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[Interview] Open Data : « La France est sur la bonne voie »

Réaction de Mohammed Adnène Trojette

[Interview] Open Data : « La France est sur la bonne voie »

Le 20 décembre 2013 à 09h11

Que penser des récentes annonces du Premier ministre en matière d’Open Data ? Pour avoir un élément de réponse à cette question, PC INpact a pu interroger Mohammed Adnène Trojette, dont le récent rapport sur l’ouverture des données publiques a poussé Matignon à intervenir.

data.gouv.fr

Nouvelle version de data.gouv.fr, la plateforme gouvernementale française d'Open Data, inaugurée mercredi.

 

Le mois dernier, Mohammed Adnène Trojette remettait officiellement au Premier ministre son rapport : « Ouverture des données publiques. Les exceptions au principe de gratuité sont-elles toutes légitimes ? » (PDF). Cet ingénieur, également magistrat auprès de la Cour des comptes, expliquait alors à l’exécutif que les redevances réclamées par l'administration aux réutilisateurs de certains jeux de données publiques étaient néfastes pour l’intérêt général. L’avertissement était clair : « La transition vers de nouveaux modèles économiques revêt un caractère d’urgence ». Le haut fonctionnaire préconisait alors d’expérimenter des « modes de financement alternatifs, notamment coopératifs ».

 

Mercredi, Matignon a fait connaître ses arbitrages sur le sujet : aucune nouvelle redevance ne sera créée, et l’objectif est à terme qu’elles disparaissent toutes. Pour l’occasion, le gouvernement a annoncé la suppression, manifestement dans le courant de l’année prochaine, d’une dizaine de redevances. Un premier pas salué notamment par l’association Regards Citoyens, très attentive au mouvement d'ouverture des données publiques. PC INpact a également souhaité demander son avis à Mohammed Adnène Trojette.

Quel regard portez-vous sur les décisions officialisées avant-hier par le Premier ministre en matière d’Open Data ?

Les décisions prises démontrent deux choses. Premièrement, elles illustrent la volonté du gouvernement d'avancer sur ce sujet et invitent à ne pas relâcher l'effort de transparence et de modernisation. Deuxièmement, elles rappellent l'orientation adoptée par plusieurs ministères et établissements publics en faveur de la démarche d'ouverture des données publiques.

Avez-vous l’impression que vos recommandations ont été écoutées par l’exécutif ?

Ce n'est pas tant mes recommandations que l'état des lieux et les enjeux associés à l'ouverture des données publiques qui ont encouragé l'exécutif à intervenir. Mon rapport, en apportant un éclairage certes devenu nécessaire, est intervenu à un moment où la plupart des acteurs étaient mûrs sur ce débat.

Peut-on dire que la France s’engage sur la bonne voie ?

La France est sur la bonne voie et c'est le fruit de plusieurs mois d'avancée. Les décisions prises permettent de clarifier la doctrine de l’État. L'ouverture de la nouvelle version de "data.gouv.fr" va permettre de passer à une nouvelle étape.

 

Mohammed Adnène Trojette

Justement, que pensez-vous de la nouvelle version du portail « data.gouv.fr » ? Est-ce là l’interface technique « standard, adaptée et stable » que vous appeliez de vos voeux dans votre rapport ? 

La nouvelle version du portail "data.gouv.fr" peut réjouir pour plusieurs raisons. D'abord, la démarche de co-design retenue pour l'élaboration du portail. Ensuite, l'orientation résolue vers un modèle contributif. Enfin, le recours à CKAN, l'interface technique de référence dans ce domaine.

 

Le président de la CADA déclarait mercredi : « C'est du grand art ». Alors si le président de la CADA lui-même le dit !

 

Personnellement, j'ai déjà créé mon compte utilisateur et commencé à tester les fonctionnalités de datavisualisation.

Et vous ?

Pas encore... Quelle est la portée de la suppression des redevances, tel que l'a annoncé Matignon mercredi ?

Avant même de parler de la suppression des redevances, il faut déjà insister sur le fait qu'aucune nouvelle redevance ne sera créée, l'objectif affiché étant l'extinction progressive de toutes celles qui existent et le passage à un modèle de plateforme de mise à disposition de données.

