Un consortium de journalistes d’investigation (The Guardian, The Washington Post, Süddeutsche Zeitung, Der Spiegel…) a eu accès à plusieurs milliers de pages de documents techniques détaillant les « armes numériques » fournies par « Vulkan », un important prestataire de plusieurs services de renseignement russes, rapporte Le Monde.
Les documents leur auraient été transmis par une source souhaitant montrer que « le GRU [renseignement militaire] et le FSB [sécurité intérieure] se cachent derrière cette entreprise ».
Des factures de Vulkan auraient en effet été adressées à l’unité militaire 74455 du GRU, plus connue sous le nom de « Sandworm » (« ver de sable », accusée d’être à l’origine des « MacronLeaks »), ainsi que les unités 22280 (« programmes spéciaux ») de l’armée russe et 33949 du SVR, le renseignement extérieur russe.
Or, souligne Le Monde, « traditionnellement, le FSB (sécurité intérieure), le GRU (renseignement militaire) et le SVR (renseignement extérieur) russes se méfient les uns des autres, communiquent peu et évitent d’avoir recours aux mêmes outils – à tel point qu’en 2016 le GRU et le SVR avaient tous les deux, et sans se concerter, piraté les e-mails du Parti démocrate américain » :
« Mais, depuis le début des années 2010, les services de sécurité du pays tentent d’accroître leurs capacités cyber à marche forcée, sans toujours avoir en interne les moyens de leurs ambitions, et multiplient les recours aux sous-traitants. »
Vulkan aurait aussi développé Amezit-B, un ensemble de services très complets destinés au contrôle de l’information en ligne, pour le compte de l’Institut de recherche en radiocommunications de Rostov-sur-le-Don (RNIIRS), un « maillon-clé du complexe militaro-industriel russe » travaillant notamment pour le centre pour les mesures techniques et opérationnelles du FSB, chargé de la surveillance électronique :
« Divisé en plusieurs modules, Amezit-B permet à la fois de pratiquer la surveillance de masse du trafic sur une région, de bloquer l’accès à certains sites ou de rediriger les internautes vers d’autres adresses, mais aussi de créer de faux comptes sur les réseaux sociaux pour diffuser articles, messages ou vidéos… Une gigantesque "boîte à outils" tout-en-un permettant, en théorie, de contrôler au plus près tout ce qui se dit en ligne. »
Le projet s'insérait dans le cadre de la doctrine russe de contrôle d’Internet (loi fédérale nᵒ 90-FZ), qui « oblige notamment les opérateurs de télécommunications russes à fixer, sur leurs installations, des "boîtiers de lutte contre les menaces" (TSUP) », éléments-clés du « RuNet », ce concept d’un Internet russe souverain, permettant de bloquer les sites « jugés dangereux pour les intérêts nationaux ».
Vulkan aurait également conçu pour le renseignement militaire russe un « module complet de collecte et de stockage d’informations sur les failles informatiques exploitables dans le monde entier », afin de préparer des cyberattaques, précise Le Monde.
« Skan » (pour « scanner ») explore en effet Internet afin d'y détecter des failles de sécurité, « et archiver dans une gigantesque base de données toutes les failles documentées », ainsi que les cibles potentielles.
Pour autant, relève Le Monde, les détails techniques du projet, entamé en 2018, « ne montrent pas un degré particulièrement élevé de sophistication », recourant notamment au moteur de recherche IoT Shodan, ainsi qu'à des listes de noms de domaine expiré, afin de les réutiliser pour masquer la provenance de leurs attaques.
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