Existe-t-il un droit à l’oubli contre le moteur Google ?
Droit à l’oubli vs devoir de mémoire
Le 12 mai 2014 à 14h40
5 min
Droit
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Une affaire importante va être jugée demain par la Cour de Justice de Luxembourg. Il s’agira en particulier de savoir s’il existe un droit à l’oubli en Europe contre les moteurs de recherches.
L’affaire tranchée demain est née en Espagne en 2010. Un internaute s’était plaint devant la CNIL locale qu’un journal espagnol et par contrecoup Google publient son nom. Et pour cause : en tapotant son patronyme dans un moteur, tout utilisateur tombait sur deux articles datant de janvier et mars 98 de La Vanguardia. « Ces pages annonçaient notamment une vente aux enchères immobilière organisée à la suite d’une saisie destinée à recouvrer les dettes de sécurité sociale dues par M. González » explique la Cour de Justice.
L’internaute demandait que des mesures d’anonymisation soient ordonnées sur ces articles et sur les résultats Google. Ces données étaient en effet datées et n’étaient plus pertinentes, selon lui.
La CNIL espagnole avait rejeté la réclamation contre le journal puisque les informations avaient été publiées en raison de contrainte légale. Par contre, elle l’avait accueillie contre Google ordonnant au moteur un nettoyage en règle. Comme on pouvait s’en douter, Google a attaqué cette décision en justice. Le tribunal espagnol a sur le champ soulevé une difficulté d’interprétation du droit européen à la Cour de Justice de Luxembourg.
Droit à l'oubli sur Google ?
L’affaire est d’importance puisqu’elle revient à savoir si un droit à l’oubli existe sur internet. Ce droit permettrait à quiconque, selon des considérations subjectives, de s’opposer à un traitement dans un moteur de recherche. L’avocat général a d’ores et déjà répondu que la législation européenne ne contient pas une telle arme.
Cependant, peut-on la déduire d’autres textes comme la Charte sur les droits fondamentaux ? Celle-ci protège en effet le respect de la vie privée. En ce sens, le droit à l’oubli pourrait être une de ses composantes.
L’avocat général refuse une telle interprétation. Il rappelle l’existence de principes de même valeur, comme la liberté de communication, celle d’information et le principe de la liberté d’entreprendre. Or, « dans la société contemporaine de l’information, le droit de rechercher des informations publiées sur Internet en recourant à des moteurs de recherche constitue l’un des moyens les plus importants d’exercer ce droit fondamental. Ce droit comprend indubitablement celui de rechercher des informations qui sont relatives à d’autres personnes et qui sont en principe protégées par le droit à la vie privée, telles que les informations figurant sur l’Internet à propos des activités qu’exerce une personne en tant qu’entrepreneur ou qu’homme ou femme politique. »
Du droit à l'information, à la communication et la liberté d'entreprendre
Justement : avec un droit à l’oubli, « le droit d’un internaute à l’information serait compromis si sa recherche d’informations au sujet d’une personne ne produisait pas des résultats de recherche reflétant fidèlement les pages web pertinentes, mais n’en donnait qu’une version «bowdlerisée» » (du nom de ce médecin anglais qui publia une version expurgée des œuvres de William Shakespeare, cf Wikipedia). En clair, le droit à l’oubli permettrait tout un chacun de supprimer toutes les données qui ne lui plaisent pas, pour autant que son nom soit cité. Un peu fort !
L’avocat général a déjà dissuadé la CJUE de reconnaître un tel droit puisque le cas échéant, outre la mise en cause de ces autres droits fondamentaux, une pluie de procédures de notification et de retrait s’abattrait sur les moteurs, sans doute des formes automatisées. De plus, il estime que « le fournisseur de services de moteur de recherche sur Internet n’est pas un «responsable du traitement» de données à caractère personnel sur les pages web source de tiers ». Finalement, seul l’éditeur des pages référencées est responsable du traitement.
D'autres mesures possibles
Les individus en sont-ils pour autant démunis ? Loin de là. Ses conclusions rappellent que chaque internaute peut toujours utiliser des moyens issus du droit national : « il est possible que la responsabilité subsidiaire des fournisseurs de services de moteur de recherche sur Internet en vertu de la législation nationale puisse déboucher sur des obligations revenant à bloquer l’accès à des sites Internet de tiers présentant des contenus illégaux, tels que des pages web enfreignant les droits de propriété intellectuelle ou affichant des informations diffamatoires ou criminelles. En revanche, aucun droit généralisé à l’oubli ne saurait être invoqué à leur encontre sur la base de la directive, même si celle-ci est interprétée en conformité avec la Charte ».
