Après avoir licencié 85 % de ses effectifs, Virgin Orbit dépose le bilan et cherche un repreneur
Pssshhiiitt !
Le 04 avril 2023 à 06h48
6 min
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Après avoir suspendu toutes ses activités et cherché des investissements pour continuer à fonctionner, Virgin Orbit annonce un très vaste plan de licenciement avec pas moins de 675 employés sur le carreau. La société, qui a réussi à atteindre quatre fois l’espace, n’est pas (encore ?) en faillite.
Créée en 2017 pour lancer des petits satellites avec sa fusée LauncherOne depuis un Boeing, Virgin Orbit laissait le Royaume-Uni espérer la relance de son industrie spatiale, à défaut d'une réelle indépendance.
Mais l'échec de son premier lancement de satellites depuis le sol britannique, en début d'année, a plongé l'entreprise dans une crise dont elle a du mal à se remettre. Ses finances n’étaient pas au beau fixe, loin de là, mais cet échec lui a fait beaucoup de mal.
Il lui a fait perdre neuf satellites que la fusée devait lancer en orbite et a déclenché une enquête des autorités britanniques ainsi que de l'autorité fédérale de l'aviation américaine.
Si son premier essai « Launch Demo 1 » était un échec, Virgin Orbit avait par la suite lancé avec succès quatre missions sur les années 2021 et 2022, atteignant à chaque fois l’orbite terrestre basse. LauncherOne décollait du désert des Mojaves aux États-Unis (Californie). Le lancement de début 2023 s’est fait depuis Cornouailles.
- Virgin Orbit va dans l’espace
- Tubular Bells : Virgin Orbit réussit sa première mission commerciale de lancement de satellites
Situation financière précaire
Selon CNBC, les salariés de l'entreprise ont appris mercredi 15 mars que la plupart d'entre eux étaient mis à pied pendant une semaine, sans paye. Seule une petite équipe continuait de travailler.
Le week-end suivant, l'entreprise élaborait des plans pour se préparer à l'insolvabilité, alors qu'elle négociait un sauvetage avec des sociétés de restructuration (Ducera et Alvarez & Marsal), avait appris Sky News. Possédée à 75 % par la holding de Richard Branson (Virgin Group), l'entreprise va avoir du mal à redémarrer ses activités, même si elle discute encore avec des investisseurs.
Ceux-ci n’étaient pas identifiés, mais selon des sources de Sky News, Boeing n'en faisait pas partie. Si Virgin Orbit espèrait encore officiellement lancer une nouvelle mission dans les prochaines semaines, l'entreprise ne s’est pas relevé au cours des deux dernières semaines, la situation s’est même empirée.
85 % des employés licenciés
Dans un document publié par le gendarme de la bourse américaine (SEC), le couperet vient de tomber : « la société a annoncé une réduction des effectifs d’environ 675 employés, soit 85 % de son effectif ». Il ne restera donc qu’une centaine de personnes. Il s’agit, sans surprise, de « réduire les dépenses, compte tenu de l’incapacité de la société à obtenir un financement significatif ». Les personnes concernées se trouvent dans tous les secteurs d’activités de Virgin Orbit.
L’entreprise estime le coût de cette opération à 15 millions de dollars : « 8,8 millions de dollars en indemnités de départ et en avantages sociaux, et 6,5 millions de dollars en autres coûts principalement liés aux services de reclassement externe ». Le document précise que Virgin Investments a injecté 10,9 millions de dollars dans Virgin Orbit – via une « senior secured convertible note » qui assure une priorité sur les autres créances – « pour financer les indemnités de départ et les autres coûts liés à la réduction des effectifs ».
La réduction des effectifs devrait être « en grande partie » terminée dès ce lundi 3 avril.
Dégringolade en bourse, des pertes qui s’accumulent
« Malheureusement, nous n'avons pas été en mesure d'obtenir le financement nécessaire […] Nous n'avons pas d'autre choix que de mettre en œuvre des changements immédiats, dramatiques et extrêmement douloureux », explique Dan Hart (CEO de Virgin Orbit) dans une conférence audio avec des employés, comme le rapporte CNBC.
La situation financière de la société n’était pas bonne avant le crash de sa fusée au début de l’année. Sur son dernier bilan comptable (troisième trimestre 2022, clôturé au 30 septembre 2020), elle faisait état de pertes opérationnelles de 50,5 millions de dollars pour des pertes nettes de 43,6 millions. Le free cash flow était aussi dans le rouge à- 52,5 millions de dollars.
Les prévisions pour 2023 étaient de « plus que doubler le taux de lancement par rapport à 2022 », et « d’augmenter les revenus par lancement »… autant dire que c’est loupé dans les deux cas.
En l’espace de deux semaines, l’action de Virgin Orbit a perdu 66 % de sa valeur pour arriver à 0,34 dollar seulement lors de la fermeture de la bourse hier. Dans la séance d’après clôture, l’action perd encore 40 % pour arriver à 0,20 dollar. Fin 2021, elle était encore aux alentours de 10 dollars.
