Données de santé : les instances européennes s’accordent sur un Espace commun
Fumar puede matar
Vendredi, la Commission européenne, le Parlement et le Conseil se sont mis d’accord sur l’espace européen des données de santé. Le règlement, qui doit encore être formellement adopté par le Parlement et le Conseil, établit un cadre pour l’utilisation des données de santé, pour les citoyens de l’Union comme pour les professionnels de santé et la recherche.
Le 18 mars à 16h24
7 min
Droit
Droit
Beaucoup de mouvement en ce moment pour les données de santé. Aussi personnelles que sensibles, elles ont alimenté l’actualité avec les fuites géantes chez Viamedis et Almerys, prestataires du tiers payant. Des fuites dont l’ampleur a été largement dépassée la semaine dernière par le « casse » chez France Travail, qui pourrait concerner 43 millions de personnes.
Les données de santé sont surtout au cœur de débats vifs sur leur utilisation et leur stockage. En France, le Health Data Hub doit théoriquement servir de guichet unique. Seulement, le stockage des données dans le cloud de Microsoft (Azure) fait polémique et alimente les discussions sur la souveraineté française dans le domaine des données sensibles.
Récemment, la décision de la CNIL d’autoriser à nouveau le stockage des données du projet EMC2 a mis le feu aux poudres. C’est sans surprise que l’on a appris il y a quelques jours qu’un recours devant le Conseil d’État avait été déposé par un groupe comprenant des entreprises (dont Clever Cloud), des associations et des particuliers. L’audience aura lieu demain et la décision est attendue dans les jours suivants.
C’est dans ce contexte chargé que la Commission européenne s’est félicitée vendredi 15 mars d’un accord entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union sur l’espace européen des données de santé ou EHDS (Health European Data Space).
Cet espace européen « libérera le potentiel des données de santé pour le développement de traitements et de dispositifs innovants et vitaux, ainsi que pour une meilleure prise de décision en matière de santé, le tout avec des garanties solides en matière de protection des données et de sécurité. Notre Union de la santé repose sur la coopération, et l'espace européen des données de santé sera l'un des exemples les plus forts et les plus emblématiques de ce que nous pouvons réaliser lorsque nous nous unissons », s’est félicitée Stella Kyriakides, commissaire à la santé.
Un espace européen, pour quoi faire ?
Comme l’indique la Commission dans son communiqué, le texte présenté en mai 2022 avait surtout deux objectifs :
- Le contrôle total par les citoyens de leurs données de santé dans l’ensemble de l’Union
- L’ouverture des données à la recherche et aux utilisations par la santé publique
Le premier point représente la mesure principale. C’est un vaste chantier puisqu’il inclut notamment le contrôle face aux praticiens, mais également pour les utilisations secondaires. Les citoyens européens pourront notamment savoir ce qui est fait de leurs informations et bloquer un certain nombre de scénarios.
L’élargissement de cette gestion à l’ensemble de l’Union européenne doit également permettre la simplification administrative de la prise en charge dans tous les pays membre. Si un ressortissant français se fait soigner en Espagne ou en Italie par exemple, ses données pourront être consultées – avec son accord – par un praticien local. Avec à la clé, espère l’Europe, des économies de temps et d’argent, ainsi qu’une réduction des erreurs. Les instances les estiment à 5,5 milliards d’euros sur dix ans.
Avec l’EHDS, les citoyens pourront à terme accéder à leurs données « sous forme électronique, immédiatement et sans frais ». Ces informations pourront être « partagées avec des professionnels de santé, dans votre pays ou par-delà les frontières ». On pourra y « ajouter des informations, corriger des erreurs, restreindre l’accès [aux] données et obtenir des informations sur la manière dont elles sont utilisées ». Le tout dans un format européen commun.
Un Conseil européen de l'espace des données de santé sera créé. Il sera composé de représentants des autorités de santé numérique et des nouveaux organismes d'accès aux données de santé de tous les États membres. Il veillera à « une application cohérente des règles dans l'ensemble de l'UE, notamment en conseillant la Commission européenne, tout en coopérant avec d'autres organes de l'UE et des parties prenantes telles que les associations de patients ».
Les autres utilisations des données de santé
Il y a cependant un autre volet, tout aussi important : les utilisations secondaires, pour lesquelles la Commission voit principalement deux cas. D’abord, pour aider les décideurs et les autorités de réglementation, en leur permettant d’accéder à des données de santé pertinentes. On parle ici de brassage pour obtenir une foule de statistiques. Ensuite, pour faciliter l’accès des chercheurs à ces données. Le Health Data Hub, en France, est un exemple concret.
Point commun à toutes les utilisations secondaires, les données seront anonymisées ou pseudonymisées. Dans son factsheet sur l’EHDS, la Commission promet ainsi aux chercheurs qu’ils auront « accès à de grandes quantités de données de santé d’une meilleure qualité », qu’ils auront « la possibilité de savoir quelles données sont disponibles, à quel endroit et quelle est leur qualité », ainsi qu’un accès « aux données de manière plus efficace et moins coûteuse ».
Idem pour les autorités de réglementation et les décideurs : « Vous bénéficierez d’un accès simplifié, plus transparent et moins coûteux à des données de santé, au bénéfice de la santé publique et du fonctionnement général des systèmes de soins de santé, ainsi que pour garantir la sécurité des patients ».
Là aussi, la Commission indique que 5,4 milliards d’euros d’économies sont attendus par la simplification des accès.
Il est précisé à plusieurs reprises que les citoyens auront le contrôle sur le partage de leurs données à des fins de recherche ou de processus décisionnels. On ne sait cependant pas encore s’il s’agira d’un processus d’opt-in ou d’opt-out.
Un énorme chantier
L’harmonisation des pratiques administratives, le contrôle des données et leur utilisation à des fins de recherche sont les trois piliers de l’EHDS. Il reste cependant de nombreux points et questions en suspens.
Le financement tout d’abord. L’Europe prévoit environ 11 milliards d’euros d’économies sur dix ans, mais un investissement sera nécessaire pour mettre en place le nouveau cadre. Selon la Commission, les États membres ont prévu un budget de 12 milliards d’euros « pour des investissements dans la santé numérique au titre de la facilité pour la relance et la résilience ». La Commission laisse entendre que ce fonds sera utilisé, de même que le Fonds européen de développement régional et Invest EU.
La Commission fournira elle-même 810 millions d’euros pour soutenir l’EHDS. « 280 millions d'euros seront disponibles dans le cadre du programme EU4Health et le reste sera financé par le programme Digital Europe, le Connecting Europe Facility et Horizon Europe », précise-t-elle.
On ne sait pas non plus comment l’EHDS va s’articuler avec les éléments déjà en place, le Health Data Hub en tête. S’il semble évident que le fonctionnement devra en être modifié pour s’adapter au nouveau cadre, l’ampleur du changement reste inconnue. Il se pourrait que cette évolution aille dans le sens du rapport interministériel dont nous nous étions fait l’écho le mois dernier, et qui militait pour une simplification des accès, de nombreux chercheurs étant découragés par le nombre de démarches à effectuer en France.
Nous reviendrons dans un prochain article sur les changements que l’espace européen des données de santé impliqué en France.
Données de santé : les instances européennes s’accordent sur un Espace commun
-
Un espace européen, pour quoi faire ?
-
Les autres utilisations des données de santé
-
Un énorme chantier
Commentaires (1)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 18/03/2024 à 22h41