Mozilla fête ses 25 ans, la fondation a trouvé sa voie
Une fondation et une galaxie de filiales
Le 05 avril 2023 à 15h33
8 min
Logiciel
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Mozilla a fêté ses 25 ans le 31 mars. À cette occasion, la présidente de la fondation, Mitchell Baker, fait le point sur la situation. Nous revenons également sur le parcours de Mozilla, de sa création à nos jours.
Beaucoup connaissent déjà les origines du terme « Mozilla ». C’est à la fois une contraction de « Mosaic Killer » (écrit et prononcé « killa ») et une référence à Godzilla. Mosaic était alors le navigateur le plus utilisé. Il appartenait à Netscape, qui s’appelait Mosaic Communications Corporation à sa création en 1994.
Juillet 2003 correspond en fait à la dissolution de Netscape par Time Warner, anciennement AOL Time Warner, puisqu’AOL avait racheté Netscape en novembre 1998. Un rachat qui avait d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre à l’époque, tant les philosophies des deux entreprises étaient jugées incompatibles.
La fondation, organisation à but non lucratif, apparait ainsi le 15 juillet à Mountain View, où elle a toujours son siège. L’année suivante sera présentée Mozilla Corp, l’entreprise à but lucratif chargée d’employer les personnes travaillant sur les projets de Mozilla.
À ce moment, le nom Mozilla est déjà utilisé depuis cinq ans, puisqu’un groupe d’ingénieurs travaillait sur la suite du même nom, dont certains ici se souviennent sans doute. Il s’agissait alors d’un ensemble d’outils, comprenant notamment un navigateur et un client email. Elle était basée en bonne partie sur le code source de Netscape Navigator et était déjà libre. Elle donnera plus tard naissance à SeaMonkey (qui existe toujours), qui était initialement le nom de code de cette suite.
À la dissolution de l’entreprise, le domaine Mozilla .org est repris par la fondation.
De la suite Mozilla à Firefox
En juillet 2003, la fondation s’occupe donc officiellement de la suite du même nom. Dès le mois suivant cependant, un autre projet est annoncé : Phoenix. Le constat est simple : 90 % des personnes surfant sur le web le font depuis Internet Explorer. C’est la grande époque de l’écrasement, à cause d’un navigateur intégré à Windows et qui mènera Microsoft à un procès pour abus de position dominante.
Phoenix désigne un projet d’ingénierie logicielle ayant la particularité de ne reprendre que la base de la suite Mozilla dévolue à la navigation web, pour l’améliorer afin de la rendre la plus performante possible. Dans les mois qui suivent, les préversions se font déjà remarquer : non seulement le navigateur est rapide, mais il se distingue par un support largement supérieur des standards du web.
Firefox 1.0, puisque c’est son nom (il s’était entre temps nommé Firebird), sort le 9 novembre 2004. En moins de deux ans, il passe la barre des 100 millions de téléchargements et entraine une baisse des parts d’Internet Explorer. C’est le début d’une longue dégringolade dont Microsoft ne se remettra d’ailleurs jamais, puisque Google dégainera son Chrome quelques années plus tard, avec le succès qu’on lui connait.
Quoi qu’il en soit, c’est bien Firefox qui va faire connaître Mozilla. Le navigateur se taille rapidement une solide réputation, même s’il a du mal à pénétrer le monde de l’entreprise. Deux raisons essentiellement. D’abord l’absence d’un support adapté et prévisible. Les versions LTS (Long term support) n’arriveront que plus tard. Ensuite, et surtout, parce que Microsoft y était durablement implantée, avec de nombreuses modifications de sites spécifiquement dédiées à internet Explorer (les fameux « quirks »), en particulier pour les intranets.
Une grande phase de diversification
L’une des principales caractéristiques de la fondation Mozilla est son manifeste, qui contient de multiples engagements « pour un internet plus sain ». La fondation y affiche ses ambitions en matière d’inclusivité, de neutralité du web, de construction de l’esprit critique, de collaboration et de dialogue.
