Le droit à l’oubli aux portes du registre du commerce et des sociétés
Liquider la liquidation
Le 13 juin 2016 à 08h20
3 min
Droit
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Après sa consécration dans les moteurs de recherche, la Cour de justice de l’Union européenne va-t-elle reconnaître le droit à l’oubli (ou plutôt droit à l’effacement) cette fois dans le registre des sociétés ? L’épineuse question lui a été soumise dans une affaire italienne.
L’administrateur d’une société de construction de bâtiments s’était vu attribuer un marché pour un complexe touristique. Or, selon lui cependant, ces biens ne se sont pas vendus car il apparaissait dans le « registre des sociétés » national, équivalent de notre registre du commerce et des sociétés (RCS), qu’il avait conduit à la faillite en 1992, une société liquidée en 2005. Si ces enregistrements nominatifs sont en principe disponibles sans limite de temps en Italie, l’entrepreneur avait malgré réussi à obtenir la radiation de son nom devant la justice en 2011. L’affaire a cependant été contestée devant la Cour de cassation qui, dans le doute, a saisi la CJUE.
Confrontation entre deux directives
À Luxembourg, les plaidoiries sont programmées mercredi prochain. Les conclusions de l’avocat général suivront, avant une décision attendue dans quelques mois. Si la Cour a déjà considéré un tel droit à l’effacement dans les moteurs de recherche, cette fois, le nœud du problème est plus complexe en raison de la confrontation de deux directives.
D’un côté, l’article 3 de la directive 68/151/CEE impose un registre des sociétés où chaque État membre doit faire publier de nombreux actes, accessibles à tous. De l’autre, la directive de 1995 relative à « la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel », prévoit en son article 6 que ces données personnelles doivent être conservées pendant une durée non excessive. La Cour de cassation italienne demande du coup s’il ne devrait pas y avoir des limitations (temps/destinataire) quelconque pour reconnaître un droit à l’oubli dans le registre des sociétés. Ce droit à l’effacement permettrait ainsi à chacun de se refaire peu ou prou une virginité sur un passé entrepreneurial peu scintillant.
Quelles répercussions en France ?
Cette affaire pourrait avoir des répercussions en France. Selon des informations glanées auprès d’un greffe de tribunal de commerce, si les mesures d’interdiction de gérer, décidées par un juge, sont effacées du RCS à la fin de l’interdiction, tout comme les plans de redressement ou de sauvegarde, au bout de 5 ans, les mesures de liquidations restent par contre inscrites sans limite de durée.
Le droit à l’oubli aux portes du registre du commerce et des sociétés
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Confrontation entre deux directives
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Quelles répercussions en France ?
Commentaires (8)
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Abonnez-vousLe 13/06/2016 à 09h06
Problème épineux mais :
Bref la question réglementaire est fondé mais je crains que la réponse ne profite a personne.
Le 13/06/2016 à 10h40
Tout est question de mesure et de pondération. Après combien de temps l’information reste-t-elle pertinente pour le public? Est-ce que simplement radier le nom peut suffire? faut-il restreindre l’accès à l’information à celui qui en a vraiment besoin?
Faire faillite ça arrive, c’est embêtant, pas que pour le patron mais il y a un risque à entreprendre et on considère que faire faillite est normal dans la mesure où on n’a pas eu de comportement spécifiquement illicite. Jusqu’à quand doit-on en porter le fardeau? Ou jusqu’à quand est-ce que le public a besoin de savoir que la personne a fait faillite?
Après lorsqu’il s’agit de signer quelque chose ou de faire du business on a vite tendance à aller consulter sur internet avec qui on traite, et on tombe souvent sur des sites reprenant ces registres, ou nous menant à ces mêmes registres. Je pense donc que ça peut vraiment avoir un impact sur la capacité à lever des fonds plus tard.
Le 13/06/2016 à 11h23
Cette inscription est un vrai problème en France.
Subir un échec ne devrait pas être une honte car comment en vouloir à celui qui tente sa chance ? Heureusement que beaucoup l’ont fait car sinon bon nombre d’entreprises n’existeraient pas aujourd’hui. S’il y en avait plus cela résoudrait peut-être certains problèmes d’emplois…
Dans d’autres pays, principalement anglo-saxons, cette inscription n’a pas cette connotation négative, ou en tous cas pas autant.
Le 13/06/2016 à 11h26
En effet, je ne dit pas le contraire. Tout le monde a droit a une deuxième chance, ou plus. Il faut peut être apprendre aux gens que personne n’est parfait et que l’on a tous droit à l’erreur. Mais je reste convaincu qu’il ne faut pas non plus privé une population d’une source d’information juste pour que certains soient en mesure de se relancer.
Je ne suis pas pour leur mettre une pancarte dans le dos, mais pas non plus leur refaire une virginité sans effort.
Le 13/06/2016 à 11h39
Le 13/06/2016 à 11h59
Tu as tout à fait raison, il y a un intérêt légitime de chaque côté de la balance.
Le 13/06/2016 à 12h08
Le 13/06/2016 à 12h49