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[Interview] Le directeur général du SNJV nous livre sa vision du crowdfunding

« Le jeu est de plus en plus social dans sa pratique, mais aussi dans sa conception »

[Interview] Le directeur général du SNJV nous livre sa vision du crowdfunding

Le 30 juillet 2013 à 05h30

Dans le cadre de la rédaction de notre dossier sur le financement participatif dans le secteur des jeux vidéo, nous avons pu nous entretenir avec Julien Villedieu, le directeur général du Syndicat National du Jeu Vidéo (SNJV)Vous retrouverez ici la retranscription en intégralité de nos échanges.

Julien Villedieu SNJV

Dispose-t-on de statistiques en France sur le nombre de projets financés via le financement participatif et les montants récoltés ?

Malheureusement, en termes de chiffres, on ne dispose de pas grand-chose parce qu’il s’agit d’un phénomène assez récent pour les sociétés françaises. Cela suscite par contre beaucoup d’intérêt, pour toutes les plateformes qu’on a vues émerger ces dernières années, avec évidemment Kickstarter en tête. Il y a aussi eu une expérience faite récemment par le studio Lexis Numérique pour leur jeu Taxi Journey.

 

Je n'ai pas vraiment de chiffres sur le nombre de sociétés qui ont déposé des projets, ni sur celles qui ont réussi à atteindre le montant qu’elles souhaitaient lever. C’est quand même assez nouveau au niveau des entreprises françaises, mais il y a un très très gros intérêt de la part des acteurs du secteur, c’est évident. 

Quand on parle d’acteurs du secteur, on parle aussi bien des studios indépendants qui travaillent sur mobiles, que d’éditeurs plus grands ?

Oui, en fait le vrai sujet c’est qu’aujourd’hui il y a un assèchement du financement des productions de la part des acteurs traditionnels. Entre la contraction du marché, le souhait de prendre le moins de risques possible dans un contexte de forte concurrence, le fait que nous sommes dans un entre-deux avec l’arrivée de la prochaine génération de consoles, le fait qu'aujourd’hui sur les marchés mobiles même si la croissance est là, ça reste extrêmement concurrentiel, tirer son épingle du jeu devient très compliqué.

 

Tout le monde aujourd’hui regarde donc avec intérêt ce qui marche bien sur d’autres secteurs d’activités culturelles, comme la musique, c’est-à-dire le financement par la communauté, par la masse. La question c’est donc, pourquoi est-ce que le jeu vidéo échapperait à cet engouement du public ? Il y a effectivement un très vif intérêt de la part de tous les acteurs. Après concernant les très gros éditeurs, je ne saurais pas dire ce qu’il en est, puisqu’il me semble prématuré de dire qu’aujourd’hui on puisse financer par le crowdfunding un jeu sur les consoles next-gen.

Peut-être pas totalement, mais éventuellement en partie ?

Justement, c’est plutôt comme ça qu’est envisagé le crowdfunding par les professionnels du secteur. Pour eux l’idée d’est de dire « on ne va pas financer la totalité d’un jeu à travers le financement participatif », mais ça peut être un financement d’amorçage, ça peut être un complément de financement, ça peut même être du bonus sur un financement global. Je pense donc qu’il faut voir aujourd’hui le crowdfunding comme un mode de financement complémentaire, ou alternatif pour les plus petites productions

Square Enix à de son côté fait savoir par la voix de son PDG qu’il s’intéressait au crowdfunding, notamment pour garder un contact plus proche avec leurs fans pendant le développement de jeux, c’est quelque chose qui vous semble viable ?

Oui, je suis assez d’accord avec le fait de dire qu’aujourd’hui, l’un des moteurs du crowdfunding ce n’est pas seulement le financement, mais aussi le lien que l’on, va construire avec la communauté des joueurs. Je crois que c’est très important. Le joueur d’aujourd’hui, il a envie qu’on lui raconte une histoire, et pourquoi ne pas commencer à lui raconter dès le début de la création du concept ? C’est souvent bénéfique pour tout le monde aussi bien pour ceux qui créent que pour ceux qui vont jouer. C’est clairement l’un des moteurs de l'ensemble.

 

L’autre moteur c’est évidemment la question du financement, et le troisième c’est l’innovation. Il est vrai qu’aujourd’hui, grâce au crowdfunding, on peut se permettre d’innover, de prendre des risques et sortir un peu des sentiers battus par rapport à un certain nombre de productions qui elles vont être un peu stéréotypées. Parce qu'on est sur un marché où il faut apporter au consommateur des jeux qui ne vont pas être standardisés ou rangés dans des cases bien établies pour qu’on puisse comprendre à quoi on va jouer. Donc innovation, financement et lien avec la communauté me semblent être les trois piliers du crowdfunding

 

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On peut également voir le crowdfunding comme un moyen pour les studios de tester la réaction du public à un concept, et finalement limiter les risques. C’est certainement un point important pour les indépendants ?

Oui c’est certain, après dans tous les cas, il faut que la communauté prenne aussi. Si ça ne prend pas, ça ne prend pas. Après quand ça prend, derrière c’est très intéressant parce qu'on a un retour en direct de la part des joueurs sur les différentes itérations dans le processus de développement. Et c’est très intéressant parce que plus on est près de ce qu’attend la communauté, plus on acquiert un certain degré de certitude quant à la satisfaction que l’on va apporter au niveau du jeu.

