[MàJ] Euclid évacue la glace de ses miroirs et retrouve une vision nette
Ça caille là haut !
Le télescope spatial Euclid, chargé d'étudier l'énergie et la matière noires, a un « petit » problème : de la glace se forme sur ses miroirs. L'ESA essaye de s'en débarrasser sans affecter les mesures optiques, alors que la mission scientifique a déjà commencé.
Le 21 mars à 08h00
7 min
Sciences et espace
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Mise à jour jeudi 21 mars 8h00 : Après avoir chauffé deux miroirs de l'instrument VIS, l'ESA a annoncé le succès de l'opération : « Euclid retrouve une vision nette. L'analyse initiale des données d'Euclid valide l'approche de dégivrage mise au point par l'équipe. Une analyse plus approfondie des résultats est en cours et une mise à jour suivra dans les prochains jours ».
Article initialement publié le 20 mars à 9h09 :
Le télescope spatial Euclid fait face à un problème de formation de glace sur certains de ses miroirs. De quelques dizaines de nanomètres d'épaisseur, certes, mais le problème est assez sérieux pour que l'équipe fasse tout pour s'en débarrasser.
Pourtant, Euclid a été lancé avec succès en juillet dernier et son voyage vers le point de Lagrange L2 de quelques semaines s'est bien passé. Un mois après, il envoyait ses premières images de test suite à l'allumage de ses deux instruments scientifiques embarqués : un imageur en lumière visible (appelé VIS) et un spectro-imageur infrarouge (Near infrared spectrometer and photometer, NISP).
« Jamais auparavant un télescope n’avait été capable de créer des images astronomiques d'une telle netteté sur une si grande portion du ciel, et en regardant aussi loin dans l’Univers lointain », expliquait alors l'Agence spatiale Européenne.
Mais, au-delà de ces premières images, Euclid a pour mission de photographier pendant au moins six ans l'espace pour étudier matière et énergie noires et envoyer plusieurs millions d'images aux astrophysiciens qui devront ensuite les étudier.
Comme nous l'expliquions la veille du lancement du télescope spatial, Euclid est une mission scientifique unique et incertaine.
La formation de glace, un risque prévu
Le risque le plus important prévu était, déjà avant le lancement, la formation de glace sur les instruments scientifiques du satellite lors de son refroidissement dans l'espace, et notamment sur les surfaces optiques.
Marc Sauvage, astrophysicien au CEA et représentant français au Board du consortium Euclid, nous expliquait que « l'isolant (multilayers insulation, ce tissu brillant multicouche qui nous sert d'isolant) est capable d'absorber de l'eau et ce n'est pas possible d'empêcher cet effet. Cette eau va dégazer dans l'espace et peut se condenser sous forme de glace sur les surfaces froides ».
L'équipe d'Euclid a prévu une solution pour se débarrasser de la glace : « nous avons des systèmes pour chauffer les miroirs pour qu'elle dégaze et n'aille pas se coller sur ces surfaces. Mais, vu la complexité de cette machine en termes de géométrie, ce n'est pas possible de modéliser la quantité de dépôt. Nous allons donc voir ce qu'il en est et réagir en conséquence », ajoutait d'ailleurs Marc Sauvage.
C'est un problème bien connu dans les vols spatiaux. Dans un article publié dans la revue scientifique Astronomy & Astrophysics juste avant le décollage, l'équipe d'Euclid a passé en revue le phénomène sur une douzaine d'engins spatiaux et instruments différents. « Trop de glace signifie que les exigences d'étalonnage d'Euclid ne peuvent plus être respectées. Euclid doit alors être décontaminé thermiquement, une opération risquée qui dure un mois », expliquaient-ils.
Une détection à quelques dizaines de nanomètres d'épaisseur
Mais pour savoir si une « décontamination » est nécessaire, il faut vérifier que la quantité de glace formée est problématique. Pour le faire, « nous avons comparé la lumière des étoiles captée par l'instrument VIS avec la luminosité enregistrée des mêmes étoiles à des époques antérieures, observées à la fois par Euclid et par la mission Gaia de l'ESA », explique Mischa Schirmer, scientifique chargé de l'étalonnage pour le consortium Euclid.
