Déploiement de la fibre, cyberattaques, taxe sur la bande passante : l’Avicca fait le point
Entre grogne et recyclage
Le 22 novembre 2022 à 17h02
10 min
Internet
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Aujourd'hui, l'Avicca donnait le coup d'envoi de son Trip d'autonomie, l'occasion de réunir les acteurs du secteur pour faire le point sur le déploiement de la fibre et le retrait du cuivre. Patrick Chaize, président de l'association, ouvrait les hostilités, avec quelques réponses du ministre délégué Jean-Noël Barrot. Nous étions sur place, voici l'essentiel de ce qu'il fallait retenir de son discours.
Dans la jungle, terrible jungle...
Le sénateur commence par revenir sur le déploiement de la fibre, dont les nombreux problèmes ne sont toujours pas réglés... loin s'en faut. Plusieurs participants nous ont en effet confirmé que la situation ne s'était pas franchement améliorée en un an. Pire, cela touche désormais la desserte, nous précise Ariel Turpin, le délégué général de l'Avicca (Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l’Audiovisuel).
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En guise d'introduction, Patrick Chaize parle d'une « drôle de petite musique du FTTH pour tous qui semble de plus en plus être dissonante ; il faut en tout cas porter un casque anti-bruit et des œillères pour ne pas l'admettre ». Le président de l'Avicca explique que c'est « encore et toujours le même refrain depuis six ans sur la cacophonie des raccordements en fibre optique », problèmes qui s'étendent désormais à la desserte. Il pointe du doigt « les pratiques déplorables d'installateurs sur le terrain [...] mal rémunérés », avec par exemple un sous-traitant en bout de course payé 53 euros pour un raccordement facturé 500 euros...
La proposition de loi examinée au Sénat début 2023...
Patrick Chaize rappelle qu'il a déposé un projet de loi en juillet, avec des mesures coercitives pour les opérateurs. Il est désormais « soutenu par plus d'un tiers des sénatrices et sénateurs ». La proposition devrait être « prochainement discutée en séance publique ». Le sénateur espère ensuite que le gouvernement défendra cette proposition afin qu'elle soit rapidement validée.
Nous demandons à Patrick Chaize des précisions sur le calendrier. Il nous indique que sa proposition est inscrite pour la « niche de début d'année » au Sénat et s'attend donc à un passage pour janvier ou février au plus tard. Le sénateur l'affirme avec conviction : « elle va être votée, avec des adaptations. C'est normal, c'est le débat parlementaire ». 140 sénateurs ont déjà cosigné le texte nous affirme-t-il, un « certain nombre » lui ont donné leur accord et il revendique le soutien de « tous les groupes politiques ». Il faut ensuite que la proposition soit inscrite à l'Assemblée nationale, ce qui nécessitera un engagement du ministre délégué.
... vers une adoption fin 2023 (au mieux) ?
Le délai est ensuite variable ; Patrick Chaize nous fait un parallèle avec sa loi REEN (Réduction de l'Empreinte Environnementale du Numérique en France). Elle est passée en première lecture au Sénat en janvier 2021 puis adoptée définitivement en novembre de la même année, mais sans deuxième lecture au Sénat qui a repris tel quel le texte de l'Assemblée nationale. On comprend en creux que, si tout se passe bien, on peut la voir promulguée en fin d'année prochaine.
Si le délai peut paraitre long, le président de l'Avicca nous rappelle que, comme avec la loi REEN, les opérateurs n'attendront pas forcément la promulgation de la loi pour commencer à bouger. L'inscription à l'Assemblée nationale serait déjà un signal fort et les opérateurs pourraient anticiper son adoption... et surtout les coups de bâtons qui iront avec.
Décommissionnement du réseau cuivre
La fermeture du réseau cuivre ne fait désormais plus aucun doute, et c'est même une « bonne chose » pour l'Avicca. Les dirigeants de l'Avicca l'affirment d'ailleurs haut et fort : ils « adhèrent pleinement à la volonté d'Orange de fermer le cuivre », mais demandent une forte implication des collectivités dans ce processus.
L'Avicca rappelle au passage que plusieurs questions restent en suspens : « pouvons-nous continuer d'avancer ainsi sans réaliser pleinement ce que ce changement implique ? Où est le service universel de la fibre optique [attendu pour 2025 selon Cédric O, ndlr] ? Pourquoi le génie civil nécessaire au raccordement à la fibre optique des locaux neufs n'est toujours pas aidé en zone d'initiative publique, alors qu'historiquement, on a toujours accompagné d'une aide pour leur raccordement en cuivre ? [...] Comment sécuriser la complétude des déploiements ? Que deviendra le génie civil existant une fois le cuivre déposé ? Le FTTH va-t-il être réellement considéré comme un service essentiel ? ».
