« Covid- 19 : la mobilisation des makers français est sans précédent, il serait temps que l’État s’en rende compte », écrivent Hugues Aubin (Vice-Président du Réseau Français des Fablabs) et Ewen Chardronnet (rédacteur en chef de Makery, « le média de tous les labs »).
Le Réseau Français des Fablabs estime qu’environ 50 prototypes (masque, visière, respirateur, pousse-seringue...) et 100 000 visières ont été produites par impression 3D ou découpe laser en France ces deux dernières semaines. Une production distribuée assurée par 5000 makers bénévoles et 100 fablabs, jamais vue à l’échelle nationale.
Fablabs, makers indépendants, petites entreprises reprennent ou créent aujourd’hui des plans pour fabriquer en série et en urgence des équipements pour tous les personnels exposés : protections faciales, connecteurs de remplacement pour les dispositifs de ventilation, pousse-seringues, systèmes anti-contamination pour ouvrir des portes, désinfecter, etc.
Mais si les acteurs concernés aujourd’hui par la crise sont dans l’action, ils sont sans validations ni conseils des autorités légitimes que sont l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et le Ministère de la Santé. Et malgré les propositions du Réseau Français des Fablabs au Président de la République et au Ministre de la Santé, fablabs et makers doivent composer seuls avec les soignants et la société civile de proximité.
Cette situation de déficit de l’État risque de créer de la défiance et de l’inefficacité, déplorent les auteurs de la tribune : les fablabs comme les milliers de makers indépendants – ces derniers ont parfois investi jusqu’à 500 euros de leur poche pour imprimer des visières – ne se sentent pas considérés. Et arrivent financièrement à bout de souffle.
Pour eux, il n’est pas normal que ce soient encore ces citoyens mobilisés qui financent eux-mêmes des kilos de plastique imprimable pour les visières, valves et adaptateurs, que les multiples groupes de confection de masques ne soient pas soutenus en matériaux textile. Le gouvernement et les régions ont acté des plans Covid-19 de plusieurs millions d’euros mais n’ont parfois encore rien fait en direction des makers.
En attendant la réaction au plus haut, les CHU valident des solutions de fortune, mais de manière empirique et sans cadre légal clair, quand il n’y a rien d’autre à disposition et que la réponse immédiate au terrain est littéralement vitale.
Un espoir nouveau vient désormais de l’AP-HP (Assistance publique – Hôpitaux de Paris) et de sa plateforme Covid-3d qui, à partir du 13 avril, homologuera au fil de l’eau des modèles sans brevets issus de la recherche ouverte pour les diffuser avec des spécifications de fabrication et de distribution sécurisées.
La tribune dresse par ailleurs la (longue) liste des projets collaboratifs, groupes Facebook, Mattermost ou Discord, chaînes YouTube et FabLabs engagés dans la lutte contre la pandémie et qui, pour certaines, fonctionnent aujourd’hui 24/24, avec des équipes de jour comme de nuit (voir aussi la plateforme Covid-Initiatives).
Elles ont besoin de soutien sur les ressources humaines et d’appui sur la cohérence territoriale : des informations claires et synthétisées sont nécessaires en termes de priorités médicales et de logistique dans un circuit local. Au surplus, estiment-ils, tout cela montre le rôle crucial de la science ouverte en matière de réponse rapide à l’urgence pandémique et ce précédent peut être extrêmement fondateur pour les pays du Sud.
Là où l’on cherchait autrefois à financer un appareillage médical vendu à prix d’or et non réparable sur place, existe l’espoir d’une appropriation, refabrication ou adaptation aux contextes locaux par le partage de plans, le design distribué ouvert et la fabrication optimisée aux ressources disponibles sur place. C’est potentiellement plus rapide, moins cher, cela facilite l’accès au matériel de santé et donc l’accès au soin.
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