Dans cette optique, et en dépit de liens prononcés avec Google par la suite – l’accord pour en faire le moteur de recherche par défaut dans Firefox rapportera jusqu’à 90 % des revenus de Mozilla Corp – les produits vont s’enchainer dans pratiquement toutes les directions.
Nous n’allons pas tous les aborder, mais certains sont incontournables, comme Thunderbird, dont l’histoire tourmentée prendra bientôt un nouveau virage, maintenant que le projet est revenu (grosso modo) dans le giron de Mozilla. On doit également à cette dernière les agendas Sunbird et Lightning, ainsi que le système d’exploitation mobile FirefoxOS, qui sera abandonné en 2016 après quatre ans d’existence. Comme l’a appris peu après Microsoft, on ne s’invite pas impunément sur ce champ de bataille, face à Apple et Google.
Mozilla est en outre connue pour avoir offert au monde des développeurs divers outils et technologies, dont l’un des plus célèbres est sans conteste Bugzilla, pour le suivi des bugs.
C’est aussi à Mozilla que l’on doit XUL, un langage de description d’interfaces (et que l’on prononce « zoul »), et surtout Rust. Ce dernier, dont nous avons souvent parlé, gagne rapidement en popularité depuis quelques années. Géré désormais par une fondation indépendante, il attire de nombreux regards, dont celui de Microsoft qui l’envisage pour une partie du développement système de Windows, et ceux des mainteneurs du noyau Linux, dont Linus Torvalds. La version 6.1 du noyau embarque d’ailleurs les premières briques qui permettront plus tard d’intégrer d’autres éléments en Rust, dont des pilotes.
Un équilibre délicat
Les personnes suivant l’actualité de Mozilla savent que la fondation (et ses filiales, surtout Corp) rencontre régulièrement des soucis de financement. Les liens avec Google ont été fréquemment pointés du doigt, et Mozilla tente par tous les moyens de diversifier ses revenus.
On se souvient notamment de ses positions sur la publicité, pour créer un environnement plus vertueux, avec des publicités sans pistage et suivant un cahier des charges strict. Des publicités responsables, en somme. Plus récemment, l’entreprise a lancé les services Relay et VPN sur abonnement, permettant des entrées régulières d’argent frais de la part des utilisateurs eux-mêmes. Elle possède en outre Pocket, qu’elle avait rachetée, et dont une partie des fonctions est réservée à un abonnement là encore.
Entre temps, Mozilla est passée par une profonde restructuration, qui a vu Mitchell Baker revenir à sa tête. Elle avait fait le point et annoncé de gros changements, dont une série de licenciements et une priorisation des projets les plus porteurs, dont un abonnement pour le Mozilla Developer Network, sans toucher aux fonctionnalités gratuites.
Pour Baker, « beaucoup de choses ont changé depuis 1998 », Mozilla n’étant plus seulement une « idée audacieuse ». La fondation actuelle regroupe une famille de structures et fournit des produits, alimente des mouvements et investit dans de la « tech responsable ». On a pu le voir récemment avec son fonds d’investissement, ou encore dans son positionnement sur l’intelligence artificielle.
Cependant, elle aime à penser que si une personne du Mozilla de 1998 visitait les actuels locaux, elle retrouverait rapidement un sentiment familier, notamment dans l’esprit et les valeurs, dont l’intérêt du public.
Comment Mozilla se perçoit-elle aujourd’hui ? Comme une entité ayant un rôle à jouer durablement. Une question de perception, pour Mitchell Baker, qui constate que la technologie n’a jamais joué un aussi grand rôle, avec un internet « profondément entrelacé » dans nos vies, mais qui présente en même temps de gros défauts, dont le plus important est le contrôle centralisé. C’est sur ce point, justement, que Mozilla pense pouvoir faire quelque chose aujourd’hui et pour les 25 prochaines années.
Comment ? Essentiellement en continuant de se poser la même question qui anime le personnel de Mozilla, selon Mitchell Baker : « Comment pouvons-nous faire que des produits et technologies, comme le machine learning, travaillent dans l’intérêt du public ? ». C’est ce qui a motivé la fondation à créer sa nouvelle filiale Mozilla.ai récemment.
