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[Tribune] Loi sur le terrorisme : un gouvernement hors sujet

Jean Cattan (LQDN)

[Tribune] Loi sur le terrorisme : un gouvernement hors sujet

Le 12 septembre 2014 à 12h15

Nous publions ci-dessous une tribune de Jean Cattan, juriste, et membre du collège d’orientation stratégique de La Quadrature du Net. Il évoque la question du projet de loi sur le terrorisme, sous le prisme du récent rapport du Conseil d’État. Un texte qui sera examiné dès lundi par les députés.

Voici un rapport qui arrive à point nommé. Quelques jours avant l'examen du projet de loi « terrorisme » en première lecture à l'Assemblée nationale, le Conseil d’État publie une étude extensive sur « Le numérique et les droits fondamentaux ». Droits fondamentaux a-t-on dit ? Oui, dans les grands titres au moins, le rapport entend contribuer à la définition et à la réalité de ces droits. Si certaines des mesures proposées risquent d'aggraver la répression, la démarche d'ensemble reste claire : le numérique fait évoluer nos droits fondamentaux, aux pouvoirs publics d'en assurer une protection plus efficace.

 

Certes, les mesures proposées sont souvent timides et parfois dangereuses, notamment sur la liberté d'expression. Ainsi, la section du rapport et des études du Conseil d’État se refuse à restreindre la portée du blocage de sites Internet, et au contraire laisse la porte ouverte à la censure administrative de l'expression publique à la fois inefficace et disproportionnée

 

Pour autant, il est à remarquer que le blocage n'est nullement évoqué par le Conseil d'État pour enrichir l'arsenal des pouvoirs publics en matière de lutte contre le terrorisme. En cette matière, l'attention des rédacteurs porte plutôt, et à l'inverse serait-on tenté de dire, sur l'équilibre qui doit être recherché dans une société démocratique entre la protection des données personnelles et la lutte contre le terrorisme, face aux excès de cette dernière depuis près de quinze ans.

 

À cet effet, le Conseil d’État s'attache d'abord à mettre en avant le fait que « la collecte de renseignement par la surveillance des communications électroniques est un élément essentiel de la stratégie de défense et de sécurité de la France » (pp.195 et s.), puis à tirer les conséquences de l'annulation de la directive sur la « rétention des données » par la Cour de justice de l'Union européenne quant à la sauvegarde de la sûreté de l’État (pp. 197 et s.) et, plus encore, à défendre l'idée selon laquelle « les garanties entourant la surveillance des communications doivent être renforcées sans porter atteinte à l’efficacité de la lutte contre le crime organisé, du terrorisme et des autres atteintes à la sécurité nationale » (pp. 207 et s.).

La mise en cause de l'équilibre des droits dans une société de surveillance de masse

En somme, même s'il échoue à condamner le blocage des sites terroristes ou manque de se prononcer ouvertement sur ce point, le Conseil d’État se consacre à ce qui nous paraît essentiel : la mise en cause de l'équilibre des droits dans une société de surveillance de masse au nom, notamment, de la lutte antiterroriste :

 

Conseil d'Etat
Rapport du Conseil d'Etat 2014 p.207 et 208

 

C'est l'objet des propositions n°38 à 42 mais surtout de nombreux développements interpellant légitimement la représentation nationale sur la nécessité d'encadrer plus avant l'accès aux données de communication par les pouvoirs publics (pp. 207 et s.). 

 

Autant de développements qui nous font penser qu'en lieu et place des débats auxquels nous assisterons à compter de la semaine prochaine, le Parlement devrait plutôt aborder les questions que soulève le rapport du Conseil d’État. Par exemple, la collecte et la conservation des données par les fournisseurs d'accès à Internet peuvent-elles et doivent-elles être permanentes et générales ? Ou, comment accroître les contrôles indépendants sur les opérations de surveillance ? Des questions qui sont en fait des thématiques législatives imposées par le droit européen, mais dont le législateur français fait fi en préférant étendre sans entrave les modalités de perquisition en ligne (article 10 du projet de loi) ou de déchiffrement (article 11 du projet de loi).

 

Enfin, toujours dans la perspective d'un débat parlementaire sur un projet attentatoire à la liberté d'expression, le rapport nous offre quelques perspectives bienvenues, comme cette citation faite de la Cour suprême américaine par Me Winston Maxwell dans sa contribution personnelle au rapport : « Dès 1927, la Cour Suprême reconnaît que pour lutter contre des idées abjectes, « le meilleur remède est la communication de plus d’idées, non un silence imposé » (Référence étant faite à « Whitney v. California, 274 U.S. 357 (1927)»).

