Un smartphone avec un écran cassé

Indice pas durable

La France contrainte par l’Europe de renoncer à son indice de durabilité pour les smartphones

Un smartphone avec un écran cassé

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La France travaillait depuis un moment sur un indice de durabilité, en complément de celui sur la réparabilité. Mais elle doit renoncer à son projet : l’Europe prépare son propre indice. Le projet du ministère de l’Écologie faisait donc doublon. Plusieurs acteurs dénoncent toutefois le manque d’envergure de l’indice européen.

Le ministère de l’Écologie était à l’œuvre depuis quatre ans. L’indice de durabilité était l’une des mesures fortes prévues par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), promulguée le 10 février 2020 (article L. 541-9-2 du code de l’environnement). Il faisait l’objet de nombreux travaux, notamment avec l’ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l’énergie) et diverses associations, dont HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée).

Ce qui devait constituer l’indice de durabilité

Il s’agissait alors d’une première mondiale, avec des objectifs allant beaucoup plus loin que l’indice de réparabilité (qui, lui, n’est pas menacé), dont il est une évolution. Il devait initialement concerner quatre gammes de produits, parmi lesquels les smartphones, les tablettes, les téléviseurs ou encore les lave-linges.

Dans l’idée, les constructeurs auraient été obligés de publier une note sur 10 reflétant l’aspect durable de leur produit. La capacité à réparer ce dernier aurait compté pour 45 points sur 100 (la note finale étant divisée par 10), pour représenter le poids important du critère.

Il y en avait cependant d’autres, comme la possibilité de mettre à jour l’appareil, des informations relatives à l’usure ou à la protection (eau, corrosion…), des données claires sur l’entretien pour garantir un fonctionnement optimal, l'affichage de la période de garantie commerciale de durabilité (à ne pas confondre avec la garantie légale de conformité), la mise en place obligatoire d’un suivi des taux de panne, des informations sur les éventuelles améliorations matérielles (quand elles sont pertinentes), etc.

Autant de critères que les constructeurs auraient dû gérer eux-mêmes, sous contrôle toutefois de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). La question d’acteurs indépendants et accrédités était également sur la table, pour des contrôles plus proactifs.

On le voit, l’indice de durabilité aurait dû guider le client vers des choix plus éclairés. Plus la note aurait été élevée, plus le produit avait des chances de fonctionner correctement et longtemps. Un achat durable donc. Après tout, l’indice de réparabilité ne représente qu’une partie du problème : si un produit est facilement réparable, mais tombe régulièrement en panne, sa durabilité n’est pas bonne.

Un énorme coup de frein…

L’indice de durabilité était prévu pour être officialisé cette année. Dès cette promulgation au Journal officiel, chaque catégorie de produits aurait eu une période de préparation, neuf mois par exemple pour les téléviseurs. Les constructeurs avaient été invités à participer activement à l’élaboration du barème pour s’y préparer.

Seulement voilà, le projet avait été vidé en grande partie de sa substance en décembre. À la suite des recommandations de la Commission européenne, les smartphones et tablettes étaient sortis du cadre d’application. Largement pointés du doigt pour la consommation frénétique de matériaux et d’énergie que leur construction réclame, et soumis aux effets de mode, ils étaient pourtant les cibles toutes désignées.

… avant le KO technique

La question ne se pose plus désormais : il n’y aura pas d’indice de durabilité pour ces deux catégories de produits. C’est la suite directe d’un avis circonstancié défavorable envoyé par la Commission européenne en octobre dernier. Or, un tel avis n’est pas une simple observation : c’est la dernière étape avant le contentieux.

