Quand « l’astrophysique de laboratoire » affine des théories sur les exoplanètes et jets de plasma
À défaut de se rendre sur place…
Le 03 mars 2021 à 13h26
7 min
Sciences et espace
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Des chercheurs ont réussi à reproduire à petite échelle « des phénomènes astrophysiques inaccessibles à l’expérimentation ». Ils expliquent comment les manteaux de planètes peuvent créer des champs magnétiques – nécessaires à la vie – et donnent des explications sur la turbulence des jets de plasmas.
Pour étudier l’Univers qui nous entoure, les astrophysiciens utilisent les moyens de détection à leur disposition sur Terre où à proximité, avec les satellites d’observation dans l’espace. Avec parfois beaucoup d'astuce, ils arrivent à en déduire des caractéristiques assez précises de certaines étoiles, exoplanètes et autres objets célestes. Ils formulent aussi de nombreuses hypothèses… qu’il est impossible de vérifier in situ.
Comme alternative pour mieux appréhender des phénomènes astrophysiques inaccessibles à l’expérimentation, les chercheurs « ont recours à l’astrophysique de laboratoire, c’est-à-dire qu’ils reproduisent à petite échelle les conditions dans lesquelles se forment ou évoluent différents phénomènes ».
Le Laboratoire pour l’utilisation des lasers intenses (LULI), une unité mixte de recherche CNRS, École polytechnique - Institut Polytechnique de Paris, CEA et Sorbonne Université, s’est fait remarquer en février avec deux publications dans Nature Communication autour de ce domaine d’expertise.
L’une est « consacrée à la forme des jets de plasmas astrophysiques, et l’autre aux propriétés de matériaux situés au cœur des exoplanètes ». Cette dernière est d’autant plus intéressante qu’elle concerne le champ magnétique créé par certaines planètes, qui est considéré « comme l’une des conditions nécessaires à la présence de la vie ».
Super-Terres : un champ magnétique grâce aux silicates ?
Dans la quête sans fin de la recherche de traces de vie sur d’autres planètes, les chercheurs misent beaucoup sur Mars. Souvent considérée comme la jumelle de la Terre, elle a l’avantage d’être à portée de fusée. Plusieurs rovers sont déjà sur place et un nouveau vient juste d’arriver : Perseverance.
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Mais la vie peut aussi avoir été créée en dehors de notre système solaire et même de notre galaxie (la Voie lactée). Plusieurs télescopes – dans l’espace et sur Terre – traquent des exoplanètes, et elles sont très nombreuses : « La découverte de plus de 4 000 planètes en dehors de notre système solaire soulève l’excitante promesse d’en découvrir certaines capables d’abriter la vie », explique l’École Polytechnique.
En se basant sur le seul exemple que l’on connait avec la Terre, « les chercheurs s’intéressent tout particulièrement aux planètes dont la masse est comprise entre une et quelques masses terrestres. Ces “super-Terres” sont supposées être rocheuses, avec un cœur de fer et de nickel, et un manteau (partie entourant le cœur) constitué de silicates ».
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Une des conditions qui seraient nécessaires à la vie
« L’existence d’un champ magnétique est considérée comme l’une des conditions nécessaires à la présence de la vie », ajoute le CEA. Sur Terre, il est produit par les mouvements de la partie liquide du noyau de fer et forme ainsi un « bouclier invisible qui nous protège de tous les rayonnements hyperénergétiques émis par le Soleil et qui protège aussi notre atmosphère ».
Problème, « dans le cas des super-Terres, le cœur de fer est probablement entièrement cristallisé en raison des pressions colossales, ce qui empêcherait l’existence d’un champ magnétique », car il n’y a plus de partie liquide et donc plus de mouvement. Mais selon les scientifiques, un champ magnétique pourrait être généré d’une autre manière : dans les manteaux (couches intermédiaires entre la croute et le noyau) qui « sont constitués de silicates fondus et électriquement conducteurs ».
Il ne s’agit que d’une hypothèse et, pour en vérifier la viabilité, deux solutions : se rendre sur place pour effectuer des mesures – impossible en l’état de nos connaissances – ou une confirmation en laboratoire. Cette dernière ne peut se faire qu'à condition de « pouvoir mesurer la conductivité électrique de ces matériaux dans les conditions qui règnent au cœur des super-Terres, à savoir des températures de plusieurs milliers de degrés et des pressions de plusieurs millions de fois celle de notre atmosphère ».