L’affaire, dont on attend le résultat demain matin, est intéressante, car elle souligne les difficultés qui apparaitront lorsqu’un véritable droit à l’oubli sera consacré. L’actuel projet de règlement européen sur les données personnelles entend en effet le consacrer. Le sujet avait d’ailleurs fait l’objet de notre émission du 14h42 où la CNIL était intervenue.
Existe-t-il un droit à l’oubli contre le moteur Google ?
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Droit à l'oubli sur Google ?
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Du droit à l'information, à la communication et la liberté d'entreprendre
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D'autres mesures possibles
Commentaires (24)
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Abonnez-vousLe 12/05/2014 à 14h49
Et est ce qu’on a aussi le droit de demander à faire détruire les archives papier du journal qui avait initialement publié l’article ? Tout un chacun pourrait consulter le journal en question dans une bibliothèque.
Parce que le casier judiciaire, il nous suit à vie. Donc les articles de presse aussi.
Le 12/05/2014 à 14h49
avec un droit à l’oubli, « le droit d’un internaute à l’information serait compromis si sa recherche d’informations au sujet d’une personne ne produisait pas des résultats de recherche reflétant fidèlement les pages web pertinentes, mais n’en donnait qu’une version «bowdlerisée» » (du nom de ce médecin anglais qui publia une version expurgée des œuvres de William Shakespeare, cf Wikipedia). En clair, le droit à l’oubli permettrait tout un chacun de supprimer toutes les données qui ne lui plaisent pas, pour autant que son nom soit cité.
=> On est en train de m’expliquer que le droit de ma voisine de fermer ses rideaux compromet mon “droit” de la voir sous la douche ? " />
Le 12/05/2014 à 14h49
Dommage qu’ils se focalisent trop sur l’indexeur sur contenu plutôt que le site hébergeant le contenu… " />
Le 12/05/2014 à 14h53
Le 12/05/2014 à 15h09
Le 12/05/2014 à 15h11
C’est sur que si ça fait jurisprudence peut être que… mais pour l’instant il y a tout un tas de sociétés dont le métier est d’effacer vos traces… donc bon, c’est pas comme s’il y avait un vide totale en la matière. Certes c’est pas pour les plus friqués " />
Le 12/05/2014 à 15h19
Le 12/05/2014 à 15h26
Le 12/05/2014 à 18h01
Le 12/05/2014 à 19h21
En opposition à ce que dis le juriste/avocat je lui rappellerai qu’un riche monsieur de la F1 à lui réussi à faire plier Google pour que l’on retire certaines infos sur lui (comme les données datant de 98 pour le plaignant ici).
Max Mosley à gagné son procès contre Google, procès se déroulant en Europe au passage, pour que ce dernier vire de ses datacenter tous liens pointant vers la vidéo d’une partie fine SM avec des prostituées ainsi que les images tirées de cette même vidéo.
Donc oui, le droit à l’oubli peut s’exercer en Europe et contre Google. Après ce n’est pas une disparition totale du net qui est demandée, mais que certaines informations/vidéo et images soit retirées.
Le 12/05/2014 à 21h34
Le 12/05/2014 à 23h27
Est-ce que j’ai proposé une solution claire net et précise, que j’ai mis une barre et proposé un encadrement juridique précis ? Non, si ce n’est en faisant des conclusions hâtive de quelques un de mes mots. J’ai souligné une évidence, que la facilité de trouver une information n’a rien à voir entre ce que tu disais et Google. Je n’ai pas les réponses aux questions que tu poses, mais ta façon de répondre est légèrement pédante.
J’suis assez bien placé pour savoir que les journalistes se doivent de remplir leurs journaux de vide, surtout les trucs régionaux, qu’ils peuvent parler d’affaires, comme en éluder d’autres tout à fait similaires. Qu’ils peuvent faire des tournures de phrases de merde, oublier d’être précis dans les faits, jouer sur les sentiments, en désignant de facto un coupable, sans chercher un seul instant à comprendre ce qu’il s’est passé.
