L’astronaute français Thomas Pesquet devrait décoller dans moins d’une semaine à bord d’une capsule Crew Dragon de SpaceX, pour passer six mois dans la Station spatiale internationale. Cette mission est particulière, notamment à cause des expériences qui seront menées à bord. Avant le décollage, séance de révision.

Thomas Pesquet (sa biographie sur le site de l’ESA) est dans la dernière ligne droite pour son second voyage à bord de la Station spatiale internationale (ISS), pour sa mission Alpha. Celle-ci devrait décoller depuis l'aire de lancement 39A du Centre spatial Kennedy, le 22 avril à 12h11 (heure française) si tout se passe comme prévu.

Une émission en direct sera proposée à partir de 10h55 le 22 avril par l’ESA, en collaboration avec le CNES. L’amarrage avec l’ISS devrait se dérouler le 23 avril à 11h30, suivi de l’ouverture de l’écoutille un peu moins de 3 h après. Les astronautes pourront alors entrer dans la Station.

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Thomas Pesquet et ses compagnons de voyage sont désormais dans leur semaine de quarantaine avant le décollage, « une procédure standard pour éviter d’emporter des maladies à bord de l’ISS », explique l’astronaute. Il sera le premier Européen à prendre place dans la capsule habitable Crew Dragon de SpaceX, qui effectuera son second vol commercial baptisé Crew-2.

Shane Kimbrough et Megan McArthur de la NASA – respectivement commandant et pilote – ainsi que l‘astronaute  Akihiko Hoshide  de la JAXA (Japan Aerospace Exploration Agency) seront ses coéquipiers durant cette mission. Le Français et le Japonais seront des « spécialistes de mission ».

Nouvelle capsule avec « écrans tactiles grands format »

Les semaines précédentes ont été mises à profit afin de se préparer au vol et notamment « apprendre à maîtriser le Dragon ». Lors de son précédent voyage, Thomas Pesquet et certains autres membres avaient fait le trajet à bord d’un vaisseau Soyouz et les changements sont importants entre les deux engins (c’est peu de le dire…).

« Il s'agit de maîtriser les différents systèmes de la capsule (propulsion, navigation, contrôle thermique, etc.), et de s'approprier les procédures d'abord normales puis de plus en plus dégradées, au simulateur, pour apprendre à faire face à toutes les situations envisageables en vol », explique Thomas Pesquet. « 99 % de l'interaction avec le véhicule (dont le pilotage manuel) se fait grâce à des écrans tactiles grands format », ajoute-t-il.

Les scaphandres « sur mesure » sont également différents et « pleins de technologie (communication, ventilation, oxygène, etc.) ». Les astronautes doivent les porter durant toutes les phases critiques du vol : décollage, approche et arrimage à la Station spatiale internationale, décrochage et retour sur terre.

Recyclage à tous les étages

SpaceX oblige, le recyclage est de la partie. La capsule Crew Dragon – C206 alias Endeavour – qui sera utilisée par Crew-2 a déjà servi pour la mission Demo-2 lorsque les astronautes Douglas Hurley et Robert Behnken se sont rendus dans l’ISS mi-2020. La Cité de l’espace de Toulouse note un drôle de hasard : « Megan McArthur voyagera à bord de la même capsule que son mari Robert Behnken et au même poste de pilote ! ».

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Réutilisation également pour le premier étage de la fusée Falcon 9 : il s’agit de l’exemplaire B1061 inauguré avec la mission Crew-1, lancée fin 2020. Elle était venue se poser sur une barge en pleine mer. Cette fusée devrait de nouveau servir ensuite pour la mission Inspiration4 avec la capsule Dragon C207 (alias Resilience) déjà utilisée pour Crew-1.

La cité de l’espace rappelle que la « NASA a donné son accord à ce principe de la réutilisation appliquée aux vols habités et surveille les processus ». Pour le moment, le record de réutilisation est à neuf pour un même premier étage. SpaceX se sert de ses lanceurs éprouvés en vol pour envoyer massivement des satellites Starlink en orbite.

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Imbroglio américano-russe et chaise musicale

Lorsqu’ils seront arrivés dans la Station spatiale internationale, les quatre membres de Crew-2 retrouveront sept astronautes : les quatre de Crew-1 (Hopkins, Glover, Walker et Noguchi) et trois autres arrivés récemment avec la mission russe Soyouz MS-18 (Novitski, Doubrov et Vande Hei). Surprise, ce dernier est un Américain et non un Russe.

Si la NASA développe des partenariats avec SpaceX et Boeing pour des capsules habitables, c’était pourtant pour avoir une alternative aux Russes et ne plus dépendre de Soyouz. Il était donc prévu que l’équipage MS-18 ne soit composé que de Russes, avec Korsakov à la place de Vande Hei. La NASA s’est rendu compte d’un potentiel problème, expliquant ce retournement tardif de situation.

Le retour des membres d’équipage de Crew-1 est prévu pour le 28 avril. Or, en cas de retard de Crew-2 (prévu pour le 22 avril), les trois membres de MS-18 pourraient se retrouver seuls à bord une fois que Crew-1 est parti… en l’occurrence trois Russes seuls dans l’ISS.

