État d’urgence : le régime des perquisitions informatiques partiellement censuré par le juge constitutionnel
Vous avez bien saisi ce coup-ci ?
Le 02 décembre 2016 à 11h00
4 min
Droit
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Le Conseil constitutionnel a jugé vendredi 2 décembre que le régime de perquisitions informatiques prévu par la dernière loi sur l’état d’urgence était globalement conforme aux textes fondateurs. Il a cependant décidé de l’abrogation, applicable au 1er mars, d’une disposition relative à la conservation (illimitée dans le temps) de certaines données saisies.
Suite à une première censure des « Sages » de la Rue Montpensier, le législateur avait été contraint de revoir sa copie. La dernière loi prorogeant l’état d’urgence, prise au lendemain de l’attentat de Nice, en juillet dernier, permet ainsi aux autorités d’exploiter pendant cette période exceptionnelle les données informatiques glanées sur les lieux perquisitionnés car fréquentés par une personne présentant une « menace » pour « l’ordre et la sécurité publics ».
Les dispositions contestées « autorisent, lors de telles perquisitions, la saisie des données contenues dans tout système informatique ou équipement terminal se trouvant sur les lieux ou contenues dans un autre système informatique ou équipement terminal, dès lors que ces données sont accessibles à partir du système initial ou disponibles pour ce système », rappelle-t-on Rue Montpensier.
Le juge n’intervient que pour donner son feu vert à l’exploitation de ces données. Dans l'attente de sa décision, « les données sont placées sous la responsabilité du chef du service ayant procédé à la perquisition et nul ne peut y avoir accès », souligne le Conseil constitutionnel.
Le juge valide les conditions de saisie et d’exploitation des données perquisitionnées
Le problème soulevé par les plaignants, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (« QPC ») ? En permettant la saisie de données et de matériels informatiques lors de perquisitions administratives dans le cadre de l'état d'urgence, sans autorisation préalable d'un juge et « sans limiter suffisamment les conditions d'accès aux données ainsi saisies », le législateur aurait porté une « atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au droit à un recours juridictionnel effectif ».
Le Conseil constitutionnel n’a toutefois pas été de cet avis. Dans son arrêt de ce matin, il juge que les dispositions contestées « déterminent les conditions de mise en œuvre [du nouveau régime] et imposent l'autorisation préalable, par un juge, de l'exploitation des données collectées, laquelle ne peut porter sur celles dépourvues de lien avec la menace. En prévoyant ces différentes garanties légales, le législateur a, en ce qui concerne la saisie et l'exploitation de données informatiques, assuré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre le droit au respect de la vie privée et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. Il n'a pas non plus méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif. »
Faute de limitation, une conservation parfois illimitée
Les « Sages » ont néanmoins tiqué sur un autre volet de ce régime, celui relatif à la conservation des données saisies (une fois que le juge a autorisé leur exploitation). Deux cas de figure peuvent aujourd’hui se présenter. Soit les forces de l’ordre constatent une infraction, auquel cas les données sont conservées selon les règles applicables en matière de procédure pénale. Soit les données sont en lien avec une menace, mais ne conduisent à la constatation d'aucune infraction, auquel cas « le législateur n'a prévu aucun délai, après la fin de l'état d'urgence, à l'issue duquel ces données sont détruites », relève le Conseil constitutionnel. Typiquement, ces données sont celles que peuvent ensuite utiliser les services du renseignement.
Par conséquent, « le législateur n'a, en ce qui concerne la conservation de ces données, pas prévu de garanties légales propres à assurer une conciliation équilibrée entre le droit au respect de la vie privée et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public », condamne-t-il.
Une censure effective à compter du 1er mars 2017
Pour ne pas engendrer des « conséquences manifestement excessives », notamment pour le travail des forces de l’ordre, et « afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée », la haute juridiction a décidé de reporter la date d’abrogation des dispositions litigieuses au 1er mars 2017.
Si le législateur n’intervient pas d’ici là, toutes les données copiées devront être « détruites à l'expiration d'un délai maximal de trois mois à compter de la date de la perquisition ou de la date à laquelle le juge des référés, saisi dans ce délai, en a autorisé l'exploitation ».