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Partage équitable des réseaux avec une « taxe GAFAM »
Patrick Chaize termine son discours par deux points importants. Tout d'abord sur la notion de partage équitable, c'est-à-dire une taxe pour faire payer les gros consommateurs de bande passante (plateforme de streaming en tête). Il veut mettre les points sur les i pour ne « pas laisser croire que l'Avicca y serait opposée ».
Il l'affirme haut et fort : « L'Avicca s'est toujours exprimée en faveur d'une taxe sur la bande passante qui assujettirait le trafic des plus grandes plateformes. Pas pour le principe d'une taxe pour une taxe, mais parce que cela s'inscrirait aussi plus largement dans la question de la fiscalité des plateformes de l'Internet ».
Il détaille son raisonnement en affirmant son attachement à la neutralité du Net : « Internet, aujourd'hui, ce sont des milliards de sites et d'internautes et il est fondamental que tous puissent accéder à toute l'information et tous les usages transitant par les réseaux, sans discrimination d'accès aux contenus. C'est le principe de la neutralité du Net. Il est consacré en droit en Europe ».
Conséquence directe, un opérateur ne peut pas bloquer, ralentir ou au contraire avantager le trafic d'un service par rapport à un autre. « C'est une excellente chose, mais il y a un trou dans la raquette : dès lors qu'un opérateur ne peut pas discriminer le flux, il n'a plus aucun levier de négociation avec les grandes plateformes ». Le problème pour le sénateur étant que dans la galaxie Internet, « cinq acteurs représentent jusqu'à 80 % de tout le trafic », et que leur croissance annuelle est « à deux chiffres ». Autre problème, ce sont « les collectivités territoriales et l'État qui investissent pour absorber le trafic de cette poignée d'acteurs ». Certains répondront que c'est justement le rôle des opérateurs de financer et développer leurs réseaux.
Il explique que la Commission européenne et les États membres « travaillent maintenant sur l'option bien avancée d'une taxe sur les recettes générées dans le pays [...] mais cela ne traite pas la question de la juste contribution aux investissements dans les réseaux très haut débit ».
L'Avicca demande un mécanisme contraignant et une gestion collective
« À défaut d'une taxe GAFAM, l'Avicca ne peut donc que soutenir sans réserve l'instauration d'un mécanisme qui contraigne les plus grandes plateformes à s'asseoir à la table des négociations sur leur contribution aux investissements nécessaires pour absorber leurs trafics ».
Afin que tout le monde puisse en profiter « ces lignes directrices doivent assurer une parfaite symétrie entre tous les opérateurs publics et privés. Il est clair qu'un RIP n'a pas la puissance à lui seul d'un Orange ». L'idée d'une gestion collective est donc mise sur la table, à l'instar ce qui se passe avec les droits voisins de la presse.
Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, est passé sur scène juste après Patrick Chaize. Sur la question de la « contribution équitable des éditeurs vidéo au maintien des investissements dans les infrastructures », il s'est contenté de rappeler que « la France soutient l'initiative prise par la commission européenne de lancer dès 2023 une consultation sur ce sujet ». Bref, circulez, il n'y a rien à voir.
La cybersécurité des collectivités
Enfin, le dernier point abordé concerne « l'enchaînement des cyberattaques contre nos collectivités et les équipements publics ». Patrick Chaize en profite pour citer l'excellent film Les Barbouzes de Michel Audiard, où Lino Ventura expliquait que les coïncidences n'en sont généralement pas : « Un barbu, c'est un barbu, trois barbus, c'est des barbouzes ».
Pour simplifier, « il y a trop de similitudes, trop d'attaques, en France comme à l'étranger, de collectivités et d'équipements publics dont on sait bien qu'aucun ne paiera jamais de rançon, pour ne pas y voir une offensive généralisée et durable contre notre souveraineté et le bon fonctionnement de nos institutions ».
Sur la cybersécurité, Jean-Noël Barrot met en avant les parcours de sécurisation qui porteraient « leurs fruits ». Le ministre délégué cite en exemple le cas de la mairie de Caen. Elle avait justement terminé ce parcours, ce qui aurait permis de « limiter les dégâts provoqués par l'attaque. Cinq minutes après le début, elle avait mis à l'abri un certain nombre de données pour éviter qu'elles ne soient cryptées (sic) ». Ce n'était pas le cas de l'hôpital Corbeil-Essonne qui n'avait terminé que la première étape du parcours : l'audit. Il restait les étapes de conseil et de formation des collaborateurs.