La présidente observe également des signes positifs, comme l’arrivée du Platform Accountability and Transparency Act (PATA) aux États-Unis et du Digital Services Act (DSA) en Europe. Elle se dit « réaliste » cependant sur les défis qui attendent l’internet, et assure que Mozilla sera encore là avec ses produits, sa philosophie et la promotion de technologies responsables.
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De la suite Mozilla à Firefox
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Une grande phase de diversification
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Un équilibre délicat
Commentaires (17)
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Abonnez-vousLe 05/04/2023 à 15h51
Les OS, les AI,… c’est un peu le même sac de nœuds ? À part que les AI actuels sont des prototypes mal ficelés donc Mozilla a peut-être un rôle à jouer ?
Le 05/04/2023 à 17h37
Bigre, ca fait 18 ans que j’ai basculé chez eux… toujours utilisateur de Firefox (sur PC, mobile et linux) et Thunderbird.
Sur mobile, k9 mail qui a été “absorbé” par mozilla devrait enfin permettre d’avoir un client mail sur Android géré par Mozilla !
Le 05/04/2023 à 19h04
Le constat est simple : 90 % des personnes surfant sur le web le font depuis Internet Explorer. C’est la grande époque de l’écrasement, à cause d’un navigateur intégré à Windows et qui mènera Microsoft à un procès pour abus de position dominante.
Tiens tiens …. l’histoire se répète on dirait ….
Le 05/04/2023 à 19h06
Je suis utilisateur de firefox depuis que mon premier ordinateur personnel (en 2005). J’ai adopté thunderbird lorsqu’il est sorti.
J’ai tenté d’utiliser d’autres navigateurs mais je rebute sur les interfaces concurrentes.
Et pour le courielleur à part la suite seamonkey je n’en ai testé aucune autre que thunderbird.
Le 06/04/2023 à 07h21
Euh non SpiderMonkey c’est Netscape en 1996, avant que Mozilla n’existe !
Le 06/04/2023 à 07h24
Exact, j’ai supprimé la référence, merci
Le 06/04/2023 à 10h25
Je ne les remercierai jamais assez d’avoir donné ce grand coup de pied dans la fourmilière à l’époque où “IE vs Netscape” était tout ce qu’on connaissait. Les devs web de cette période pleuraient du sang à devoir écrire des versions différentes de leur Javascript ou CSS tellement les deux “gros” étaient incompatibles entre eux (pour la partie JS, merci jQuery d’ailleurs, qui a rendu le quotidien plus supportable). A l’arrivée de Firefox, effectivement, les standards web qu’on voulait tous voir adoptés - et dont MS donc IE n’avait rien à faire et laissait le web stagner - on fait un bond, et même s’il a fallu du temps pour pouvoir les utiliser partout, c’était salutaire.
Et récemment, la création de Rust a été un fait impressionnant pour ma part. Même si je n’écris pas de C/C++ au quotidien, la façon dont ils ont réussi à créer un langage/compilateur qui t’engueule quand tu ne fais pas gaffe à la gestion précise de la mémoire (y compris l’ “ownership” de la mémoire), c’est du jamais vu dans ce genre de langage de bas niveau, et ça évite des tonnes de bugs.
Je suis inquiet depuis un moment de la position des navigateurs basés sur Chromium, et du désintérêt global pour Firefox. Je ne veux jamais revivre la situation ou IE était partout, et où ça provoquait un ralentissement terrible de l’adoption des standards. On en est pas là, mais le manque de concurrence ne fait jamais de bien.
Le 06/04/2023 à 13h22
Vous confondez le troll et l’argumentation, Next Inpact.
Attention à ne pas censurer bêtement, surtout les points de vue intéressants.
Le 06/04/2023 à 14h35
C’était un troll, ne serait-ce que par le champ lexical utilisé, qui faisait perdre tout intérêt au commentaire. Et je ne parle même pas du hors-sujet.
Le 06/04/2023 à 18h37
Mais justement, Mozilla proposait autre chose avec son système mobile : des applications basées sur les standards du web (HTML, CSS, JS) face aux apk et aux applis fermées d’Apple. L’éco-système était bon, mais on ne lui a pas laissé le temps de mûrir.