 

D’ailleurs, c’est une recette qui est marrante parce que c’est une recette qui finalement est tirée des jeux sociaux ou on sent le retour de la communauté en temps réel quand on diffuse les contenus, dans les minutes ou les heures qui suivent. Et ça répond à une tendance que l’on constate, qui est que le jeu est de plus en plus social pas seulement dans sa pratique, mais aussi dans sa conception. D’ailleurs, les consoles next-gen telles qu’elles ont été présentées, sont des consoles éminemment sociales. Ça a été largement mis en avant et c’est peut-être ce qui sera demain, l’élément moteur de la décision d’achat.

Vous parliez d’innovation tout à l’heure pour justifier l’intérêt du crowdfunding, mais on peut facilement remarquer que souvent, les projets les mieux financés sont soutenus par ce que l’on pourrait qualifier de vétérans de l'industrie, comme Mark Jacobs, Peter Molyneux, ou encore Tim Schaffer, il y a une explication particulière à ça ?

À mon avis, c’est quelque chose qui est valable aujourd’hui et qui le sera probablement de moins en moins à l’avenir. Il est vrai qu’actuellement on est plutôt sur du remake d’anciens jeux, voire même parfois sur du rétro gaming. Et on utilise des « stars » de la création tout simplement parce que c’est quelque chose qui est assez nouveau. Et il est vrai que lorsqu’on demande à des joueurs ou à un consommateur d’investir sur de la production, il aura peut-être tendance à le faire plus facilement s’il sait à qui et à quoi il a affaire.

 

Je pense donc que c’est uniquement parce que ce procédé en est à ses débuts que les joueurs se réfugient vers ce genre de valeurs sures. Mais il est clair que demain, si ça prend, cela peut devenir un modèle de financement alternatif pour des sociétés ou des créateurs qui seraient encore inconnus des joueurs, même les plus chevronnés. À un instant donné, la photographie montre cela, mais ce n’est pas dit que demain cela n’aille pas plus loin.

 

On ne peut que souhaiter que ça fonctionne, on a vu chez Double Fine qu’il y avait quelques soucis, on a vu aussi que Lexis Numérique avait retiré son projet pour mieux le préparer. Tout ce qu’on peut espérer c’est que la phase de maturité pour le financement participatif arrive rapidement, pour que cela devienne une alternative ou un complément crédible aux financements que l’on connait. Et qu’il n’y ait pas qu’une seule plateforme qui truste le marché, parce que je pense que le succès du crowdfunding passe aussi par la diversité des communautés qu’il touche.

 

Merci à Julien Villedieu pour ses réponses

Commentaires (3)

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Donc finalement le crownfunding c’est :




  • un moyen de lever des fonds

  • une étude de marché (souvent complexe à obtenir autrement).

  • du marketing (création de communauté).

  • un moyen de financer sa communication (souvent le budget le plus important sur les “blockbusters”).

  • qui repose sur la notoriété de produits/concepts/personnes existants



    Ce serait intéressant maintenant de poser ces questions aux acteurs actuels (éditeurs, capital risque…). De quelle manière vont-ils intégrer ces évolutions ? Parce qu’il y a une concurrence sur des terrains qu’ils ne maitrisent pas et d’autres qui leurs sont traditionnels.

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J’ai surtout l’impression qu’a de rares exceptions, le crowdfunding ne fonctionne vraiment bien que pour les gens déjà célèbres ou des projets qui ont déjà déclenché un gros “buzz” préalable.



Donc finalement pour des projets qui auraient très bien pu s’en passer.

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sr17 a écrit :



J’ai surtout l’impression qu’a de rares exceptions, le crowdfunding ne fonctionne vraiment bien que pour les gens déjà célèbres ou des projets qui ont déjà déclenché un gros “buzz” préalable.



Donc finalement pour des projets qui auraient très bien pu s’en passer.





Pas forcement. Ce n’est pas parce que tu es connu que tu vas pouvoir financer tes projets. En plus des contraintes liées a un éditeur qui essayent en général de toucher le plus grand nombre, ce qui ne correspond pas forcement aux objectifs des auteurs.


[Interview] Le directeur général du SNJV nous livre sa vision du crowdfunding

  • Julien Villedieu SNJV

  • Dispose-t-on de statistiques en France sur le nombre de projets financés via le financement participatif et les montants récoltés ?

  • Quand on parle d’acteurs du secteur, on parle aussi bien des studios indépendants qui travaillent sur mobiles, que d’éditeurs plus grands ?

  • Peut-être pas totalement, mais éventuellement en partie ?

  • Square Enix à de son côté fait savoir par la voix de son PDG qu’il s’intéressait au crowdfunding, notamment pour garder un contact plus proche avec leurs fans pendant le développement de jeux, c’est quelque chose qui vous semble viable ?

  • On peut également voir le crowdfunding comme un moyen pour les studios de tester la réaction du public à un concept, et finalement limiter les risques. C’est certainement un point important pour les indépendants ?

  • Vous parliez d’innovation tout à l’heure pour justifier l’intérêt du crowdfunding, mais on peut facilement remarquer que souvent, les projets les mieux financés sont soutenus par ce que l’on pourrait qualifier de vétérans de l'industrie, comme Mark Jacobs, Peter Molyneux, ou encore Tim Schaffer, il y a une explication particulière à ça ?

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