la facture, elle « rappelle que l’internaute concerné a accepté de renoncer à son droit de rétractation et qu’il n’a donc plus la possibilité de résilier le contrat d’abonnement » rapporte la Cour.

Des CGV dans un lien, une information fournie ou reçue ?

Devant la justice autrichienne, ce bug a été victorieusement dénoncé par la Bundesarbeitskammer, organisation chargée de la protection des consommateurs. Content Services a cependant contre-attaqué le jugement devant l’Oberlandesgericht Wien d’où est partie une question préjudicielle : satisfait-on aux exigences de la directive européenne quand on ne rend accessibles au consommateur les informations essentielles au contrat que par un hyperlien ?

La Cour va d’abord rappeler quelques fondamentaux, notamment qu’ « en vertu de l’article 5 [de la directive 97/7], le consommateur doit recevoir, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition et auquel il a accès, une confirmation des informations pertinentes en temps utile, à moins que celles-ci ne lui aient été déjà fournies préalablement à la conclusion du contrat par écrit ».

Le doute portait d’abord sur l’interprétation des verbes « recevoir » ou « fournir ». Reçoit-on ou fournit-on ces informations essentielles avec un simple lien vers les CGV ? Le verbe recevoir traduit en fait une attitude active du consommateur, le verbe fournir, une attitude active du professionnel. Pour interpréter ces notions, la CJUE s’est inspirée de la raison d’être de ces dispositions : « assurer la communication au consommateur des informations nécessaires à la bonne exécution du contrat et, surtout, à l’exercice de ses droits de consommateur, notamment son droit de rétractation. » L’idée qui doit guider l’interprétation de ces verbes est donc de protéger au mieux le faible dans un contrat passé à distance, et donc le consommateur. Bref, « éviter que l’utilisation de techniques de communication à distance conduise à une diminution de l’information fournie au consommateur. »

Voilà pourquoi, selon les magistrats « lorsque les informations qui se trouvent sur le site internet du vendeur ne sont rendues accessibles que par un lien communiqué au consommateur, ces informations ne sont ni « fournies » à ce consommateur ni « reçues » par celui-ci ». Par ailleurs, pour la CJUE un site internet ne peut être considéré comme un « support durable », de sorte que les CGV étaient belles et bien inopposables au consommateur.

 

L’arrêt devrait avoir des conséquences importantes chez les professionnels qui peuvent être tentés de rappeler les fondamentaux de la vente à distance dans une sous clause des CGV.

Commentaires (16)

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Bah maintenant les sites vont mettre ceinture et bretelles.



AMHA ils vont mettre en place les bretelles et la ceinture, ie un système qui ne te permettra de passer commande que quand tu auras bien fait défiler toutes les CGV jusqu’au bout pour activer le bouton “suivant” ou “j’accepte”. Le truc bien pénible.

Une fois j’ai vu un installateur qui t’obligeait à ca (defiler les CGV jusqu’en bas), et qui si tu le faisait trop vite te disait “bravo, vous avez un cerveau bionique qui vous permet de lire 200 lignes en 3 secondes. Essayez encore, mais en lisant vraiment cette fois-ci…”

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Drepanocytose a écrit :



Bah maintenant les sites vont mettre ceinture et bretelles.



AMHA ils vont mettre en place les bretelles et la ceinture, ie un système qui ne te permettra de passer commande que quand tu auras bien fait défiler toutes les CGV jusqu’au bout pour activer le bouton “suivant” ou “j’accepte”. Le truc bien pénible.

Une fois j’ai vu un installateur qui t’obligeait à ca (defiler les CGV jusqu’en bas), et qui si tu le faisait trop vite te disait “bravo, vous avez un cerveau bionique qui vous permet de lire 200 lignes en 3 secondes. Essayez encore, mais en lisant vraiment cette fois-ci…”





<img data-src=" /> je me souviens d’un truc similaire (moins bien tourné)

Bon après, si on achète régulièrement chez le même fournisseur, lire et relire les mêmes CGV inlassablement risque de devenir assez vite chiant :/





Quand un consommateur passe commande, il remplit un formulaire à partir duquel il déclare accepter les clauses générales de vente tout en affirmant qu’il renonce à son droit de rétractation.



à conserver pour les cours de droit sous le titre “clause léonine <img data-src=" />


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WereWindle a écrit :



Bon après, si on achète régulièrement chez le même fournisseur, lire et relire les mêmes CGV inlassablement risque de devenir assez vite chiant :/





AMHA ca poserait plus problèmes à des sites comme Amazon ou RdC, parce que ce sont des sites où tu peux commander en fait chez plein de boutiques différentes.