 

En ce qui concerne les suppressions annoncées, à nouveau, il faut saluer les administrations concernées. Elles ouvrent des jeux de données publiques essentielles aux citoyens, à la société civile et aux entreprises. On le voit bien pour les bases juridiques ou financières locales. On le voit aussi avec les données géographiques d'opérateurs du ministère de l'Agriculture. On le voit enfin avec la base des prix du carburant et les données de l'Éducation nationale et de l'ONISEP.

 

À titre tout à fait personnel, j'ai hâte de pouvoir explorer les bases que la Direction de l'information légale et administrative (DILA) a choisi d'ouvrir (associations, journaux officiels, Légifrance).

Ce premier pas en matière de suppression des redevances est-il suffisant ?

Il y a un an, à la même époque, qui aurait imaginé un tel premier pas ? De plus, le CIMAP annonce en creux les étapes suivantes, notamment en ce qui concerne la transition vers des modèles de plateforme.

En matière de modèles économiques, Jean-Marc Ayrault demande en effet aux opérateurs concernés d’engager une réflexion. N’a-t-il pas un peu botté en touche sur cette question ?

Le relevé de décision du CIMAP est très clair à ce sujet : à l'heure des stratégies de plateforme, les opérateurs ne peuvent plus se permettre de garder des modèles économiques qui brident l'innovation. Lors de l'inauguration de la nouvelle version du portail "data.gouv.fr", le Premier ministre l'a nettement réaffirmé. La transition, pour plusieurs opérateurs, n'est pas une question anecdotique et se fera avec l'appui du SGMAP.

 

Merci Mohammed Adnène Trojette.

Commentaires (5)

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En bonne voie effectivement. Au delà du nombre de publications qui grandit c’est surtout la conversion à des formats exploitables numériquement qui devient intéressant. Il y a 6 mois encore, on trouvait .doc .xls et .pdf à la pelle maintenant les csv prennent le pas.



Par contre, je ne sais pas si on peut taper sur leur hébergement ou si il faut héberger soi-même les données pour les exploiter ?

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Nous sommes dans une situation de retard abyssal par rapport à de ce qui existe aux Usa. La cause est sans doute culturelle, mais plus surement organisationnelle. Ces 40 dernières années ont vues la multiplication de structures étatiques à financement public spécialisées, ce qui en constitue, aujourd’hui, par sa fragmentation, le frein le plus puissant.



L’idée est toujours que l’information est la source d’un pouvoir et donc d’un contrôle. Financées pour collecter et analyser, elles ne diffusent pas tout ce qui appartient pourtant au public, paradoxalement ce sont les structures les plus organisées qui sont les plus rétives au changement :




  • INA (il faut un abonnement)

  • IGN (modèles d’élévation numérique non libres)

  • Insee (données payantes)

  • Radio France /France télévision (absence de catalogue complet accessible, qui existe par ailleurs en interne)

  • musées nationaux (pas de catalogue centralisé)

  • cadastre (absence de numérisation)

  • carte grise (information collectée et vendue)

  • la quasi totalité des agences (eau, environnement, agriculture, etc).

  • thèses, publications cnrs

  • données sur les transports (ex : métro, sncf)

  • etc etc…



    Bref pour y arriver, il faudrait sans doute tout remettre à plat, introduisant la possibilité du deuxième chantier, sans doute plus essentiel encore qui est de faire communiquer les administrations entre elles (pour que ce ne soit plus à l’usager de rechercher les formulaires dans tout les sens quand l’information existe déjà par ailleurs…), en cause, le mille feuille des logiciels…



    Toute information collectée par des fonds publics devrait pouvoir être consultable par tous.



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jchcaron a écrit :



Bref pour y arriver, il faudrait sans doute tout remettre à plat, introduisant la possibilité du deuxième chantier, sans doute plus essentiel encore qui est de faire communiquer les administrations entre elles (pour que ce ne soit plus à l’usager de rechercher les formulaires dans tout les sens quand l’information existe déjà par ailleurs…), en cause, le mille feuille des logiciels…



Toute information collectée par des fonds publics devrait pouvoir être consultable par tous.