Le blocage des sites n'apporte rien

Il ne s'agit pas de tomber dans l'américanisme ou le libertarisme béat, seulement de s'interroger sur le résultat de nos expériences passées, y compris françaises. Pour ce qui concerne le blocage des sites, nous savons que celui-ci n'apporte rien. Il ne fait rien pour les victimes, n'empêche en rien la commission des crimes et délits et met au contraire sur la sellette la liberté d'expression et d'information de nombreuses personnes. On l'a dit et redit mais surtout expérimenté. C'est le cas en matière de protection du droit d'auteur notamment. Pendant que de nombreux sites sont bloqués, l'industrie du streaming illicite de masse perdure tout en générant des profits occultes et indus. Sous d'autres noms, sous d'autres formes, on aura beau le cacher, le mal désigné est toujours là.

 

Pour ce qui est du terrorisme, que l'on nous démontre en premier lieu en quoi l'administration doit être préférée au juge pour bloquer les contenus concernés (article 9 du projet de loi). Que l'on nous démontre que le simple fait de bloquer un site - mesure facilement contournable - joue un rôle pour prévenir le passage au terrorisme. Que l'on nous dise en quoi les procédures judiciaires d'urgence ne sont pas satisfaisantes ou ne peuvent pas être renforcées.

 

Et si le terrorisme doit apparaître sur Internet, avec son lot d'horreurs et de bêtises, alors jugeons-le et condamnons-le comme on juge et condamne les terroristes dans nos tribunaux, de manière contradictoire, transparente et publique. Mais n'acceptons pas la mise sous silence préalable entre les murs de l'administration. Il en va de la légitimité de notre combat pour la paix et de notre capacité à rester fidèles aux valeurs de la démocratie et de l'État de droit.

Commentaires (10)

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CUlater a écrit :



Pas trop non plus sinon elle aurait le temps de plus se pencher sur les affaires douteuses de notre “élite”… <img data-src=" />





Une petite enquête sur chaque élu à la fin de leur mandat pour vérifier, qu’ils n’ont pas abuser de leur position j’aimerai bien perso. Bien sur cela s’appliquerai aussi aux élus d’association et de syndicats.


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amikuns a écrit :



Une petite enquête sur chaque élu à la fin de leur mandat pour vérifier, qu’ils n’ont pas abuser de leur position j’aimerai bien perso. Bien sur cela s’appliquerai aussi aux élus d’association et de syndicats.





Passera jamais ça :)

Même avec un référendum :)


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amikuns a écrit :



Une petite enquête sur chaque élu à la fin de leur mandat pour vérifier, qu’ils n’ont pas abuser de leur position j’aimerai bien perso. Bien sur cela s’appliquerai aussi aux élus d’association et de syndicats.





pourquoi les associations et les syndicats? je comprend pour les élus amis eux…


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the_frogkiller a écrit :



pourquoi les associations et les syndicats? je comprend pour les élus amis eux…





Il y a eu quelque cas de dirigeant d’associations qui ont abusé, comme le scandale de l’arc, le financement des syndicats(il n’y à pas que des syndicats ouvriériste) c’est un peu comme le financement des parties politiques, tout les montants devrait être justifier pour éviter les caisses noires comme le cas de l’UIMM, mais ce n’est que mon avis personnel là.


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amikuns a écrit :



Une petite enquête sur chaque élu à la fin de leur mandat pour vérifier, qu’ils n’ont pas abuser de leur position j’aimerai bien perso. Bien sur cela s’appliquerai aussi aux élus d’association et de syndicats.





Au début et à la fin. Les apprentis escrocs seraient alors bien moins nombreux pour tenter de nous piller sous couvert de pédo-terrorisme ou autre grossier subterfuge de leur invention. Il n’y a vraiment qu’en politique où on se permet d’embaucher du personnel non qualifié pour postuler à une fonction sensée être le pinacle de l’activité publique.


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amikuns a écrit :



Il y a eu quelque cas de dirigeant d’associations qui ont abusé, comme le scandale de l’arc, le financement des syndicats(il n’y à pas que des syndicats ouvriériste) c’est un peu comme le financement des parties politiques, tout les montants devrait être justifier pour éviter les caisses noires comme le cas de l’UIMM, mais ce n’est que mon avis personnel là.





bah dans ce cas il faut faire des enquêtes sur toutes les personnes qui peuvent avoir accès à une trésorerie. On peut trouver des palanqués de dirigeants et autres qui ont abusés…


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ça fait du bien de lire des tribunes sensées.

Après comme d’habitude on n’écoutera pas la voix de la sagesse.

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CUlater a écrit :



Pas trop non plus sinon elle aurait le temps de plus se pencher sur les affaires douteuses de notre “élite”… <img data-src=" />







oulala ! pas près d’avoir fini dans ce cas


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Pour que la justice soit plus efficace et diligente, faudrait augmenté son budget de façon très significative, je pense que le doubler serait un bon début.

http://www.franceinfo.fr/actu/justice/article/budget-de-la-justice-la-france-tou…

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amikuns a écrit :



Pour que la justice soit plus efficace et diligente, faudrait augmenté son budget de façon très significative, je pense que le doubler serait un bon début.

http://www.franceinfo.fr/actu/justice/article/budget-de-la-justice-la-france-tou…



Pas trop non plus sinon elle aurait le temps de plus se pencher sur les affaires douteuses de notre “élite”… <img data-src=" />


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