Ventes d’armes de surveillance : des ONG réclament davantage de contrôle
Cause toujours
Le 07 avril 2014 à 13h18
5 min
Droit
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Alors que le contexte économique s’avère particulièrement difficile pour les gouvernements occidentaux, il peut être délicat pour les politiques de vouloir s’attaquer à des filières dont les produits se vendent bien à l’étranger, à l’image des armes de surveillance numérique. Pourtant, vendredi dernier, plusieurs ONG de renom se sont regroupées au sein d’une coalition. Leur objectif ? Obtenir une meilleure régulation du commerce des technologies de surveillance au niveau international, afin d’éviter les dérives. Explications.
L’année dernière, l’association Reporters sans frontières avait tenté de sensibiliser davantage l’opinion publique en épinglant, aux côtés des traditionnels États « Ennemis d’Internet », des sociétés elles aussi qualifiées d’« Ennemies d’Internet ». Cinq entreprises accusées d’avoir vendu des armes de surveillance numérique à des pays peu respectueux des droits de l’Homme étaient ainsi mises à l’index, dont Amesys - qui fait toujours l’objet d’une instruction judiciaire en France pour complicité d’actes de tortures en Libye. Depuis, l’organisation plaide pour un meilleur contrôle des exportations de technologies de surveillance. L’objectif ? Arriver à terme à ce que les dictateurs ou autres dirigeants d’États totalitaires ne puissent plus s’acheter les derniers outils d’espionnage développés par un pays tel que la France ou les États-Unis.
Des organisations de renom regroupées au sein d’une seule et même coalition
Pour mieux faire entendre sa cause, RSF vient d’obtenir le soutien de plusieurs organisations de renom. Amnesty International, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), Privacy International, Digitale Gesellsch’aft, Human Rights Watch ainsi que l’Open Technology Institute ont en effet rejoint Reporters sans frontières afin de former une coalition, intitulée CAUSE (pour « Coalition Against Unlawful Surveillance Exports », ou « Coalition contre l’export illégal de technologies de surveillance », en français).
Au travers d’une lettre ouverte, cette coalition en appelle aux gouvernants du monde entier. « L'absence actuelle de réglementation efficace et concertée au niveau international a créé un environnement dans lequel des sociétés commerciales peuvent doter des régimes autoritaires de capacités de surveillance omniprésentes » regrettent ces organisations, à l’appui de nombreux exemples. Sur un site Internet dédié, une carte du monde permet en effet d’avoir un récapitulatif de quelle entreprise est accusée d’avoir vendu quels types d’équipements à quel(s) pays (voir ici). Pour la France, Qosmos et Amesys sont par exemple pointés du doigt, respectivement pour du matériel retrouvé en Syrie et en Libye.
La coalition explique que la prolifération de technologies de surveillance de masse (collecte de données depuis des câbles sous-marins, interceptions de communications téléphoniques ou sur Internet, géolocalisation, etc.) permet à certains régimes « d’écraser les dissidences ou les critiques, de geler la liberté d’expression et de détruire les droits fondamentaux propres à toute société démocratique ».
La CAUSE demande davantage de régulation, à commencer par l’échelon européen
Face à cette « absence presque totale de régulation du marché des technologies de surveillance des communications », la CAUSE réclame donc un sursaut politique conséquent. Jusqu’ici, Reporters sans frontières demandait principalement à ce que l’Union européenne commence par imposer un contrôle des exportations similaire à celui qui prévaut actuellement en matière d’armes de guerre (voir notre article). Avec ce nouvel appel, l’on comprend que c’est un échelon bien plus vaste qui est visé par la coalition, même si c’est encore avant tout vers les Vingt-Huit que les regards sont tournés.
« Il y a vraiment quelque chose à faire en Europe ! » s’exclame ainsi Grégoire Pouget, de Reporters sans frontières. Contacté par Next INpact, l’intéressé explique que « l'objectif premier de cette coalition, c'est d'agir au niveau européen et de faire en sorte que des règles claires soient édictées afin que tout État européen n'ait pas le droit de vendre ce type de matériel à n'importe qui ». Regroupées, les organisations membres de la CAUSE pourront mutualiser leurs moyens et leurs efforts, avec pour objectif d’influencer davantage les pouvoirs publics. Des actions auprès des eurodéputés et des parlementaires nationaux ont ainsi été évoquées vendredi, lors de l’installation de la CAUSE.
L'ambition affichée de Jean-Marc Ayrault reprise par Manuel Valls ?
Si les 41 pays signataires de l’arrangement de Wassenaar (dont le Canada, la France, l’Allemagne ou les États-Unis) ont accepté en décembre dernier d’ajouter les technologies de « surveillance du réseau Internet (IP) » à la liste des matériels dont les exportations sont soumises à contrôle, ce pas en avant demeure insuffisant pour la coalition, car cet arrangement n’est pas juridiquement contraignant.
Néanmoins, rappelons qu'au niveau de la France, un avis publié en décembre 2013 oblige toute société française souhaitant vendre à un État n’appartenant pas à l’Union européenne des « équipements d'interception et de surveillance de communications sur réseau IP » à obtenir une autorisation du ministère du Redressement productif. En cas de manquement, tout contrevenant s’expose à une amende maximale de 300 000 euros si la valeur de cet équipement est de 100 000 euros, en plus d’une peine d’emprisonnement.
Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault avait d'ailleurs pour objectif d’arriver à faire traduire ces engagements dans un règlement européen qui serait applicable à tous les États membres de l'UE. Il sera de ce point de vue intéressant de voir comment l'équipe de Manuel Valls va gérer ce dossier.
Ventes d’armes de surveillance : des ONG réclament davantage de contrôle
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Des organisations de renom regroupées au sein d’une seule et même coalition
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La CAUSE demande davantage de régulation, à commencer par l’échelon européen
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L'ambition affichée de Jean-Marc Ayrault reprise par Manuel Valls ?
Commentaires (28)
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Abonnez-vousLe 07/04/2014 à 13h46
Le 07/04/2014 à 13h49
Le 07/04/2014 à 13h50
Le 07/04/2014 à 13h52
Le 07/04/2014 à 13h56
Le 07/04/2014 à 13h57
Le 07/04/2014 à 14h14
En cas de manquement, tout contrevenant s’expose à une amende maximale de 300 000 euros si la valeur de cet équipement est de 100 000 euros, en plus d’une peine d’emprisonnement.
Donc si mon matos ne vaut pas pile poil 100 000 €, je ne risque rien ? " />
Le 07/04/2014 à 14h21
Ventes d’armes de surveillance : des ONG réclament davantage de contrôle
Je propose d’installer des équipements de surveillances pour contrôler les flux d’email de pays dérangeants pour y trouver des bon de commandes… du coup il faut leur vendre des équipements de surveil… euh attendez ?
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Le 07/04/2014 à 14h32
Le 07/04/2014 à 14h34
“armes de surveillance” ça fait mieux que “système de surveillance, outil de surveillance” il y a un petit coté patriotique “je surveille pour défendre vos vie contre les méchants!”.
Au finale si l’on doit classer ça dans les “armes”, c’est de la défense donc une armes défensive.
faudrait peut être voir la définition du mot “arme” qu’est ce qui la différencie d’un outil.
Le 07/04/2014 à 14h37
Le 07/04/2014 à 14h40
Le 07/04/2014 à 14h43
Le 07/04/2014 à 14h45
Tant que les USA et la Russie seront absents, osef de leurs listes !
Ces deux pays fournissent les conflits en armes “classiques”, et sont des spécialistes de l’espionnage à grande échelle.
Le 07/04/2014 à 15h08
c’est moi ou je vois des NEXT INpact partout? c’était pas un poisson d’avril? faut que je vide mon cache?
Le 07/04/2014 à 15h20
Le 07/04/2014 à 13h28
le risque c’est que dans les pays concernés au lieu d’avoir un accès au Net très surveillé ben plus d’accès du tout comme on peu plus surveiller
Le 07/04/2014 à 13h40
Une “arme de surveillance” ?
“Tout objet, appareil, engin qui sert à attaquer (arme offensive) ou à se défendre (arme défensive)”.
Perso, j’ai jamais réussi à tuer ou blesser qui que ce soit avec un logiciel…
Le 07/04/2014 à 13h42
Le 07/04/2014 à 13h44
Le 07/04/2014 à 13h45
Ce qui ne changera strictement rien, les entreprises en question vont juste se délocaliser hors UE, comme Amesys qui a été cédée à A.M.E.SYS (Advanced Middle East SYStems) au Qatar.
et ce avec la bénédiction officieuse des pouvoirs publics, mais surtout des services de renseignement des pays exportateurs.
d’autres part, les pays de l’UE installent aussi ces systèmes chez eux pour les mêmes raisons que les pays clients: lutte contre les terroristes (Lybie, Syrie, Barhein, Maroc, etc…), avec en plus la petite touche occidentale sur les pédophiles.
bref, c’est un coup d’épée dans l’eau mais ça aura au moins le mérite de faire comprendre aux parlementaires et citoyens européens que leur vie sera massivement et automatiquement surveillée.
Le 07/04/2014 à 15h55
Si le contrôle des armes de surveillance est aussi efficace que celui des armes conventionnelles (et non conventionnelles car les armes chimiques semblent être présent dans toutes les arsenaux) la plupart des fabriquants doivent bien rigoler,
Que cela soit via des “boutiques” officielles d’ une filiale de roborononexport, des “indépendants” suisses, l’ hypocrisie de nos gouvernements et fabriquants nationaux ou, dans des régions “bizarre” comme la Transinistrie on trouve de tout sans aucun problème sur le marché des armes.
Le 07/04/2014 à 16h02
Le 07/04/2014 à 16h04
Le 07/04/2014 à 17h01
Les équipements pour une surveillance et une censure de masse du net, ne sont pertinents que pour des régimes autoritaires, ou qui commencent à sentir mauvais.
Le 07/04/2014 à 19h54
Le 07/04/2014 à 20h55
oulààà, tu vas loin, toi, pour trouver des armes!
suffi de descendre à Marseille, coco!
Oui mais dans les adresses que je donne, ils assurent et font marcher les garanties d’ usine, le SAV et même une facture si ont veut defalquer cela dans ses frais professionnels ^^
Le 08/04/2014 à 04h53