Pas de lancement britannique avant 2024
Avec cette crise, il n'y a quasiment plus aucun espoir de voir un lancement de fusée britannique cette année, selon le journal The Telegraph. Virgin Orbit, société anglaise, devait en effet servir de porte-étendard pour la conquête spatiale britannique.
La nuit de l'échec du lancement de janvier dernier, le ministre britannique de la Recherche et des sciences, George Freeman, a cité la fameuse phrase de John Fitzgerald Kennedy « Nous faisons ces choses non pas parce qu'elles sont faciles, mais parce qu'elles sont difficiles ». Mais la situation de Virgin Orbit et l'industrie spatiale britannique dans son ensemble s'est encore compliquée.
Si le programme de l'entreprise visait l'envoi de petits satellites commerciaux et gouvernementaux et n'avait pas pour ambition de lutter au même niveau que SpaceX ou l'Europe avec Vega-C, il permettait au Royaume-Uni d'afficher une certaine présence spatiale qui risque maintenant de lui être difficile d'assurer.
La question est maintenant de savoir ce qu’il va arriver à Virgin Orbit. Rien n’est précisé pour le moment, mais selon le Financial Time, il « est de plus en plus probable » que la société se place prochainement sous le chapitre 11 de la loi sur les faillites des États-Unis.
Après avoir licencié 85 % de ses effectifs, Virgin Orbit dépose le bilan et cherche un repreneur
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Situation financière précaire
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85 % des employés licenciés
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Dégringolade en bourse, des pertes qui s’accumulent
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Pas de lancement britannique avant 2024
Commentaires (24)
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Abonnez-vousLe 21/03/2023 à 06h01
La fin de l’article me rappelle un peu l’histoire du Comet. Début des années 50, le 1er jet commercial en service dans le monde n’était des US venant de Boeing mais d’Angleterre.
Quelques mois après l’ouverture du service, ils en perdent 1 au-dessus de la Méditerranée. Raison? grand mystère… Pas de boite noire (orange) à l’époque.
Quelques mois après, ils en perdent un 2ieme, qu’on retrouve comme le 1er quelques jours plus tard au fond de l’eau (et certains passagers flottant à la surface…).
Toute la flotte est clouée au sol pour découvrir enfin quelques mois après la raison en faisant l’expérience suivante: plonger un Comet quelques bonnes centaines de fois dans un bassin rempli d’eau pour simuler l’effet de la pression de l’air et là, ça casse… à des endroits très particuliers… Les ingénieurs avaient fait… des hublots carrés et non pas ovales avec des beaux arrondis!!
Au niveau des rivets de fixation, ça a crée des microfissures invisibles dans la carlingue (seulement 7mm d’épaisseur dans un avion de ligne) et les compressions/décompressions de 0m à 10 000m ont eu raison de la fatigue de l’alu…
Après ça, fini ! Plié ! L’Angleterre, fleuron de l’aéronautique mondial devant les US, aux oubliettes.
En aparté, les Anglais ont quand même été sympa fin des années 50 d’avoir donné aux Européens les plans de leur missiles balistiques à combustible liquide (tous les pays étaient en train d’abandonner cette techno pour des ICBM à combustible solide - saupoudré d’aluminium,+30% de boost - car la mise à feu est immédiate et non pas après les 60min de remplissage des réservoirs). La techno s’appelait BlueStreak et elle a servi ensuite de base au développement des fusées… Ariane.
Le 21/03/2023 à 10h41
Ils se sont rattrapés avec le Concorde et restent fournisseur pour Airbus. Il existe BAe qui a quelques compétences (Tornado, Typhoon…) et les Red Arrows vol sur des Hawk et il y a aussi les Hawker Siddeley Harrier de la société Hawker.
Pour les fusées ça ne semble pas bien barré. Sait-on jamais…
Le 21/03/2023 à 14h44
On dirait du Lorant Deutsch … c’est une jolie histoire avec un soupçon de faits mais complétement réinventés.
Les hublots carrés (qui étaient en fait rectangulaires et avec des coins arrondis) n’ont jamais été la cause du problème, tous les rapports disent même le contraire. Le problème principal était au niveau de l’ouverture pour l’antenne ADF.
BlueStreak a été utilisé pour Europa … qui fut un gros échec et pas vraiment une base pour Ariane. La principale façon dont Europa a été utile à Ariane c’est pour montrer ce qu’il ne faut pas faire.
Le 21/03/2023 à 20h59
Merci ! he ben je l’ai fait de memoire mais on va verifier tout ca. La memoire ca peut jouer des tours…
Le 21/03/2023 à 21h22
“jamais été la cause du problème,” pas la cause d’origine mais ont fortement aidé.
