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Le projet de loi américain contre les patent trolls ralentit au Sénat

La moitié des bagages oubliée en chemin

Le projet de loi américain contre les patent trolls ralentit au Sénat

Le 18 décembre 2013 à 16h40

Depuis que l’administration Obama a affiché sa volonté de s’attaquer à la puissance des patent trolls aux États-Unis, un projet de loi a été mis sur pied et soutenu par des représentants des deux camps. Cependant, maintenant que le texte entre au Sénat, plusieurs voix se font entendre pour faire ralentir la cadence. Explications.

patent brevet

Crédits : Alexandre Dulaunoy, licence Creative Commons

Une loi pour lutter contre les entreprises vivant des autres 

L’Innovation Act est un texte en préparation par le corps législatif américain. Il a été adopté à une écrasante majorité (321 contre 95) par la Chambre des Représentants et entre maintenant au Sénat pour la deuxième phase de sa gestation. Cependant, le texte a bénéficié d’une extraordinaire rapidité de traitement car l’intérêt pour les patent trolls et la volonté affichée par Barack Obama de leur faire perdre leur puissance sont très récentes. En l’espace de trois mois seulement, l’Innovation Act est donc presque prêt à entrer en piste, ce qui provoque quelques mains levées parmi les sénateurs pour demander un peu de calme.

 

Le fait est que les différents représentants sont en ébullition, et ce d’autant plus que la lutte contre les patent trolls est l’un des rares terrains à faire consensus entre les républicains et les démocrates. Pourquoi ? Parce ces entreprises sont accusées de bien des maux, et pour cause : elles ne produisent rien par elles-mêmes et remplissent leurs caisses via les procès qu’elles déclenchent. Toute leur stratégie est en effet basée sur des portefeuilles particulièrement bien garnis de brevets technologiques qui permettent d’obtenir des royalties. Certains, comme Lodsys, négocient directement avec les petites et moyennes entreprises dans l’optique d’inspirer la crainte : par peur d’un procès long et couteux, les petites structures acceptent de payer. Même Apple s’est cassé les dents contre Lodsys en essayant de défendre les éditeurs tiers d’applications pour iOS.

Tout ne se passe pas devant les tribunaux 

Parmi les points sur lesquels beaucoup s’accordent, on trouve la protection de l’identité de ceux qui se tiennent vraiment derrière les plaintes et les demandes de royalties. L’un des objectifs du texte est donc de forcer l’ensemble des parties impliquées à se déclarer dès la plainte originelle sous peine de voir toute la procédure devenir caduque. En outre, l’ensemble des frais de procédure seront nécessairement à la charge du perdant dans l’affrontement.

 

Et les exemples de sociétés « agressées » par les patent trolls ne manquent pas. En commission sénatoriale réunie pour analyser le projet de loi, plusieurs cas flagrants ont été passés en revus. Celui de la banque New England Federal Credit Union qui a reçu un courrier lui demandant de payer des royalties pour certaines machines de type ATM (distributeurs). Au Kansas, un imprimeur a reçu un courrier lui intimant de payer 75 000 dollars sous deux semaines sous peine de voir la facture s’alourdir à 95 000 dollars. Il s’agit de la même tactique que Lodsys : effrayer avec le spectre d’un procès ruineux.

De sérieux vides que le projet de loi n'aborde pas 

Et pourtant, le projet comporte un nombre croissant de voix discordantes, notamment à cause de la grande célérité du processus jusqu’à présent. Les inquiétudes concernent divers points :

  • Les universités américaines craignent que la bascule de la charge des frais de justice au perdant joue en leur défaveur. Plusieurs d’entre elles (Northwestern, Chicago et Illinois) ont manifesté cette peur de ne plus pouvoir défendre leurs brevets à cause d’un risque trop élevé.
  • Certains sénateurs pensent que la loi échoue à s’attaquer véritablement au cœur du problème : la validité même des brevets, dont beaucoup mériteraient un examen approfondi. Il s’agit selon eux de la vraie force des trolls et elle n’est pas remise en question. En outre, la loi n’aura aucune forme d’efficacité sur des sociétés comme Lodsys qui ne passent pas par les tribunaux.
  • Le processus est estimé par certains trop rapide et certains sénateurs demandent maintenant que le rythme ralentisse afin que la réflexion ait le temps de se mettre en place.

Globalement, l’Innovation Act semble nécessiter encore du travail, d’autant que la version validée par la Chambre des Représentants n’est pas la même que celle qui avait été initialement proposée. En avait ainsi été extirpée la proposition de révision complète des brevets « covered business method » qui décrivent comment une entreprise génère un produit particulier. Un souci pour une partie des sénateurs qui y voient justement une manière de soigneusement éviter de s’attaquer aux brevets les plus problématiques.

 

En définitive, l’Innovation Act pourrait rester plus longtemps bloqué au Sénat que dans les étapes précédentes. Si le projet complique largement la tâche pour tout ce qui touche aux plaintes devant les tribunaux, il ne répond pas à toutes les inquiétudes. Il pourrait même par effet ricochet renforcer les méthodes utilisées par des entreprises comme Lodsys : si les tribunaux deviennent plus hostiles, il s’agira d’une raison de plus pour les éviter.