Heu… ya surtout des lois sur la protection de la vie privée qui interdisent, hors petite commune de moins de 10000 habitants les croisements de fichiers et d’avoir des bases uniques/croisées.

Concernant les données sur l’eau, l’assainissement etc. a mon avis leur non publication relève de la sécurité également…

Ce n’est pas un chantier que technique, c’est surtout un/des choix de société.



Pour les établissements type IGN, INA elles n’ont pas le même objet, autant l’IGN est un EPA autant l’ina est un EPIC donc c’est moins choquant de demander un abonnement.

L’INSEE est une DG d’un ministère comme le cadastre émane des impôts c’est encore autre chose. Pour le reste je connais moins, les universités ont en projet de publier massivement des cours libres, on peut imaginer que les thèses également le seront.



Je suis d’accord que “peut mieux faire” mais tout n’est pas si simple non plus.


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yvan a écrit :



Je suis d’accord que “peut mieux faire” mais tout n’est pas si simple non plus.







Il est évident que des gardes fous doivent exister pour les informations de sécurité, ce qui à d’ailleurs été mis en place aux USA après le 11 septembre (filtration de l’eau, infrastructure de communication, architecture des bâtiments publics etc).



Pour autant la rétention volontaire (ou leur non communication) d’information est aussi préjudiciable au fonctionnement de l’économie et de la société.



Quel est donc l’intérêt d’une collecte d’information au bénéfice seul d’un organisme public, lorsque son coût est lui doublement partagé par ce même public (en budget et temps), songez ici, par exemple, au volume important de données collectées sur l’activité des entreprises, qui ne bénéficient à personne d’autre que le ministre du budget et qui sont gâchées par ce seul usage unique au lieu de fournir un tableau de bord personnalisé…



La complexité du mille-feuille actuel est bien le problème majeur à cette communication, ou tout ce construit sur une strate existante et doit s’y insérer. Avec parfois des situations cocasses, utilisation d’internet qui doit être confirmée par un formulaire papier.. etc.



Paradoxalement il serait plus aisé de partir à zéro (comme en Lettonie) pour bâtir un réseau d’information public que de tenir compte de multiples écosystèmes, limitations, et pré-carré de chaque organisme existant. A partir du moment ou ces organismes auront pris conscience que leur finalité première est de produire et diffuser ses informations, pas de les retenir, le changement aura lieu.



Force est de reconnaître que cette révolution culturelle n’a pas encore eu lieu, la meilleure démonstration se rencontre aujourd’hui au quotidien, on nous parle encore, 15 ans après l’arrivée d’internet, de “nouvelles technologies”… c’est absolument hallucinant. Le fait que ce soit “nouveau” serait ainsi une justification à un éventuel retard qui serait donc “normal”. Or ce n’est pas du tout le cas, nous sommes en retard sur notre age présent, et non plus seulement celui de l’avenir.


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jchcaron a écrit :



Il est évident que des gardes fous doivent exister pour les informations de sécurité, ce qui à d’ailleurs été mis en place aux USA après le 11 septembre (filtration de l’eau, infrastructure de communication, architecture des bâtiments publics etc).





Largement avant en fait, du temps de la guerre froide à ma connaissance. D’où la déclassification moins systématique et régulière des documents officiels américains qu’il y a un siècle par exemple.







jchcaron a écrit :



Pour autant la rétention volontaire (ou leur non communication) d’information est aussi préjudiciable au fonctionnement de l’économie et de la société.



Quel est donc l’intérêt d’une collecte d’information au bénéfice seul d’un organisme public, lorsque son coût est lui doublement partagé par ce même public (en budget et temps), songez ici, par exemple, au volume important de données collectées sur l’activité des entreprises, qui ne bénéficient à personne d’autre que le ministre du budget et qui sont gâchées par ce seul usage unique au lieu de fournir un tableau de bord personnalisé…





Là encore je pense que ça demande plus d’investigation que cela afin par exemple d’éviter le dumping ou que les aides publiques soient un support spéculatif. Là encore ce n’est pas si simple.







jchcaron a écrit :



La complexité du mille-feuille actuel est bien le problème majeur à cette communication, ou tout ce construit sur une strate existante et doit s’y insérer.

