L’Italie abandonne sa taxe web anti-évasion fiscale avant son application
Forza Pubblicità
Le 03 mars 2014 à 17h00
5 min
Droit
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Afin de contourner les optimisations fiscales des géants du Web, l'Italie a eu l'idée de mettre en place une taxe ciblant la publicité et le commerce en ligne, un concept bien connu en France mais qui n'a jamais eu de suite. L'Italie devait ainsi être le tout premier pays à se lancer, mais les derniers bouleversements politiques ont tué dans l'œuf cette idée. Le nouveau premier ministre Matteo Renzi a officiellement annoncé l'abandon de cette taxe vendredi dernier, confirmant l'une de ses promesses.
Repoussée par Letta, supprimée par Renzi
Si l'Italie n'a pas encore trouvé d'accord ou fait voter de loi afin de donner un coup de pouce à sa presse contrairement à l'Allemagne, la Belgique, la France et bientôt l'Espagne, le pays de Leonardo da Vinci et Giacomo Puccini devait toutefois être une pionnière dans la guerre contre l'optimisation fiscale des géants du web. Depuis l'an passé, l'Italie prépare en effet une taxe spécifique à la publicité en ligne. L'objectif était de toucher Google, Facebook et tous les autres géants du secteur, ceci en obligeant ces derniers à passer par des agences publicitaires dont le foyer fiscal est situé en Italie. Toutefois, cette taxe, qui devait rapporter près d'un milliard d'euros, n'a jamais été du goût de Matteo Renzi.
Initialement, cette obligation devait être appliquée depuis le début de l'année. Pour des raisons à la fois politique et stratégique, elle a dans un premier temps été repoussée au mois de juillet 2014 par le gouvernement d'Enrico Letta. Ce dernier a aussi certainement craint que sa loi soit illégale au niveau européen, alors qu'Emer Traynor, le porte-parole d'Algirdas Semeta, le commissaire européen à la Fiscalité, avait déclaré que l'Europe avait « de sérieux doutes au sujet de l'amendement tel qu'il est aujourd'hui car il semble aller à l'encontre des libertés fondamentales et des principes de non-discriminations mentionnés dans les Traités ».
Letta n'est cependant plus en place depuis quelques semaines. Matteo Renzi, le nouveau premier ministre, n'a pour sa part jamais caché son souhait de voir cette taxe disparaitre. En décembre dernier, alors qu'il n'était pas encore au pouvoir, Renzi avait déjà déclaré : « Nous demandons au gouvernement Letta et au président du Conseil d'éliminer toutes les références à la taxe web et de traiter cette question après une réflexion méthodique ».
Depuis, Letta a démissionné de son poste, laissant le jeune Renzi (39 ans), le président du parti démocrate italien, prendre sa place. L'homme a annoncé de nombreuses réformes pour les mois à venir. La taxe web, appelée aussi parfois taxe Google, ne fera pas partie de ces réformes. Via son compte Twitter, Renzi n'y va pas par quatre chemins : « Nous avions dit pas de #webtaxe. Nous tenons parole. »
Avevamo detto no #webtax Siamo stati di parola #lavoltabuona
— Matteo Renzi (@matteorenzi) 28 Février 2014
Une problématique à gérer au niveau européen
Selon la presse italienne, cela ne signifie pas pour autant que les géants du web pourront continuer leurs manœuvres fiscales sans problème ad vita aeternam. Certes, l'Italie a reculé, notamment parce que de nombreuses entreprises locales risquaient en réalité de pâtir de cette loi, mais une action au niveau européen, en collaboration avec les États-Unis, pourrait être mise en place.
Le président François Hollande a abordé ce sujet le mois dernier, et les députés français ont pointé du doigt les géants du Net dans un rapport rendu en juillet 2013. Outre-Manche, les députés britanniques s'intéressent au sujet depuis un an et demi. L'an passé, l'Organisation de coopération et de développement économiques (l'OCDE) a même annoncé qu'elle comptait modifier les règles internationales en matière de fiscalité afin de lutter contre ces optimisations jugées abusives.