Les chercheurs passent la main aux astrophysiciens
C’est l’axe de recherche d'une équipe de scientifiques qui a étudié « les propriétés des silicates en reproduisant expérimentalement ces conditions extrêmes ». Bonne nouvelle, leur conclusion confirme que « l’hypothèse d’un manteau conducteur semble viable ».
Ce n’était pas simple, explique Alessandra Ravasio, chercheuse CNRS au LULI :
« Reproduire expérimentalement ces conditions est très complexe […] Nous avons comprimé des échantillons de quartz (SiO2) en générant deux ondes de choc successives à l’aide du laser LULI2000 du laboratoire […]
Contrairement à la compression par un simple choc qui engendre des très hautes températures, la technique de double choc nous a permis de générer des hautes pressions, tout en gardant des températures relativement modérées, plus pertinentes aux intérieurs de super-Terres ».
Les chercheurs ont appliqué cette méthode de « doubles chocs » à des échantillons de quartz et, « en couplant les données expérimentales à des simulations, ils ont pu estimer la conductivité électrique du SiO2 », ou dioxyde de silicium. Leurs résultats indiqueraient « pour SiO2 des conductivités électriques suffisamment élevées pour soutenir des champs magnétiques à l’intérieur des super-Terres ».
Selon le communiqué de l’École Polytechnique, cela permettra « aux astrophysiciens d’améliorer leurs modèles et de mieux orienter l’étude d’exoplanètes potentiellement habitées ou habitables ».
Des jets de plasma en laboratoire
La seconde publication dans Nature Communication concerne l’étude des « jets de plasmas turbulents », qui prennent « la forme de cylindres de matière ionisée, des plasmas, extrêmement longs et émergeant de jeunes étoiles, de trous noirs et même de notre Soleil ».
Contrairement à la flamme uniforme et continue d’un briquet à gaz, ces jets sont saccadés, avec des courbures et des nœuds : « comme une chaîne de code morse ou comme l’échappement d’une vieille voiture diesel », explique Julien Fuchs, directeur de recherche CNRS au LULI.
L’hypothèse des spécialistes était que ces irrégularités « provenaient de changement dans la structure du champ magnétique environnant ». Problème, aucune expérience ne permettait de confirmer ou d’infirmer cette supposition. C’était un des objectifs des travaux de Julien Fuchs :
« Il y a quelques années, nous avons mis au point une technique expérimentale permettant de recréer en laboratoire des jets de plasma d'un centimètre de long qui correspondaient étroitement aux caractéristiques des jets créés par les jeunes étoiles […]
Nous avons introduit un angle entre le plasma créé par laser et le champ magnétique ambiant […] Nous avons constaté qu'il y avait bien une perturbation dans la collimation du jet et du plasma s'échappant à travers les lignes de champ magnétique ».
En se basant sur les observations expérimentales et des simulations, les chercheurs avancent une explication possible à la structure des jets « en code morse » : elle vient de « la nature toujours changeante des champs magnétiques locaux ».
Ces deux publications ne révolutionnent pas le monde scientifique (il s’agit principalement de confirmer des hypothèses), mais montrent bien comment on peut améliorer notre connaissance de l’Univers qui nous entoure avec de « l’astrophysique de laboratoire ».
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Commentaires (4)
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Abonnez-vousLe 03/03/2021 à 15h21
Article intéressant mais la phrase d’introduction est une contradiction dans ses termes : l’astrophysique (ou n’importe quelle autre discipline scientifique) de laboratoire est précisément de l’expérimentation, par opposition à l’observation grandeur nature en milieu réel.
Le 04/03/2021 à 07h51
Je plussoie.
Le 04/03/2021 à 12h07
L’expérimentation de ces phénomènes est inaccessibles sous leurs formes « pleine » (dans toute leur grandeur), ici il s’agit d’expérimentation à bien plus petite échelle, comme expliqué
Le 04/03/2021 à 19h41
Cool de voir ici des publis françaises avec des doubles chocs :oui2: