« L’Etat a confié au moins 1,1 milliard d’euros de missions à Capgemini en cinq ans », ont calculé les Décodeurs du Monde : « l’omniprésence du cabinet fait grincer des dents au sein de l’administration, où des voix dénoncent missions coûteuses, projets ratés, opacité et conflits d’intérêts ».
Une manne en partie due à « une règle budgétaire au nom barbare introduite en 2001, la fongibilité asymétrique, qui interdit aux administrations d’augmenter leurs dépenses de personnel en cours d’année », et les pousse à externaliser des missions urgentes au secteur privé, quitte à ce que cela coûte encore plus cher, les consultants privés étant payés « en moyenne 1 500 euros par jour dans le public, contre 362 euros pour un fonctionnaire qualifié, selon les chiffres de la commission d’enquête du Sénat qui a tiré en mars la sonnette d’alarme sur l’emprise des cabinets privés sur l’Etat ».
Le Monde évoque également des conseils marketing douteux : après avoir réussi à convaincre le ministère de l'Éducation de « remplacer un logiciel qui jusque-là s’acquittait honorablement de ses tâches », expliquent les journalistes Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre dans le livre Les Infiltrés, Capgemini a par exemple « englouti 263 millions d’euros en dix ans en prestations de conseil et d’informatique pour le remplacement de son logiciel de paie, avant d’abandonner le projet en 2018, face à l’accumulation des difficultés techniques et des retards ». Un accident industriel lié notamment à « la mauvaise qualité des applications livrées par [Capgemini] », selon la Cour des comptes.
Pour autant, ce groupe du CAC 40 « s’est rendu indispensable auprès de nombreuses administrations : au cours du précédent quinquennat, Capgemini est intervenu au ministère de l’Économie, des Armées, de la Santé, de l’Écologie, de l’Éducation nationale, de l’Intérieur, des Affaires étrangères, du Travail, de l’Agriculture, de la Culture, mais aussi à Matignon et à l’Élysée. En plein redressement fiscal, il a même obtenu, en avril et en juin, deux marchés avec la direction générale des finances publiques. »
Au-delà des outils informatiques qu'il est payé pour développer, Capgemini « intervient aussi pour des réorganisations, du conseil stratégique, du "cadrage de projet" ou de la "réingénierie des processus" », mais « agit le plus souvent dans l’ombre, y compris au sein même des administrations » :
« Si Capgemini a largement médiatisé sa contribution bénévole à la conception de l’application StopCovid, au printemps 2020, le groupe a refusé de répondre aux nombreuses questions du Monde sur ses missions commerciales, se retranchant derrière les clauses de confidentialité qui le lient à ses clients. »
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