Avec parfois des situations cocasses, utilisation d’internet qui doit être confirmée par un formulaire papier.. etc.





Le mille feuille de la décentralisation et le poids de l’existant sont deux éléments distincts et pour ce qui est de la décentralisation plutôt un facteur allant dans le sens de l’open data. Sinon effectivement je plussoie sur le cocasse, j’ai vu se faire de la “dématérialisation” vers le trésor public qui consiste à graver un CD et l’envoyer par la poste <img data-src=" /><img data-src=" />







jchcaron a écrit :



Paradoxalement il serait plus aisé de partir à zéro (comme en Lettonie) pour bâtir un réseau d’information public que de tenir compte de multiples écosystèmes, limitations, et pré-carré de chaque organisme existant. A partir du moment ou ces organismes auront pris conscience que leur finalité première est de produire et diffuser ses informations, pas de les retenir, le changement aura lieu.





Sauf que ce n’est absolument pas le cas. La finalité première de l’administration est d’administrer dans le cadre légal fourni par l’état, absolument pas de publier des tableaux de bord vers le public et les entreprises a priori.

Si le légiste, comme c’est le cas actuellement introduit cette obligation les administrations feront mais il ne faut pas inverser les choses, la source du problème vient de la législation avant tout.

Cela fait des années que les administrations déconcentrées demandent des tableaux d’activité concernant les subventions versées ou que certains organes centraux comme le budget, les archives nationales demandent des tableaux de bord dématérialisés qui ressemblent fort à de l’open data, que des protocoles de recherche unifiés existent. Quand il y a obligation légale les administrations font.







jchcaron a écrit :



Force est de reconnaître que cette révolution culturelle n’a pas encore eu lieu, la meilleure démonstration se rencontre aujourd’hui au quotidien, on nous parle encore, 15 ans après l’arrivée d’internet, de “nouvelles technologies”… c’est absolument hallucinant. Le fait que ce soit “nouveau” serait ainsi une justification à un éventuel retard qui serait donc “normal”. Or ce n’est pas du tout le cas, nous sommes en retard sur notre age présent, et non plus seulement celui de l’avenir.





Retard par rapport à qui et à quoi?

Imaginons que tout le monde ait voulu tout faire par email au lieu de faire du papier, il eut fallu des certificats de communication partout, un mail “officiel” par citoyen avec contrôle d’identité de la personne et des logiciels de chiffrement/déchiffrement des communications. Derrière le traitement administratif et les durées d’utilité administratives eurent du s’appliquer donc on serait en train de faire des moulinettes pour s’assurer que les documents reçus en l’an 2000 restent lisibles par l’administration, on aurait toute la partie de la population à l’aise mais trop qui se serait faite voler ses mots de passe en masse on aurait autorisé des attaques à grande échelle contre les données administratives, on aurait relié chaque personne à un identifiant permettant de reconstituer des fichiers de juifs, d’arabes, de riches, bref, une belle usine à gaz et quelque chose de complètement dangereux.



Si les choses vont doucement ce n’est pas forcément uniquement par souci des libertés publiques mais ce n’est pas non plus par mauvaise volonté, par médiocrité et en tous cas pas forcément une mauvaise chose.


[Interview] Open Data : « La France est sur la bonne voie »

  • Quel regard portez-vous sur les décisions officialisées avant-hier par le Premier ministre en matière d’Open Data ?

  • Avez-vous l’impression que vos recommandations ont été écoutées par l’exécutif ?

  • Peut-on dire que la France s’engage sur la bonne voie ?

  • Justement, que pensez-vous de la nouvelle version du portail « data.gouv.fr » ? Est-ce là l’interface technique « standard, adaptée et stable » que vous appeliez de vos voeux dans votre rapport ? 

  • Pas encore... Quelle est la portée de la suppression des redevances, tel que l'a annoncé Matignon mercredi ?

  • Ce premier pas en matière de suppression des redevances est-il suffisant ?

  • En matière de modèles économiques, Jean-Marc Ayrault demande en effet aux opérateurs concernés d’engager une réflexion. N’a-t-il pas un peu botté en touche sur cette question ?

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