Donc tu te retapes les CGV à chaque nouvelle boutique.

Par contre un truc comme Materiel.net ou LDLC, c’est un seul vendeur (le site lui même), donc CGV une seule fois.


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et rien contre les CGV plus longue que l’integrale des Harry Potter et Tolkien réunis ?

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Le problème majeur avec les CGV c’est de retrouver celles de l’époque de la vente. Comment retrouver les CGV d’un achat fait il y a un an en cas de problème ? C’est presque impossible via le site du marchant qui ne garde généralement en ligne que la version la plus récente.



Pourquoi ne pas les joindre au mail de récapitulatif de commande en PDF ? Cela réglerai le problème évoqué dans l’article.


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Et quid des CGV / CGU illégales qu’on a acceptées en cochant la case ?



Je sais que “nul n’est censé ignorer la loi”, mais l’utilisateur “labda” (moi le premier), n’a généralement pas les connaissances suffisantes pour juger de la légalité de ces conditions.





Il me semble que l’acceptation (cochage de case) de conditions illégales n’a aucune valeur (revient à ne pas cocher la case), mais j’aimerais bien avoir confirmation (ou infirmation) de la chose.



Et j’imagine qu’il en est de même pour les formulaires “papier”, comme ceux que ma banque aimerait bien me faire signer, et les contrats de travail.

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lutherkingmartin a écrit :



Le problème majeur avec les CGV c’est de retrouver celles de l’époque de la vente. Comment retrouver les CGV d’un achat fait il y a un an en cas de problème ? C’est presque impossible via le site du marchant qui ne garde généralement en ligne que la version la plus récente.



Pourquoi ne pas les joindre au mail de récapitulatif de commande en PDF ? Cela réglerai le problème évoqué dans l’article.





Certains le font, joindre les CGV. Dans tous les cas, il faut relativiser comme le fait remarquer Marc les CGV. Elles peuvent varier et dire beaucoup de choses mais en pratique les droits du consommateur ne sont que peu modifiables via les conditions du contrat proposé par le vendeur professionnel.



Au final, les 34 des CGV disent des énormités avec trois choses récurrentes:




  • renonciation au droit de rétractation,

  • minoration de la responsabilité du vendeur notamment en imposant un délai de garantie plus court que le délai légal (ou du droit communautaire),

  • clause compromissoire de compétence, c’est à dire imposer comme seule juridiction compétente le Tribunal de commerce dont le relève géographiquement la boutique de vente en ligne en cas de litige.



    Et précisément ces trois clauses types sont sans valeur et réputées non-écrites, donc ne liant pas le consommateur. (En revanche, si l’acheteur passe une commande dans le cadre de son activité pro. , elles sont valables)



    Cependant, s’il s’agit d’un contrat d’abonnement, alors il faut effectivement être attentif aux CGV car elles définissent souvent les conditions tarifaires en plus des clauses classiques, ces conditions pouvant varier avec le temps, il est préférable de conserver une copie de celles-ci.



    Mais même dans ce cas, il va falloir que le pro. prouve avoir porté à la connaissance de l’acheteur internaute consommateur un éventuel changement de CGV. L’arrêt ici présent confirme que c’est loin d’être une formalité au moment de l’achat et qu’il y a là une obligation de résultat pesant sur le vendeur.


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kosame a écrit :



et rien contre les CGV plus longue que l’integrale des Harry Potter et Tolkien réunis ?







Certes mais il n’est pas nécessaire de tout lire. Perso je lis les parties concernant la garantie, la rétractation, la livraison/retard, le tribunal compétent en cas de litige. Pour le reste cela ne diffère pas d’un vendeur à l’autre, cela reste de l’application de la loi du pays dans le pays du site.


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WereWindle a écrit :



…à conserver pour les cours de droit sous le titre “clause léonine <img data-src=" />





Ce n’est pas une clause léonine. Une clause léonine fait qu’une partie s’exonère de toutes ses obligations, tandis que l’autre partie assume tous les risques. Le déséquilibre entre les parties dans le contrat est total. En réalité, si on pousse la définition jusqu’à son absurde, il n’y plus de contrat synallagmatique (ce qu’est un contrat de vente), mais un acte unilatéral d’engagement d’une (seule) partie et donc plus de contrat.



Pour un contrat de vente, ça sera par exemple pour le vendeur le fait de s’exonérer de toute responsabilité si la chose n’est pas livrée conforme ou si elle est affectée de vices cachés. (Pas le fait de ne rien céder en échange du prix, car là il s’agit d’un contrat sans cause ce qui annule le contrat).



Ici, la clause que tu soulèves est une clause qui s’oppose simplement à une règle d’ordre public (ce qu’est l’essentiel du Code de la consommation), la rétractation. Par conséquent elle est simplement nulle et réputée non-écrite, on parlera aussi de clause illégale ou abusive (ce qui est le terme générique des clauses nulles).



Pour préciser mon propos, on peut prendre la théorie des ensembles. Les clauses léonines sont nulles et réputées non-écrites, mais toutes les clauses nulles et réputées non-écrites ne sont pas léonines. <img data-src=" />


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crocodudule a écrit :



Ce n’est pas une clause léonine. Une clause léonine fait qu’une partie s’exonère de toutes ses obligations, tandis que l’autre partie assume tous les risques. Le déséquilibre entre les parties dans le contrat est total. En réalité, si on pousse la définition jusqu’à son absurde, il n’y plus de contrat synallagmatique (ce qu’est un contrat de vente), mais un acte unilatéral d’engagement d’une (seule) partie et donc plus de contrat.



Pour un contrat de vente, ça sera par exemple pour le vendeur le fait de s’exonérer de toute responsabilité si la chose n’est pas livrée conforme ou si elle est affectée de vices cachés. (Pas le fait de ne rien céder en échange du prix, car là il s’agit d’un contrat sans cause ce qui annule le contrat).



Ici, la clause que tu soulèves est une clause qui s’oppose simplement à une règle d’ordre public (ce qu’est l’essentiel du Code de la consommation), la rétractation. Par conséquent elle est simplement nulle et réputée non-écrite, on parlera aussi de clause illégale ou abusive (ce qui est le terme générique des clauses nulles).



Pour préciser mon propos, on peut prendre la théorie des ensembles. Les clauses léonines sont nulles et réputées non-écrites, mais toutes les clauses nulles et réputées non-écrites ne sont pas léonines. <img data-src=" />





en effet j’ai un poil (trop) extrapolé.

Cependant, demander (imposer même) de renoncer à un droit reconnu par la loi me semblait une distorsion suffisante de la relation fournisseur/client <img data-src=" />


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WereWindle a écrit :



en effet j’ai un poil (trop) extrapolé.

Cependant, demander (imposer même) de renoncer à un droit reconnu par la loi me semblait une distorsion suffisante de la relation fournisseur/client <img data-src=" />





Ton raisonnement est bon car il manque effectivement un critère absolu pour dire sur quoi doit porter le déséquilibre pour que la clause soit léonine.



Il existe cependant une piste: est-ce que le déséquilibre porte sur une élément essentiel du contrat?



A priori, dans un contrat de vente, c’est tout ce qui touche à la chose qui va être cédée qui est essentiel pour l’acheteur. Donc si une clause exonère le vendeur de céder une chose en bon état, qui est conforme et qui n’est pas viciée, cette clause est léonine.



En revanche, si on te prive en ta qualité de consommateur sur internet de ton droit de rétractation, l’élément essentiel du contrat n’est pas remis en cause et le vendeur sera tenu de délivrer la chose conforme et sans vices cachés.



C’est simplement parce que l’on souhaite éviter les achats irraisonnés de la part des consommateurs (vu par la loi comme faibles, facilement séduits et pour tout dire cons comme une malle) que cette règle existe. Et inversement, l’absence de rétractation dans l’achat entre professionnels ne déséquilibre en rien le contrat.



Voili voila, bon j’arrête de pourrir les coms. <img data-src=" />


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kosame a écrit :



et rien contre les CGV plus longue que l’integrale des Harry Potter et Tolkien réunis ?







Tu peux faire jouer un de tes propres pouvoir (pas besoin d’être Harry ou Gandalf) : Ne pas acheter là où les conditions sont trop longues (ou trop absconses)


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Merci pour toutes ces explications intéressantes crocodudule. <img data-src=" />

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Inny a écrit :



Merci pour toutes ces explications intéressantes crocodudule. <img data-src=" />

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Avec plaisir, ca faisait un moment que j’avais pas fait une petite tartine dans les coms de PCI <img data-src=" />


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crocodudule a écrit :



Voili voila, bon j’arrête de pourrir les coms. <img data-src=" />







Au contraire, très intéressant (je sais, déja dit, mais ça mérite vraiment le +1)

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crocodudule a écrit :



Avec plaisir, ca faisait un moment que j’avais pas fait une petite tartine dans les coms de PCI <img data-src=" />





J’ai aussi trouvé ton intervention intéressante.


Vente à distance : la Cour de justice réduit la portée des CGV

  • Des CGV dans un lien, une information fournie ou reçue ?

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