La diffusion du signal horaire face à la sobriété énergétique
Le temps c’est de l’argent et de l’énergie, donc de l’argent²
Depuis plus de cinq ans, l’Agence nationale des fréquences (ANFR) est chargée de la diffusion du temps légal via les ondes hertziennes terrestres. Elle a déjà fait évoluer ce service en passant la puissance d’émission de 1 110 à 800 kW et envisage maintenant de passer à 675 kW. Le but : réduire la consommation énergétique tout en maintenant le service accessible aux 200 000 appareils qui l'utilisent.
Le 28 octobre 2024 à 14h09
7 min
Société numérique
Société
La gestion du temps en France est assez complexe pour les néophytes : « le temps légal (ou heure légale) sur le territoire de la République française est fixé par référence au temps universel coordonné (UTC) établi par le Bureau international des poids et mesures (BIPM) dans le cadre de la conférence générale des poids et mesures ».
UTC, UT1 et secondes intercalaires : session de rattrapage
Le temps universel coordonné (UTC), qui est l’échelle de temps légal internationale, est « couplé au Temps universel UT1 grâce à l’introduction de secondes intercalaires (ou sauts de secondes) ». Le dernier ajout d’une seconde intercalaire remonte au 1ᵉʳ janvier 2017. La 59ᵉ minute de la journée a ainsi duré 61 secondes au lieu de 60 secondes. Une seconde intercalaire ne peut être ajoutée qu'à deux moments de l’année : le 30 juin et le 31 décembre (heure UTC), mais aucune n’est prévue pour cette fin d’année.
Enfin, UT1 correspond au « Temps de la rotation de la Terre déterminé par l’IERS [Service international de la rotation terrestre et des systèmes de référence, ndlr] à partir principalement de l’observation des quasars extra galactiques par la technique VLBI (Interférométrie à très longue base) ».
Synchroniser radars, ordinateurs, feux tricolores, aéronefs…
Bref, une fois que l’heure légale est établie, elle est mise à disposition « sous la forme d’une information exploitable par des dispositifs électroniques (radars, ordinateurs, feux tricolores, aéronefs, etc.) », explique l’Agence nationale des fréquences.
Ce signal est utile, car il permet aux équipements « d’être synchronisés de façon extrêmement précise avec d’autres équipements électroniques et donc de ne pas dériver dans le temps. Disposer d’un signal horaire permettant une synchronisation de tous les équipements concernés est donc essentiel pour la vie de la Nation, notamment dans des domaines touchant à la sécurité », affirme l’Agence.
La mise à disposition du temps légal peut se faire de plusieurs manières : par les satellites de type GNSS (GPS américain, Galileo européen, etc.), par Internet via le protocole NTP (Network Time Protocole), peut-être par des stations de base 5G à l’avenir et enfin par voie hertzienne terrestre (émetteur radio).
De France Inter à l’ANFR
Dans ce dernier cas, c’est l’ANFR qui en a hérité la gestion. Cette mission lui est confiée depuis le 1ᵉʳ janvier 2019 par la loi dite « ELAN » (article 233 de la loi n° 2018 - 1021 du 23 novembre 2018) », explique-t-elle. Sur les ondes, elle doit donc veiller à la bonne diffusion du « signal horaire de référence élaboré à partir d’horloges atomiques, avec une précision inférieure à la milliseconde ». C’est la société TDF qui s’en charge depuis son site d’Allouis dans le Cher.
Pour rappel, jusqu’au 31 décembre 2016, la diffusion du temps légal sur les ondes hertziennes était encapsulée dans les émissions de France Inter sur la fréquence 162 kHz (grandes ondes). Mais la radio a cessé d’utiliser cette fréquence (elle continue d’exister sur d’autres bandes) et c’est alors l’ANFR qui a pris le relai.
Baisser la puissance pour réduire la consommation
À l’époque, le temps légal sur les ondes hertziennes était utilisé pour synchroniser plus de 200 000 horloges. L’Agence citait quelques exemples : SNCF, Enedis (anciennement ERDF), Aéroports de Paris et des collectivités locales. Parmi les appareils, on retrouve des horloges dans les lieux publics, des panneaux d’information, des systèmes de commandes de l’éclairage, des horodateurs, etc.
Dans ses missions, l’Agence doit aussi « assurer l’optimisation du système technique, l’information des utilisateurs et l'évaluation du dispositif […] Si la décision en était prise, l’ANFR serait également chargée de la mise en œuvre de l’extinction de cette diffusion ».