Jean-Noël Barrot recycle ses annonces
Jean-Noël Barrot dresse les dernières annonces déjà faites sur le sujet. En septembre, une « rallonge de 20 millions d'euros à ce dispositif pour couvrir 150 établissements supplémentaires » et, la semaine dernière, « 50 parcours supplémentaires à destination des collectivités », en plus des 950. Le ministre délégué le reconnait lui-même : « il reste ensuite les 34 000 petites communes/collectivités qui n'ont pas nécessairement besoin d'un parcours aussi avancé […] mais qui ont besoin qu'on leur apporte des réponses ».
Pour ces dernières, le gouvernement développe avec l'ANSSI « une plateforme de service sur étagère, c’est-à-dire à disposition des collectivités sur abonnement pour bénéficier d'un nom de domaine, d'un système de messagerie et à terme d'un système d'hébergement mutualisé et sécurisé ». Il s'agit de proposer une solution clé en main ou presque qui soit « immunisée contre les attaques un peu bêtes que subissent parfois [les collectivités] car elles sont restées sur des noms de domaine ou des adresses de messagerie qui sont datés » et pas suffisamment sécurisés.
Jean-Noël Barrot ajoute que ce service sera « un peu uniformisé, avec toujours un petit peu la même adresse de site Internet et une personnalisation du nom de domaine ». Reste à voir comment cela s'articulera avec MonServiceSécurisé de l'ANSSI, dont parlait il y a quelques semaines Guillaume Poupard, le patron de l'ANSSI.
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Commentaires (6)
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Abonnez-vousLe 23/11/2022 à 07h56
Je vais recoperi ici un msg que j’ai mi ailleurs :
Je ne comprends pas.
Internet est basé sur l’interconnexion de réseau publique ou/et privée, avec une politique de “pair” et de symétrie lors des échanges.
Il est clairement établie qu’en cas de désymétrie une charge peut être appliqué sur la partie en cause.
A partir de là, vouloir faire payer les “acteurs du numérique” est au moins pire une erreur d’interprétatation au pire un mensonge.
Prenons le cas d’une plateforme de streaming x : son réseau est lui-même directement relié à internet ou bien il est relié via son propre fournisseur d’accès à internet.
donc dans un cas comme dans l’autre, si désymétrie il y a, les accords actuelles permettent déjà de la facturer.
CQFD
Le 23/11/2022 à 11h21
C’est un problème “éternel” depuis le début des réseaux…
Et ils considèrent que SI ils “poussent” les contenus vers les spectateurs, c’est pas de la TV, c’est que le spectateur a demandé ce contenu, et que donc il paie le FAI pour ça (sinon, pourquoi paierait-il ?)
Et enfin il y a les acteurs au “centre”, ceux qui opèrent les réseaux intermédiaires, les datacenters, les transitaires,…
On a bcp entendu parler de Cogent à une époque.
Eux se font de la maille de tous les cotés , mais ils ont aussi des couts d’infra non négligeables vu les volumes de donnés en question. Ca comprends aussi par ex les opérateurs des cables sous-marins, mais aussi RFF (fibres sous les voies), les autoroutiers (20M€ / an pour louer une paire de fibre sur 100km par exemple sous une autoroute dans laquelle on peux faire transiter un gros tas de signaux, et aussi les sous-louer, en lambda par exemple).
Bref chacun tire la couverture a soit pour gagner plus au détriment de l’autre.
Rien de neuf. La conversation est remise sur le tapis presque chaque année depuis la démocratisation d’internet, surtout par les opérateurs historiques nostalgique des marges de 1000% dans la téléphonie….
Le 23/11/2022 à 12h37
Le truc basique qui me rend digue, c’est l’opérateur qui tire A CHAQUE FOIS nouvelle ligne entre le NRA et mon domicile au lieu d’utiliser le lien existant.
Je bascule tous les ans au gré des offres (merci le BF !) et rebelote à chaque fois… Quel gâchis !
On marche sur la tête…
Le 23/11/2022 à 14h26
Pour complément d’info :
Voici où Netflix s’interconnect à internet :
https://openconnect.netflix.com/en/peering/#internet-exchange-participation
Pour la France c’est par Equinix.
Donc par défaut si pb de peering désymétrique ce sserait à voir avec Equinix
Si on parle de fible c’est plutôt entre la prise chez vous et le Pb (point de branchment) donc juste quelques dizaines de mêtres (150m au plus)
Le 28/11/2022 à 09h25
Il n’est pas rare que des serveurs de cache soient directement positionnés dans le réseau interne des FAI. Comme ça on atténue grandement là dysimétrie … Si les FAI sont pas trop con ils font payer au prix fort cette installation et ils auront tout le pognons qu’ils veulent
Le 29/11/2022 à 16h25
Multiplié par le nombre de demandes, y’a quand même un paquet de pognon à récupérer !
Ça a au moins le mérite de faire bosser des gens, mais ça, les FAI, ils s’en foutent… Je ne comprends pas leur logique.