Ce que reprochait la Commission ? Trois gros problèmes étaient signalés. D’une part, l’Europe travaille sur son propre indice de durabilité. Le projet français était donc redondant, quand bien même il aurait été prêt cette année, alors que le texte européen ne devrait être validé qu’en 2025. D’autre part, le texte français empiétait sur un cadre réglementaire déjà actif depuis septembre 2023 : l’étiquette énergétique. Celle-ci présente des informations qui auraient été, elles aussi, intégrées dans l’indice de durabilité, dont l’efficacité énergétique, la résistance à l’eau ou à la poussière, ou encore la réparabilité.

Enfin, l’avis – signé par Thierry Breton – pointait des divergences importantes dans la méthodologie. Le résultat aurait été un étiquetage présentant plusieurs notes, dont l’écart aurait été complexe à interpréter. « Une telle approche conduira à des indices divergents, en fonction du marché auquel le produit est destiné, qui peuvent non seulement être restrictifs pour les opérateurs économiques, mais aussi induire à la confusion en ce qui concerne les informations fournies aux consommateurs », soulignait alors Thierry Breton.

En bonus, la Commission se demandait « si de telles obligations auraient pour effet d’entraver l’accès de ces produits au marché français d’une manière potentiellement contraire à l’article 34 du TFUE ».

La France avait jusqu’en février pour répondre. Elle ne l’a pas fait.

Qu’est-ce qui reste ?

L’indice de durabilité existera, mais il ne concernera que les téléviseurs et lave-linges. Les smartphones et tablettes ne recevront que l’indice européen, qui arrivera plus tard.

Seulement voilà, cet indice européen est sous le feu des critiques, essentiellement parce qu’il est « beaucoup moins ambitieux » que l’indice français : 22 critères dans l’Hexagone contre 5 en Europe, dénonce l’association HOP. D’autant qu’un bonus sera accordé aux fabricants quand la garantie commerciale est supérieure au minimum légal.

Principale carence fustigée, l’absence d’un critère pour le prix des pièces détachées, présent dans la copie française. On pourrait avoir des produits accompagnés de bonnes notes alors que la réparation serait « dans les faits inaccessible financièrement ».

Autre problème pointé du doigt, l’intégration des nouvelles informations dans l’étiquette énergie existante, puisque l’indice européen en sera une évolution. Ce qui signifie que qu'elles seront ajoutées aux côtés des anciennes, sans note agrégée.

En France, sur les smartphones et tablettes, il y aura donc deux étiquettes : l’indice français de réparabilité et la nouvelle formule européenne de l’étiquette énergie, qui doit arriver en juin 2025. En revanche, sur les téléviseurs et lave-linges, l’indice français de durabilité remplacera celui de réparation, sans étiquette énergie.

La France « prend note »

Dans un courrier envoyé à la Commission européenne par le ministère de l’Économie et des finances ainsi que par celui de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, les autorités françaises disent avoir « pris note de l’avis circonstancié émis par la Commission européenne ».

Bien qu’elle ait agi en conséquence, la France n’en démord pas. Elle estime ainsi « qu’un indice de durabilité sur les smartphones, présenté sous la forme d’une note agrégée affichée en rayonnage guidant le consommateur vers l’achat des produits les plus susceptibles de durer dans le temps, constitue un outil différent et complémentaire du futur étiquetage énergétique des smartphones et tablettes ». Et ce, « tant au regard de la nature et de la lisibilité de l’information apportée, que du spectre élargi des critères contenus dans l’indice de durabilité ».

Les autorités françaises ont en outre tenu à souligner trois points. D’une part, que la construction de cet indice a été « guidée » par « le besoin de fournir des indications concrètes et visibles au consommateur pour lui permettre de conjuguer au quotidien préoccupations environnementales et économiques, la nécessité d'introduire de la transparence sur le marché en matière de durée de vie des produits et de lutte contre l’obsolescence ainsi que la volonté d'inciter les producteurs à éco-concevoir leurs produits ».

D’autre part, que le projet de mesure et de mise en œuvre ainsi que ses modalités techniques ont bénéficié d’une « co-construction […] avec les parties prenantes ». Enfin, « qu’elles ont veillé à ce que la charge administrative induite soit réduite pour les entreprises et la mise en œuvre du dispositif facilitée ». Des outils de calcul ont d’ailleurs été développés, avec des versions françaises et anglaises, de même qu’une base de données ouverte.