Depuis quelques jours, l'ANFR procède à des tests « visant à évaluer la résilience des récepteurs utilisant le signal horaire d’Allouis », en référence à la commune où se trouve l’émetteur. « Depuis ce 22 octobre jusqu’au 3 décembre à 8 heures, la puissance d'émission sera volontairement réduite de 800 kW à 675 kW. Cette diminution temporaire permettra d'observer l'impact sur : la qualité de réception [et] la couverture du service proposé ».
Il s’agit pour l’ANFR d’« optimiser les paramètres de fonctionnement de l'émetteur dans une démarche volontaire de sobriété énergétique et anticiper les défis liés à l'évolution des technologies ». Bref, réduire la consommation autant que possible, sans perdre d’équipement en cours de route.
Une baisse de la puissance en deux phases
Le test se déroule en plusieurs phases, comme le rapporte Maire-info. Depuis mardi 22 octobre, la diffusion du signal est passée à 675 kW, puis elle repassera à 800 kW mardi 29 octobre 2024. Le but est de « se prémunir d’éventuels équipements en défaut de synchronisation ». Seconde étape à partir du mardi 5 novembre 2024 et jusqu’au 3 décembre, avec le retour à une diffusion de 675 kW.
Toutes les personnes, administrations et entités utilisant le temps légal diffusé sur les ondes devraient donc s’assurer du bon fonctionnement de leurs systèmes. « En cas de dysfonctionnement majeur, il pourra être mis un terme à l’expérimentation avec un retour à la puissance nominale (800 kW) de l’émetteur dans un délai maximal de 2 heures », explique l’ANFR à Maire-Info. Dans tous les cas, une adresse email dédiée a été mise en place pour effectuer des retours.
La puissance est déjà passée de 1 110 à 800 kW en 2020
En 2023, l’ANFR avait déjà mené des expérimentations avec une baisse de la puissance de 800 à 300 kW et « ainsi observer si la consommation énergétique du site d’Allouis pourrait être significativement diminuée ». L’Agence ne semble pas avoir publié de compte rendu de son expérimentation.
La puissance du signal a déjà été baissée par le passé. Début 2020, l’ANFR menait un test en passant de 1 110 kW à 800 kW pendant quatre semaines, avec un « dispositif renforcé de supervision de l’opération ». L’Agence n’avait alors « recueilli aucun signalement de dysfonctionnement de la part des utilisateurs du signal ». Le 4 février 2020, la décision était donc prise de changer la configuration de référence sur la station d’Allouis : « pylône nord avec une puissance de 800 kW ». Elle envisage donc de passer à 675 kW.
En 2020, lors de la précédente baisse, l’ANFR l’avait fait juste avant une échéance importante : le passage à l’heure d’été fin mars. Cette année, l’expérimentation s’est déroulée pendant le passage à l’heure d’hiver, une manière de bien vérifier que tous les systèmes fonctionnent correctement.
Il faudra certainement attendre la fin de l’expérimentation pour voir si le passage à 675 kW sera entériné.
La diffusion du signal horaire face à la sobriété énergétique
-
UTC, UT1 et secondes intercalaires : session de rattrapage
-
Synchroniser radars, ordinateurs, feux tricolores, aéronefs…
-
De France Inter à l’ANFR
-
Baisser la puissance pour réduire la consommation
-
Une baisse de la puissance en deux phases
-
La puissance est déjà passée de 1 110 à 800 kW en 2020
Commentaires (21)
Abonnez-vous pour prendre part au débat
Déjà abonné ? Se connecter
Cet article est en accès libre, mais il est le fruit du travail d'une rédaction qui ne travaille que pour ses lecteurs, sur un média sans pub et sans tracker. Soutenez le journalisme tech de qualité en vous abonnant.