Rappelons qu'en France, l'idée d'une taxe sur la publicité en ligne a fait son retour en septembre dernier. Les sénateurs du Groupe communiste républicain et citoyen avaient ainsi déposé un amendement fin septembre dans le cadre du projet de loi sur l’indépendance de l’audiovisuel visant à taxer la publicité en ligne. Cet amendement a finalement été rejeté, mais il avait pour objectif de taxer toutes les publicités en ligne, avec comme intermédiaire les régies publicitaires françaises. Des taux de 5 % pour les faibles revenus (entre 20 millions d’euros et 250 millions d’euros) et de 1 % pour les sommes supérieures avaient été imaginés.
« La position du gouvernement est claire : il faut rétablir l'égalité devant l'impôt, mais sans pénaliser l'économie numérique. Nous devons veiller à assurer l'équité entre les différents acteurs, quelle que soit leur nationalité. Plusieurs pistes fiscales sont envisagées, comme une taxe au clic ou une taxe sur la bande passante » expliquait Fleur Pellerin en avril 2013, alors que la proposition de loi du sénateur Marini, similaire à l'amendent cité ci-dessus, était repoussé par le gouvernement.
« Alors que les responsables politiques français devraient tout mettre en œuvre pour favoriser l’innovation et le développement des nouvelles technologies de l’information, ils s’apprêtent à fragiliser l’essor du commerce électronique et à réduire, d’autant le potentiel, pourtant considérable, de croissance, et donc de création d’emplois induits, que ce secteur d’activité représente » commentait déjà en 2010 l’ASIC, association du web comprenant des acteurs comme Google, eBay, Facebook, Yahoo, Priceminister, Dailymotion, eBuzzing, Deezer et AOL. Des arguments qui ont été utilisés chez nos voisins transalpins et qui ont semble-t-il été écoutés par Matteo Renzi.
Notez que si cette taxe a officiellement disparu en Italie, les appareils technologiques tels que les PC, les tablettes, les smartphones, etc. pourraient voir leurs tarifs augmenter d'ici peu dans la péninsule. En cause, la fameuse redevance copie privée...
L’Italie abandonne sa taxe web anti-évasion fiscale avant son application
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Repoussée par Letta, supprimée par Renzi
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Une problématique à gérer au niveau européen
Commentaires (5)
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Abonnez-vousLe 03/03/2014 à 20h11
Donc les fabricants d’espace de stockage seront taxés mais pas les gros du net ?
Bizarre, ce “deux poids deux mesures”…
Le 03/03/2014 à 22h49
Le 04/03/2014 à 09h11
Ca serait tellement plus simple de taxer seulement les bénéfices, au lieu de faire des magouilles sur “la bande passante ” ou “le clic” mais bon, les sociétés arrivent suffisamment bien à les planquer (cf.Total).
Mais dans une société mondialisée, ça serait pas illogique de prendre les bénéfices totaux d’une boite, de les diviser par le nombre de clients dans chaque pays, et de taxer ça selon le pourcentage du pays… (enfin, je suis idéaliste).
[Presque HS]
Il y avait un très bon reportage sur Le Mouv ce matin sur l’économie coopérative où la nomination du président et les décisions importantes sont votés par l’ensemble des employés une fois par an, les écarts de salaires sont contrôlés et où l’ensemble des bénéfices est réinvesti dans la société (et non distribué aux actionnaires)… eh bien ça me paraissait vachement plus respectueux. J’espère que ça se développera à l’avenir !
[/Presque HS]
Le 04/03/2014 à 09h24
Plusieurs pistes fiscales sont envisagées, comme une taxe au clic ou une taxe sur la bande passante
" /> il m’en faut, fleur ou te fournis-tu ?
J’ai la solution cueillons des carottes pour faire des tartes aux pommes !!!
Le 04/03/2014 à 10h00
La valse européenne ? Un pas en avant, deux pas en arrière !
Ça devient fatiguant de voir qu’aucun politique ne veut prendre les mesures qui s’imposent. Pas la peine de chercher pourquoi notre taux de chômage augmente quand celui des US diminue.
Tant qu’on leur laissera la vente forcée et l’évasion fiscale, M. Gates et ses petits copains dormiront tranquilles sur leurs magots.