La question de l'élargissement reste ouverte

La France se dit bien sûr « disponible pour partager son expérience et alimenter les réflexions au niveau européen sur tous ces aspects ».

Notons que le travail réalisé n’est pas entièrement perdu. S’il ne concernera pas les smartphones, il n’est pas interdit que l’indice de réparabilité soit étendu à d’autres secteurs. Même constat pour l’indice européen.

Commentaires (4)


Déjà l’indice Français n’était pas bon, alors en plus le supprimer par un indice européen non disponible avant 2025 qui en plus est plus laxiste que l’indice Français ???
Arrêtez les rotatives et laissez Apple nous en apprendre plus sur son rapport avec Mère Nature…🥲
J’ai envie de vomir.
Modifié le 20/02/2024 à 16h30

Historique des modifications :

Posté le 19/02/2024 à 18h18


Déjà l’indice Français n’était pas bon, alors en plus le supprimer par un indice européen non disponible avant 2025 qui en plus est plus laxiste que l’indice Français ???
Arrêtez les rotatives et laisser Apple nous en apprendre plus sur son rapport avec Mère Nature…🥲
J’ai envie de vomir.

L'ADEME (ou autre) ne pourrait-elle pas créer un label reprenant les critères de l'indice, même sans l'obligation légale ?
Un peu comme les tissus Oeko 100, etc... Avec une marque forte, le label pourrait s'imposer dans le temps.
On a encore fait un truc entre nous dans notre coin et on s'aperçoit le jour de la mise en prod (ou presque) que ça pose un problème en Europe.

Elle doit être belle l'étude d'impact si elle n'avait pas prévu le coup.

Il y a combien de personnes calées en droit qui ont vu passer le dossier (les assos/lobbys, les ministères, le Parlement...), et aucune n'a pensé que ça pouvait tiquer ?
Surement encore un truc de beau penseur (…ÉNArque) !
On a déjà l'indice de réparabilité (avec des critères inconnus du public) qui donne l'impression que le fait de pouvoir ouvrir le capot ça donne au moins 7 sur 10 ! Comme les ordi à la pomme absolument non évolutif comme tout soudé !
Pour moi la réparabilité/évolutivité d'un ordi c'est 1 points pour chaque élément échangeable par n'importe quel technicien (du secteur) et 1 point pour le fait de trouver les pièces en question à un prix normal dans toute région (les pièces étant : disque, mémoire, batterie, écran, clavier avec ça on arrive à 10… mais il y aurait aussi le circuit WiFi) >>> macbook = zero !
Quant à la durabilité, j'ai un fer à repassé français avec un bouchon de sécurité chinoisement (AliExpress) compatible pièce cassée introuvable en France, j'ai aussi un aspirateur Rowenta (un peu plus de 2 ans) avec le tube pliant qui est également introuvable ! Alors dans la durabilité des pièces détachées pendant 10 ans ????
Modifié le 20/02/2024 à 20h18

Historique des modifications :

Posté le 20/02/2024 à 20h03


Surement encore un truc de beau penseur (…ÉNArque) !
On a déjà l'indice de réparabilité (avec des critères inconnus du public) qui donne l'impression que le fait de pouvoir ouvrir le capot ça donne au moins 7 sur 10 ! Comme les ordi à la pomme absolument non évolutif comme tout soudé !
Pour moi la réparabilité/évolutivité d'un ordi c'est 1 points pour chaque élément échangeable par n'importe quel technicien (du secteur) et 1 point pour le fait de trouver les pièces en question à un prix normal dans toute région (les pièces étant : disque, mémoire, batterie, écran, clavier avec ça on arrive à 10… mais il y aurait aussi le circuit WiFi)

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