Les gens intelligents auront le courage de lire tous les articles, car , heureusement, un journaliste a eu l’intelligence de parler des faits en entier (ou presque). Avant, pour une affaire comme la mienne, il aurait fallu parcourir les archives des journaux. Demander un extrait de casier judiciaire. Ça aurait été un travail volontaire, dans un but bien précis, celui de découvrir mon passé.
Si tu ne comprends pas, que même dans 40 ans, alors que cette affaire a déjà 8 ans, en un clin d’œil, en un clin de Google Glass on trouve ça sur ma gueule, qu’un recruteur de merde peut me foutre sur une pile plutôt qu’une autre, ouais ça me dérange, que ça te fait encore mettre des smiley “keskidit”…
Je le répète, je n’ai pas la solution. Et c’est probablement pas toi avec tes question digne de Captain Obvious qui va nous l’apporter.
Le 12/05/2014 à 23h40
Et pour me compléter: c’est littéralement impossible d’effacer toute trace à moins de balancer un EMP sur la planète entière. Mais la facilité d’accès reste un véritable problème. Et vu tes réponses, t’as vraiment pas l’air de le saisir.
Car c’est probablement un raccourci, mais j’ai beau te relire, tu donnes vraiment la sensation qu’il vaudrait mieux ne rien faire, vu que de tt façon, strobienlinternetlibre.
Le 12/05/2014 à 23h57
Et pour me rerecompléter: même si personnellement, dans mon histoire, même si je m’estime à 100% coupable, il y a des faits éludés par des connards de journaleux qui peuvent “expliquer”, “effacer”, “adoucir” (je n’arrive pas à trouver un foutu terme connu…) le truc, pour d’autres gens condamnés, il n’y en a pas du tout. Et là c’est encore pire pour eux.
Mais est-ce pour autant quelque chose de normal de pouvoir accéder à ces informations aussi facilement ? Qu’on doive s’expliquer tous les 3 mois sur ça ? Que comme je disais, et pour moi c’est très important, ça n’influence pas de futurs recruteurs ?
Certains métiers exigent un extrait de casier judiciaire. Pas tous. Maintenant c’est la fête du slip, plus besoin de demander, tout est là. En clair, il faut maintenant se fier à l’intelligence d’autrui, capable de faire la part des choses, se dire “il a peut être changé”.
Mais je sais bien comment sont les humains.
Le 13/05/2014 à 06h53
Le 13/05/2014 à 07h18
Le 13/05/2014 à 07h41
Le 13/05/2014 à 07h43
Et Mosley n’a rien réussi du tout, il y a encore des images dans la première page… Et bon, la 1ère page de liens web “son combat pour le droit à l’oublie”, ah ben ouais on va oublier là :p
Le 13/05/2014 à 07h54
Le 13/05/2014 à 08h51
Le droit à l’oubli est tjs demandé par des crapules (” dettes de sécurité sociale”)
On voit bien le but, qui est de permettre aux escrocs de se cacher et de continuer à nuire à la société et aux autres.
En fait c’est pas le droit à l’oubli qu’il cherche mais le droit d’escroquer à nouveau.
PS : Et je je ne parle meme pas du fait que le journal parle de M’ Gonzales … pas plus … il y a combien de centaines de millier de Gonzales en Espagne ?
Le 13/05/2014 à 08h54
Le 13/05/2014 à 13h22
Et oui ce truc comme tu l’appelles qui offre une assistance A TOUT LE MONDE meme ceux qui n’ont pas les moyens.
Le contraire d’un systeme privée qui n’assure que les gens bien portant… Quand tu seras malade, soit il te foutrons dehors sans te donner un sous soit il te demanderons des cotisations tellement elevés que tu seras obligés de resilier par toi meme le contrat.
Y en a qui reve en croyant qu’un système d’assurance privée serait plus intéressant qu’un système public.
Va faire un tour au états unis dans les quartiers pauvres et regarde comme ils se soignent.
Quoique, tu t’en fous surement des autres.
Le 13/05/2014 à 15h10
Le 13/05/2014 à 17h21
Ah les internets. Tu parles du droit à l’oubli, ça finit sur l’utilité de la sécurité sociale. Sans parler de la mauvaise foi. J’savais même pas que j’avais un compte ici depuis 2006 (ahah ce mail en wanadoo), retournons à notre habituel “j’me contente de lire les articles”.