Commentaires (5)

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Les universités américaines craignent que la bascule de la charge des frais de justice au perdant joue en leur défaveur. Plusieurs d’entre elles (Northwestern, Chicago et Illinois) ont manifesté cette peur de ne plus pouvoir défendre leurs brevets à cause d’un risque trop élevé.



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Certains sénateurs pensent que la loi échoue à s’attaquer véritablement au cœur du problème : la validité même des brevets, dont beaucoup mériteraient un examen approfondi. Il s’agit selon eux de la vraie force des trolls et elle n’est pas remise en question. En outre, la loi n’aura aucune forme d’efficacité sur des sociétés comme Lodsys qui ne passent pas par les tribunaux.





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    Le processus est estimé par certains trop rapide et certains sénateurs demandent maintenant que le rythme ralentisse afin que la réflexion ait le temps de se mettre en place.



    Il faut dire qu’il y a un certain retard à rattraper.

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Les senateurs ont raison de signaler que ce projet de loi manque la veritable cible. En meme temps, remettre en cause les brevets eux-memes serait un changement bien plus radical que la reformette prevue pour ne pas trop bousculer l’industrie. Je ne suis pas sur que les politiciens de “la-bas” soient plus enclins que ceux d’ici a se mettre a dos tous les gros groupes industriels.



Denoncer la precipitation est aussi un point valide. Il y a du retard a rattraper (comme le rappelle Winderly), mais ce n’est pas une raison pour bacler le travail et risquer d’aggraver la situation. Prendre le temps de la reflexion, penser aux consequences… ce qui devrait etre fait avant toute loi, mais qui est si rarement mis en pratique.

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wormidable a écrit :



Les senateurs ont raison de signaler que ce projet de loi manque la veritable cible. En meme temps, remettre en cause les brevets eux-memes serait un changement bien plus radical que la reformette prevue pour ne pas trop bousculer l’industrie.







Sauf que c’est le superbe panneau dans lequel il ne faut pas tomber : réformer les brevets, leurs principes, leurs règles, en n’oubliant pas les accords internationaux qui font que des negotiations sont nécessaires, cela prendra aisément une dizaine d’années (il n’y a qu’à voir le temps pris par le passé dans ce domaine pour mettre en place ou modifier les choses) SI cela aboutit.



La loi anti-patent-trolls, elle, peut être immédiate et faire déjà un bien considérable.



La faire patienter des années sous le prétexte d’engager une réflexion de fond sur les brevets, c’est un magnifique moyen de la neutraliser, d’autant plus qu’il n’est pas certain qu’après Obama, dont c’est le dernier mandat, le prochain Président ait envie de continuer dans cette voie.



Donc si l’idée de réformer les brevets parait séduisante, dans le cas precis, comme disait Voltaire “Protégez-moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge”. :)


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Les universités américaines craignent que la bascule de la charge des frais de justice au perdant joue en leur défaveur. Plusieurs d’entre elles (Northwestern, Chicago et Illinois) ont manifesté cette peur de ne plus pouvoir défendre leurs brevets à cause d’un risque trop élevé.





Roh mais ces américains.. même leurs universités se comportent comme des entreprises. Ils ont encore du chemin à faire les pauvres.

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millcaj a écrit :



Sauf que c’est le superbe panneau dans lequel il ne faut pas tomber : réformer les brevets, leurs principes, leurs règles, en n’oubliant pas les accords internationaux qui font que des negotiations sont nécessaires, cela prendra aisément une dizaine d’années (il n’y a qu’à voir le temps pris par le passé dans ce domaine pour mettre en place ou modifier les choses) SI cela aboutit.



La loi anti-patent-trolls, elle, peut être immédiate et faire déjà un bien considérable.



La faire patienter des années sous le prétexte d’engager une réflexion de fond sur les brevets, c’est un magnifique moyen de la neutraliser, d’autant plus qu’il n’est pas certain qu’après Obama, dont c’est le dernier mandat, le prochain Président ait envie de continuer dans cette voie.



Donc si l’idée de réformer les brevets parait séduisante, dans le cas precis, comme disait Voltaire “Protégez-moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge”. :)





Attendre des annees est un piege facile. Voter une loi en quelques jours en est egalement un. Et la loi presentee ici n’est pas forcement tres positive. Ca va un peu aider (peut-etre, meme pas sur en fait) dans les quelques cas qui arrivent devant les tribunaux, mais ne va pas aider si les victimes sont toujours dans l’incertitude du resultat d’un proces. Avec encore plus de frais potentiellement a leur charge (le perdant paie tout), elles vont hesiter encore plus et se laisser bercer par des arrangements “raisonnables”.



Donc, debattre pendant 10 ans serait certes une erreur. Mais ne pas reflechir avant de voter une loi ne serait pas mieux.



On ne cesse de demander aux politiciens de reflechir avant de voter des lois liberticides, ca n’est pas pour leur dire de bacler le travail sur des lois censees nous aider.


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