État d’urgence : le régime des perquisitions informatiques partiellement censuré par le juge constitutionnel
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Le juge valide les conditions de saisie et d’exploitation des données perquisitionnées
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Faute de limitation, une conservation parfois illimitée
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Une censure effective à compter du 1er mars 2017
Commentaires (22)
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Abonnez-vousLe 02/12/2016 à 11h18
Au moins grâce à la QDN, l’État se force à borner ses pouvoirs.
Dommage que cela n’a ps été fait dans l’hémicycle.
Le 02/12/2016 à 11h34
Naif " />
ça fait bien longtemps que nous ne sommes plus en démocratie mais en post-démocratie.
Le 02/12/2016 à 11h49
donc l’affaire zone-téléchargement est annulée pour vice de forme ?
tant mieux parce que les admins en prison voulaient le rouvrir en changeant juste le nom de “zone-télechargement” en “zonzon-téléchargement”.
Le 02/12/2016 à 11h52
je sais , plus trop naïf : provocateur on dira ;-)
Le 02/12/2016 à 11h52
Le 02/12/2016 à 13h42
FH2017 !
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Le 02/12/2016 à 14h52
Je crois que ce n’est pas eux cette fois-ci.
Mais comme ils font du bon boulot dans ce domaine, allez les aider !
Pour plus de censure (constitutionnelle) :
https://soutien.laquadrature.net/
" />
Le 02/12/2016 à 15h57
”…une conciliation équilibrée entre le droit au respect de la vie privée…”
belle tournure de phrase….je la ressortirai, à l’occasion, tiens !
Le 02/12/2016 à 16h02
”…principes démocratiques hérités d’un système démocratique, sans pour autant les respecter dans les fait”
cette phrase, aussi, me plait bien !
Wikipedia
Le 02/12/2016 à 16h30
« le législateur n’a prévu aucun délai, après la fin de l’état d’urgence, à l’issue duquel ces données sont détruites »
Et imaginons un instant que l’état d’urgence ne s’arrête jamais… ?
Le 02/12/2016 à 22h00
Merci du terme … je ne connaissais pas.
Donc si je comprends bien, la post-démocratie, c’est : tu as le droit de t’exprimer tant que ton expression correspond à ma volonté.
C’est clair que quand on se sert de la démocratie pour stigmatiser un ensemble d’idées mal nées, ou bien quand on tente par tout moyen possible d’imposer ce qui aurait dû être voté par le peuple, on se retrouve plus devant une malfaçon de démocratie que devant une démocratie.
inconstitutionalité du brexit, mini-traité, refus catégorique de la proportionnelle, 49.3, tout ça …
Le 02/12/2016 à 23h03
Je suis le seul à avoir lu rue Dépensier ? " />
Le 03/12/2016 à 09h16
De toutes façons ce pseudo état d’urgence c’est une vaste blague juste bonne à justifier la succession de lois/d’arrêtés/de décrets liberticides qu’on se prend dans le fion depuis quelques temps, dans le monde réel les fêtes de fin d’années approchant en ce moment c’est la fête du cambriolage et du pétage de véhicules pour voler tout ce qui peut avoir de la valeur dedans (dans ma boite on vient de se faire péter 3 fourgons en 2 semaines …) et c’est pas des forces de l’ordre en sous effectifs et complètement rincés par des mois de mobilisation “d’urgence” qui vont arriver à enrayer ça …
Du coup pas fâché de voir Manu et Bernie se prendre un petit désaveux dans les dents par le CC même si je me fait pas d’illusion ils vont juste changer 2-3 virgules à leur texte et le resservir dans la foulée comme si de rien était.
Manu et Bernie c’est un peu les Jacky et Michel de la politique, là où ils passe tu sais d’avance que ça va faire mal au cul " />
Le 03/12/2016 à 11h25
C’est pas tellement ça…
C’est plutôt que le peuple vote, pour qui il veut, comme dans une démocratie. Sauf que ce ne sont pas ces gens-là qui détiennent réellement le pouvoir.
Le vrai pouvoir est entre les mains de grosses entreprises et de gens non élus par le peuple, siégeant dans des commissions.
Le 03/12/2016 à 12h14
Alors pour préciser le déni de démocratie que j’ai pointé, il faudra inventer la mal-démocratie.
Note que les deux sont compatibles.
Les think-tanks sont en train de penser dans tous les sens comment retourner le brexit. Il n’y a qu’à écouter les émissions bien-pensantes sur BFM TV / Radio.