“It was also found that the punch-rivet construction technique employed in the Comet’s design had exacerbated its structural fatigue problems;[98] the aircraft’s windows had been engineered to be glued and riveted, but had been punch-riveted only. Unlike drill riveting, the imperfect nature of the hole created by punch-riveting could cause fatigue cracks to start developing around the rivet.”
Le 25/03/2023 à 07h00
Oui donc ce n’a rien à voir avec la forme des hublots. Ca a à voir avec le fait que les ingénieurs avaient validé une manière de les fixer et que la réalisation n’a pas suivi et a utilisé une autre manière. Si le hublot avait été rond, c’eusse été pareil
Le 21/03/2023 à 21h24
Sinon bienvenu de retour sur les forums après presque 10 ans d’absence. Je suis flatté d’avoir eu un corrigé par Maitre Capello.
Le 23/03/2023 à 22h13
Je souscris. C’est souvent le cas sur les commentaires: il y a ceux qui attendent avec leur pop corn poisseux qu’un chef de clan plante un commentateur qui aurait eu l’indélicatesse de l’approximation ou une commentaire incompatible avec leur doxa..
Alors, plutôt que d’opter pour de la bienveillance, c’est partie pour les injures ou moqueries applaudies par les pop-corneux (attention à l’obésité!!) qui se pensent au delà des Hommes. Tout cela est petit, mesquin, et sans intérêt et ils ne doivent sans doute pas se comporter comme cela dans la vie tant ils sont narcissiques, nourris par le regard des Autres.
Je vais personnellement te remercier pour cette information intéressante à propos du Comet.
Le 24/03/2023 à 05h36
Non mais qu’est-ce que tu en sais d’abord si on en a une, de vie ?
Le 24/03/2023 à 06h35
Merci ! Néanmoins toutes les corrections apportées par bzc sont justes et exactes (j’ai passé un peu de temps sur les pages Wiki après, pages que je n’avais jamais lues car j’avais vu à la place un épisode de Air Crash investigation sur YouTube il y a une dizaine d’années sur le Comet)
Le 26/03/2023 à 09h38
“ce n’a rien à voir avec la forme des hublots” : sûrement, seulement voilà, on ne fabrique aucun avion avec des hublots carrés non plus….
Pour un des 2 crash, la fissure est passée (dont l’origine était bien l’antenne sur l’aile) par un rivet qui comme par hasard était situé dans un des coins d’un des hublots….
Sinon en se donnant un minimum la peine de chercher, on peut trouver ca: “ The cracks in the fuselage were noticibly connected to the window corners, which emerged as the weakest spots.
This is the reason square windows are no longer used on aircraft, and they are also smaller”
=> pas la root cause mais facteur aggravant !
CLAIR ?
Le 31/03/2023 à 17h59
― Leonard Cohen, Selected Poems, 1956-1968 ―
Le 21/03/2023 à 09h54
Si après un seul lancement réussi et un seul échec la société se plante, c’est que ce n’était financièrement pas fiable dès le début.
Le 21/03/2023 à 16h00
@bzc : comment tu l’as cassé
Le 01/04/2023 à 08h02
Pendant ce temps, l’Espagne se lance dans le (mini) lanceur récupérable :
https://www.lepoint.fr/high-tech-internet/l-espagne-entre-dans-le-club-spatial-mondial-avec-un-lanceur-recuperable-31-03-2023-2514424_47.php#11
Le 03/04/2023 à 15h07
Le 03/04/2023 à 15h27
the sky is the limit, mais le pdg de virgin ne le savait pas.
Le 04/04/2023 à 07h52
Pourquoi opposer le Royaume Uni et l’Europe dans la présence spatiale ? Le RU est un pays membre de l’ESA, qui ne comprend pas tous les pays de l’UE et qui a certains membres qui ne font pas partie de l’UE (dont le Royaume Uni et la Suisse). Leur présence spatiale se fait donc à travers l’ESA, comme pour tous les autres pays membres, non ?
Le 05/04/2023 à 05h46
On assiste aussi a la “guerre des étoiles” au niveau des commentaires, attention de ne pas en venir au niveau de la “guerre des boutons”.
Passez une belle journée.
Le 05/04/2023 à 07h37
Si t’aurais su, t’aurais pas venu ?
Le 07/04/2023 à 08h42
Ben oui mon pov’msieur. 😁
Le 05/04/2023 à 12h04
Ca s’est escaladé rapidement. Après, c’est un secteur en pleine expansion avec une forte concurrence pour lequel chacun veut sa part du gâteau.
La consolidation et la disparition d’acteurs c’est le cycle de vie habituel d’un secteur économique en plein développement.
Le 08/04/2023 à 05h36
Puis
J’ai du mal a comprendre pourquoi les règles étasuniennes s’appliquent à une société britannique.
Le 08/04/2023 à 11h14
Je pense qu’il doit y avoir une erreur car Virgin Orbit a son siège aux USA.