Accédez en illimité aux articles
Profitez d’un média expert et unique
Intégrez la communauté et prenez part aux débats
Partagez des articles premium à vos contacts
Abonnez-vousLe 28/10/2024 à 15h14
Et une petite pensée à tous les sys admin qui ont eu des équipements desynchro 😁
Le signal hertzien ne met jamais
Le 28/10/2024 à 15h20
Le 28/10/2024 à 15h38
Le 28/10/2024 à 16h05
J'ai le souvenir d'une université au Pays-Bas qui avait un site internet qui permettait d'écouter sur leur récepteur radio. Et en te positionnant sur 162 kHz, tu pouvais donc entendre France Inter, depuis le récepteur radio d'une université au Pays Bas
Le 28/10/2024 à 20h41
Le 29/10/2024 à 09h27
A noter qu'une radio subsiste pour la réception des bulletins météos en ondes moyennes : Bretagne 5 sur 1593 KHz. Cependant la portée est beaucoup plus réduite à cause de la fréquence plus élevée et de la puissance moindre de l'émetteur ("que" 10kW). Mais de nuit on peut recevoir d'assez loin quand même.
Modifié le 28/10/2024 à 23h13
Sa position quasi pile poil au centre de la Francie n'était pas un hasard pour la couverture car la propagation de ces basses fréquences se fait en onde directe, mais Allouis, hors le grand pylone plus haut que la tour cifelle a pas mal d'autres antennes HF sur le site.
Le 29/10/2024 à 17h47
Le 28/10/2024 à 15h48
Le 28/10/2024 à 23h16
Modifié le 29/10/2024 à 04h32
Le 28/10/2024 à 16h31
Le 28/10/2024 à 23h18
Le 29/10/2024 à 08h28
Le 29/10/2024 à 11h26
Le 31/10/2024 à 14h55
Modifié le 29/10/2024 à 16h17
Tu - ne - nous - cervideras - PAS !!! Allons encorner de ce bois cette bande de racistes !!!
Le 01/11/2024 à 18h56
Le 01/11/2024 à 19h03
Cela nécessiterait de les mettre à jour ce qui risque d'être complexe pour un bon nombre d'entre eux. En plus, les signaux de type GPS sont mal transmis à l'intérieur, ce qui doit être le cas d'une partie de ce équipements.
Donc, oui, un jour, ça disparaîtra, mais vraiment pas rapidement.
Modifié le 02/11/2024 à 14h26
Il y a plusieurs décennies d'anciennetés, des milliers d'équipements en dépendent et ne sont pas facilement remplaçables.
Surtout la synchro du temps c'est une fonction critique, on imagine rarement bien à quel point c'est essentiel (un peu plus maintenant à cause de https partout, mais même lui est relativement souple)
Ca se fera un jour, mais il faut que ce soit progressif sur plusieurs décennies, comme réduire régulièrement la puissance de l'emetteur.
Regarde le cas des disquettes dans l'industrie et les services publics de certains pays, celui du Fax aussi
Le 04/11/2024 à 19h08
1) l'émetteur de France Inter 162 kHz ondes longes (GO ou LW) jaugeait les 2MW (idem pour RTL, EUR1 et RMC)
2) le signal horaire était transmis en légère modulation de phase en même temps que le signal audio qui était transmis en modulation d'amplitude. Aujourd'hui, le signal audio n'est plus qu'une porteuse muette avec le singal horaire transmis toujours de la même manière. Malheureusement, ne profitant pas de toute la dynamique possible, le signal reçu est quasiment noyé dans le bruit et oblige à maintenir une puissance redoutable pour être reçu convenablement dans des environnements de plus en plus parasités de surcroit
3) Le DCF allemand émet sur quasiment les mêmes fréquences à 77 kHz n'a pas le même problème. Conçu dès les années 1950 uniquement pour la diffusion de signaux horaires, il utilise 100% de la dynamique disponible de la porteuse. D'où une puissance nécessaire moindre de qqes dizaines de kW pour une portée supérieure.
4) On a raconté pas mal de bobards sur le nombre d'équipements utilisant les signaux de France Inter. Quand vous observer une armoire électrique d'éclairage urbain et que vous lisez sur l'antenne DCF, il y a peu de chance que ce soit l'émetteur d'Allouis la référence horaire.
5) Les ondes longues ne bénéficent pas de la portée par rebonds ionosphériques comme c'est le cas de petites ondes (PO ou MW)
6) L'émetteur de France Inter était piloté par une horloge atomique au lieu du traditionnel quartz. Par opportunité, il a été décidé d'abord expérimentalement puis officiellement de diffuser les signaux horaires. Le dispositif n'était accessible qu'au professionnels car la complexité du décodage nécessitait des technos peu économiques par rapport au DCF allemand. Sélectronic a jadis (il y a 30 ou 40 ans commercialisé, un kit de réception, mais coutant un bras par rapport à ceux proposés par Decock puis Conrad France)