Il n’y a qu’à entendre tout ceux qui ont regretté d’avoir laissé le peuple s’exprimer aux Etats-Unis, ou encore mieux : qui font du lobbying pour montrer que la victoire constitutionnelle (si on respecte la loi) peut être contournée car selon les vrais pourcentages ce serait autre candidat qui aurait gagné (celle qui aurait dû être élue si le peuple avait respecté les sondages qu’on lui livrait à manger comme une bouillie à bébé).
… marrant d’ailleurs, car en France, ceux qui sont les plus prompts à citer l’argument de la proportionnelle pour les USA sont aussi les premiers à refuser la proportionnelle aux élections législatives dans le but de garantir nos institutions et de mieux faire un barrage Républicain " />
Il y a bien longtemps que nombre de politiques ne disent que ce que les lobbystes leur écrivent. En France, c’est réglementé … officiellement … mais à Bruxelles, le lobbying tout azimut est autorisé jusque dans le hall du Caprice des Dieux.
Qui tiens les élus (dits élus du peuple) si ce ne sont ceux qui influent sur les opinions ?
Et qui tiens les lobbystes si ce ne sont ceux qui les payent ?
Qui paye ?
Ah oups, la loi Tasca tant décriée par l’opposition de l’époque (UMP) n’a pas été abrogée mais renforcée par Dadvsi une fois que l’opposition est venue au pouvoir (et alors que la nouvelle opposition PS poussait à son tour des cris d’orfraie) …
Pourquoi l’alternance de la démocratie UMP/PS n’a-t-elle fait qu’obtenir un renforcement et non une abrogation de ce qui faisait (et fait encore) juste bondir les informaticiens que nous sommes ?
La post-démocratie n’est que l’exercice du pouvoir par des grosses entreprises ?
Quand l’alternance politique ne se concrétise que par les mêmes actes, motivés de la même façon, n’y vois-tu pas une similitude dans l’exercice du pouvoir ?
Le 03/12/2016 à 12h15
De toutes façons la “démocratie” actuelle a totalement été déformée/pervertie par les hommes politiques au point qu’on se demande quel sens elle a encore.
Perso l’an prochain ce sera la 3ème fois de suite que j’irais voter non pas pour le candidat dont je partage globalement les idées mais pour essayer de dégager celui dont le trouve les idées les plus nauséabondes et ce coup ci le choix risque d’être encore plus difficile que les fois précédentes vu le niveau catastrophique de tous les tartufes déja déclarés et de ceux à venir " />
Le 03/12/2016 à 12h20
En 2012, pendant le débat du second tour, Tartuffe était l’accusation d’un certain Nicolas envers un certain François …
… cherchez les erreurs " />
Le 03/12/2016 à 12h49
La 1ère erreur c’est que des gens qui ont eu des démêlés avec la justice, et pour certains ont même été condamnés, aient encore l’autorisation (je n’ose même pas parler de décence ou de scrupules vu que ces concepts leurs sont totalement étrangers) de se présenter à un poste majeur de représentation de l’état , au passage d’ailleurs pour le quidam moyen la moindre inscription au casier judiciaire même pour des faits mineurs compromet fortement toute embauche dans la fonction publique, 2 poids 2 mesures ?
Après si on avait éliminé tous les repris de justice lors de la primaire des ripouxblicains il n’y aurait probablement pas eu besoin de l’organiser faute de postulants " />
Le 03/12/2016 à 13h19
ripouxblicains
Un pour tous, tous pourris.
L’allusion aux mousquetaires, c’était aussi l’argument de Mélanchon sur France 2, cette semaine.
Après la pantomime de droite, on voit arriver celle de gauche … au moins ça va nous amuser pendant quelques mois et justifier de payer la taxe audiovisuelle.
Le 03/12/2016 à 17h28
Aucun lien avec le bouffon grognon (je peut pas le pifrer ce gars là), ce jeu de mots m’est venu spontanément quand j’ai entendu le nom de leur “nouveau” parti, sans doute qu’inconsciemment l’association d’idée m’a semblé logique " />
Sinon pour le reste moi aussi j’ai “hate” de voir qui le PS va coller en face de Fester Addams " />
Le 04/12/2016 à 16h41
Edit : Mal lu.
Le 02/12/2016 à 11h16
“Une censure effective à compter du 1er mars 2017”
Pile poil en pleine campagne électorale : moi qui croyait être en démocratie !