« Certaines étoiles de l'Univers ont une luminosité variable, mais la majorité d'entre elles sont stables pendant plusieurs millions d'années. C'est pourquoi, lorsque nos instruments ont détecté une faible diminution progressive des photons qui nous parvenaient, nous avons su qu'il ne s'agissait pas d'elles, mais de nous » ajoute-t-elle.
Après plusieurs vérifications scientifiques, l'équipe d'Euclid pense que plusieurs couches de molécules d'eau ont gelé sur les miroirs de VIS. Selon l'ESA, leur épaisseur est probablement de quelques dizaines de nanomètres d'épaisseur, « l'équivalent de la largeur d'un brin d'ADN ».
Si cette détection si fine montre la précision des instruments embarqués par Euclid, elle pousse aussi l'équipe à vouloir réduire la couche de glace si ce n'est à l'éliminer le plus tôt possible.
« Décontamination thermique d'Euclid »
Dans leur article scientifique, l'équipe d'Euclid propose une procédure de « décontamination thermique d'Euclid » si de la glace est détectée sur ses miroirs : réchauffer tout le télescope. Mais celle-ci prend environ 18 jours, sans compter le ré-étalonnage des outils. Cette option, pourtant qualifiée de la « plus simple » par l'ESA a pour l'instant été écartée. En effet, en plus d'être très longue, le ré-étalonnage qu'elle implique est très délicat.
« Pour atteindre les objectifs scientifiques d'Euclid, à savoir établir une carte en 3D de l'univers en observant des milliards de galaxies jusqu'à 10 milliards d'années-lumière, sur plus d'un tiers du ciel, nous devons maintenir la mission incroyablement stable, y compris en ce qui concerne sa température. L'allumage des radiateurs dans le module de charge utile doit donc se faire avec une extrême prudence », explique Andreas Rudolph, directeur du vol Euclid au centre de contrôle de la mission de l'ESA.
Pour éviter le réchauffage central et limiter les changements thermiques sur tous les composants d'Euclid, l'équipe va commencer par chauffer certaines parties optiques les moins risquées et situées à des endroits où l'eau pourra être libérée sans risque qu'elle ne revienne sur d'autres parties du télescope.
Ils vont commencer par deux miroirs qui peuvent être chauffés indépendamment et feront de même pour d'autres petit à petit si la perte de luminosité persiste.
L'enjeu est important, car plus VIS pourra observer de galaxies, meilleurs seront les résultats d'Euclid. Mais si une partie des images est obstruée par la glace, c'est autant de galaxies inobservables.
Mischa Schirmer reste pourtant optimiste : « une fois que nous aurons isolé la zone affectée, nous espérons pouvoir réchauffer simplement cette partie isolée du vaisseau à l'avenir, en fonction des besoins. Ce que nous faisons est très complexe et très précis, de sorte que nous pourrons gagner un temps précieux à l'avenir. Je suis très impatient de découvrir où cette glace d'eau s'accumule et dans quelle mesure notre plan fonctionnera ».
[MàJ] Euclid évacue la glace de ses miroirs et retrouve une vision nette
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La formation de glace, un risque prévu
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Une détection à quelques dizaines de nanomètres d’épaisseur
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« Décontamination thermique d’Euclid »
Commentaires (8)
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Abonnez-vousLe 20/03/2024 à 11h21
18 jours pour réchauffer un téléscope ! C'est forcément fait exprès, surtout que j'imagine que l'idée edt de réchauffer que de quelques degrés. C'est un concentré impressionnant d'intelligence ! 😊
Modifié le 20/03/2024 à 12h44
J'éditerai si je retrouve la source.
Edit : J'ai retrouvé la source : Operations begin to de-ice Euclid’s vision.
Le 20/03/2024 à 12h03
Le 20/03/2024 à 13h19
Le 20/03/2024 à 13h40
Le 20/03/2024 à 18h54
Modifié le 20/03/2024 à 18h52
Update 20 March: First results confirm successful operations
Euclid’s sharp vision is restored. The initial analysis of Euclid’s data validates the de-icing approach devised by the team. A more in-depth analysis of the results is ongoing and an update will follow in the coming days.
Le 21/03/2024 à 08h54