Et à mon sens c’est une faute historique, en contradiction avec les propos de Baker en fin d’article sur les technologies, le contrôle centralisé, et l’intérêt (du) public.
Le 06/04/2023 à 21h21
Ubuntu Touch aussi, à la même époque (concomitamment à l’abandon de Unity qui était sensé s’adapter aux écrans tactiles).
Le 07/04/2023 à 11h18
C’est evidemment sur l’aspect éthique, principalement, que j’utilise Firefox et Thunderbird (et les performances me conviennent tout à fait).
Le 08/04/2023 à 05h56
Bien sûr que c’était du troll : une affirmation grasse, conçue pour choquer via un certain champ lexical. Le fait que tu n’aies pas le temps de développer ne te donne aucun passe pour des messages irrespectueux, en laissant le soin aux autres de faire le tri. Mais en attendant, qualifier de “désordre mental” quelque chose qui ne te plait pas, oui c’est du troll.
Le 08/04/2023 à 19h23
Je ne supporte pas le fait que Mitchell Baker se fasse paier 3 Millions $/an alors que la fondation a du mal à trouver des fonds et que de nombreux choix ont causé le départ d’usagers vers des produits alternatifs. Des sources prétendent même qu’elle serait sous-payée par rapport à son cursus… Pauvres patrons, j’en verserai presque une larme.
Surtout quand on voit ce que ça donne.
Firefox OS était un projet intéressant et ils ont été stupides de l’arrêter. Ce n’est pas une question de s’inviter impunément sur le champ de bataille des smartphones/smartTV, mais plutôt de souffrir du Syndrome de Google et donc d’arrêter un projet après seulement 3 ans parce que le succès n’est pad immédiat… alors que toute personne avec un minimum de bon sens se doute bien que les usagers ont une inertie, et c’est encore plus vrai sur les smartphones. Cette maladie touche la TECH en général, les concepteurs et décisionnaires étant déconnectés du monde réel et des vrais usagers.
A ce jour, j’utilise Firefox plus par manque de choix que par envie. Au moins je peux encore copier/coller le profil sur d’autres machines sans perdre la moitié des paramètres, ce qui est la raison de mon futur départ de Vivaldi…
Honnêtement si la fondation tient le coup dans la décennie, ce sera plus par chance qu’autre chose.
Le 12/04/2023 à 09h56
Surtout parce que c’était le seul navigateur avec des fonctionnalités adaptées au monde pro : la possibilité de fusion publipostage via les active X, les chargements dynamiques via le XMLHttpRequest, les filtres sur l’upload de fichiers, les ponts vers le système de fichier local ou même le lancement de certaines applications depuis le navigateur… IE6 a créé les web apps via ce type de fonctions là où la concurrence a mis peut être 5 ans à proposer des équivalents, et encore. La fusion publipostage reste impossible aisément sur les navigateurs modernes.
Je trouve beaucoup de gens injustes avec internet explorer, certes l’attitude de Microsoft a énormément figé les choses à un moment en termes de capacité à faire évoluer collectivement le web mais c’est oublier que sans ce navigateur et sans Microsoft les web apps n’auraient jamais existé au tournant de l’an 2000.
Le 12/04/2023 à 10h13
Je n’ai pas tellement suivi le sujet de l’abandon de firefox OS mais clairement s’il y a bien un domaine à libérer c’est celui du smartphone et de la box de salon, de la console… Autre élément bien dommage, Valve a eu plus ou moins les mêmes besoins au même moment mais est parti sur un dev interne de Steam OS sur base Debian. Qui est bien pauvre de ce fait hors jeux vidéos et ne peut donc exister que sur leur steamdeck… Il y avait vraiment beaucoup de convergences de besoins autour d’un OS libre, performant en multimédia et réseau. Dommage pour nous.
Le 12/04/2023 à 14h49
Au sujet de steamos sur le steamdeck , il en existe un fork , Holoiso , qui permet de l’utiliser en dehors du steamdeck justement.