Les Américains ont donc proposé aux Russes d’échanger les places entre Vande Hei et Korsakov, ce qui explique qu’un Américain a pris place dans le Soyouz il y a quelques jours. De son côté, Korsakov sera le premier Russe à voler dans une capsule Crew-Dragon américaine.

Les grandes lignes des expériences dans l’ISS

Sur place, Thomas Pesquet va effectuer plusieurs expérimentations dans le cadre de sa mission Alpha :

• Mettre en place une douzaine de nouvelles expériences conçues par le CADMOS (Centre d'Aide au Développement des Activités en Micropesanteur et des Opérations Spatiales) de Toulouse,
• poursuivre des expériences héritées de la mission Proxima (la première de Thomas Pesquet),
• participer à une centaine de tâches scientifiques essentiellement européennes et américaines.

Il pourrait aussi réaliser des sorties dans l’espace. Sa première sortie extravéhiculaire était un succès et le Français s’en était vu confier deux de plus. « Le fait que Thomas se voit confier la responsabilité de deux sorties supplémentaires témoigne des bonnes performances des astronautes de l'ESA », se réjouissait l’Agence spatiale.

Le CNES détaille les grandes lignes des futurs expériences : 

« Certaines contribueront à des avancées scientifiques dans le domaine des sciences de la matière, avec notamment le développement d’une "pince" acoustique pour piéger à distance des particules, ou des sciences de la vie (projet d’étude du vieillissement cérébral).

D’autres doivent permettre de préparer et valider les technologies de demain en vue de l’exploration, dans les domaines de la nutrition ou de la mesure des radiations (dosimètre à fibre optique).

Plusieurs expériences pédagogiques sont également prévues : des expériences étudiantes issues du concours "Génération ISS", organisé en partenariat avec le MESRI et une expérience éducative à destination des plus jeunes, visant à étudier le comportement d’un organisme monocellulaire étonnant, le Blob, capable de se déplacer et doté d’une certaine intelligence. »

Dreem, Renewable Foam et Pilote sont déjà dans la Station

Le CADMOS a livré les instruments scientifiques des trois premières expériences en novembre 2020, puis ils ont été acheminés sur l’ISS avec la mission de ravitaillement NG-15 en février 2020. 

Il y a tout d’abord un « bandeau de sommeil » Dreem, qui servira donc à étudier le « sommeil lors des missions de longue durée (impact du confinement et des conditions de micropesanteur) ». La deuxième expérience concerne les neurosciences avec Pilote : il s’agit de « réalité virtuelle couplée à un dispositif haptique à retour d’effort pour tester de nouvelles approches de téléopération et techniques de pilotage robotique ».

Enfin, Renewable Foam est « un matériau de protection pour les étuis de transport visant à remplacer les traditionnelles mousses pétrosourcées, encombrantes et inutiles une fois à bord de l’ISS ». Pour faire d’une pierre deux coups, cette « trousse » recyclable emportera le bandeau Dreem.

Selon le CNES, l’idée derrière Renewable Foam a été lancée au retour de Thomas Pesquet sur Terre quand il a signalé au CADMOS que leurs emballages prenaient beaucoup de place. De plus, ils sont « assemblés avec des mousses fabriquées à partir de dérivés du pétrole […] Pour la première fois, nous allons tester des matériaux consommables afin de limiter la quantité de déchets à redescendre ensuite », explique Rémi Canton, chef de projet de la mission Alpha au CADMOS.

Un emballage comestible !

Le concept va même plus loin puisqu’une partie de l’emballage pourra même se… manger : « Au départ, nous avons testé une protection entièrement consommable, mais cela manquait de rigidité face aux vibrations simulées d’un lancement. Nous l’avons améliorée en introduisant au milieu le composé blanc recyclable », explique Alain Maillet, responsable de mission.

Thomas Pesquet ne pourra par contre pas en profiter pendant sa mission : « Le processus pour obtenir l'autorisation étant long et complexe au regard de l’objectif visé (vérifier la bonne tenue de l’ensemble face aux vibrations), les tests gustatifs seront réalisés dans un 2e temps, par de futurs astronautes », explique le CNES.

Dans tous les cas, le bioplastique de l’emballage peut être fondu pour alimenter une imprimante 3D ou servir de support pour faire pousser des plantes. « Ces mousses pourraient aussi être utilisées lors de futurs voyages vers la Lune ou la planète Mars », ajoute le CNES.

Bien sûr, de nouvelles photos seront publiées

Thomas Pesquet prendra de nouveau des centaines/milliers de photos depuis la Station spatiale internationale et les publiera sur les réseaux sociaux et son compte Flickr, comme lors de son premier voyage.

Si l'ESA a pour rappel adopté « une politique de libre accès à ses contenus » en février 2017, notamment les photos et vidéos, ce n’est pas le cas de celles de Thomas Pesquet qui sont toujours indiquées comme « Tous droits réservés ».