Au Sénat, la grande évasion de la surveillance en prison
Le trousseau de Jean-Jacques
Le 26 janvier 2017 à 11h00
6 min
Droit
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Le projet de loi sur la sécurité publique a été adopté par le Sénat. Transmis aux députés, le texte a été modifié pour revoir le spectre du renseignement pénitentiaire ainsi que le Code de procédure pénale, autour du thème de la surveillance en prison.
En effet, explique le gouvernement auteur d'un amendement dédié, « il est apparu nécessaire d’apporter un plus grand détail aux garanties prévues par le texte (modalités de demande, durée de l’autorisation, voies de recours) qui ne pouvaient relever du seul pouvoir réglementaire », explique l’exécutif qui craignait donc une fragilité de l’édifice.
Cette rustine a été jugée nécessaire pour sécuriser un récent décret publié au Journal officiel qui entrera en vigueur le 1er février prochain. Pour l'ausculter, il faut scruter la surveillance prévue soit dans le Code de procédure pénale, soit dans le Code de la sécurité intérieure.
La surveillance dans le Code de procédure pénale
Pour s’en tenir au texte adopté par les sénateurs, retenons avant tout que c’est désormais le ministre de la Justice qui va pouvoir autoriser durant un an, des agents de l’administration pénitentiaire à réaliser toute une série d’actes à l’encontre des personnes détenues. Ces mesures sont fléchées : prévention des évasions, sécurité et bon ordre des établissements.
Les agents pourront ainsi « intercepter, enregistrer, transcrire ou interrompre les correspondances de personnes détenues émises par la voie des communications électroniques et autorisées en détention », puis conserver les données afférentes. Toutes les communications seront concernées, « à l’exception de celles avec leur avocat », ce qui supposera un tri parfois a posteriori à l’échange intercepté.
De plus, ces mêmes agents désignés par la Chancellerie pourront pratiquer un « piratage légal », et donc « accéder aux données stockées dans un équipement terminal ou un système informatique qu’utilise une personne détenue et dont l’utilisation est autorisée en détention ». Ces données pourront être enregistrées, conservées et/ou transmises.
Les personnes détenues mais aussi leurs correspondants seront informés au préalable des l’ensemble de ces dispositions.
Ces opérations permettront notamment de dénicher d’éventuels équipements ou supports dont la détention est illicite (téléphones portables, etc.). Dans une telle hypothèse, cette découverte fera l’objet d’un avis au procureur de la République. Fait notable, ce magistrat pourra autoriser l’administration pénitentiaire à conserver ces objets « s’il estime que ceux-ci ne sont pas utiles à la manifestation de la vérité ».
Ces opérations feront enfin l’objet d’une inscription dans un registre et la décision initiale du ministère de la Justice pourra faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. Un décret est prévu pour mettre en application ces mesures. En toute logique, il devrait prévoir le contrôle par le procureur de la République de l’ensemble de ces opérations.
Sur le terrain du renseignement pénitentiaire
Suite à la récente loi sur la réforme pénale, le pénitentiaire a intégré le second cercle du renseignement. L’amendement vient accompagner cette intégration. Pour faire simple, il créé une nouvelle finalité justifiant le déploiement des outils de surveillance. C’est celle visant à « prévenir les évasions et d’assurer la sécurité et le bon ordre des établissements pénitentiaires ou des établissements de santé destinés à recevoir des personnes détenues ».
Ceci justifié, et après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques du renseignement, les services pénitentiaires pourront donc mettre en œuvre différentes techniques à l’encontre des seules personnes détenues. Pour y voir plus clair, il faut désormais coupler ces outils avec les finalités selon ce qui est prévu par l’amendement du gouvernement ou par le récent décret précité. En effet, celui-ci a aussi autorisé plusieurs techniques de surveillance mais cette fois pour prévenir le terrorisme ou la criminalité organisée. Faisons le point :
Finalité « bon ordre, sécurité des prisons et prévention des évasions » :
- Recueil des données de connexion chez les intermédiaires techniques (L851-1)
- Recueil des données de connexion en temps réel (L851-4)
- Localisation en temps réel d’une personne, d’un véhicule ou d’un objet (L851-5)
- Recueil des données techniques relatives à la localisation des équipements terminaux, en temps réel (L851-6)
- Interception des correspondances (L852-1)
Finalité « prévention du terrorisme, prévention de la criminalité organisée » :
- Recueil des données de connexion chez les intermédiaires techniques (L851-1)
- Recueil des données de connexion en temps réel (L851-4)
- Localisation en temps réel d’une personne, d’un véhicule ou d’un objet (L851-5)
- Recueil des données techniques relatives à la localisation des équipements terminaux, en temps réel (L851-6)
- Interception des correspondances (L852-1)
- Interception des correspondances par l’utilisation de l’IMSI catcher et autres dispositifs assimilés (L852-1)
- Captation, fixation, transmission et enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, ou d'images dans un lieu privé (I du L853-1)
- Accès aux données informatiques stockées dans un système, utilisation de chevaux de Troie ou de Keylogger (I du L853-2)
- Introduction dans un véhicule ou un lieu privé ne constituant pas une habitation pour y mettre une balise de géolocalisation (L851-5)
- Introduction dans un véhicule ou un lieu privé ne constituant pas une habitation pour y placer une caméra ou un micro (L853-1)
- Introduction dans un véhicule ou un lieu privé ne constituant pas une habitation pour y placer un logiciel espion (2° du I du L853-2)
- Introduction dans une habitation pour mettre en place, utiliser ou retirer un système de localisation en temps réel une personne, d’un véhicule ou d’un objet (article L851-5) un système permettant la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, ou d'images dans un lieu privé (L853-1) ou un logiciel espion (2° du I. du L853-2)
- Pénétration dans un système informatique, pour enregistrer, conserver et transmettre des données (1° du I du L853-2)
L’amendement a été adopté sans long débat par le Sénat. Le texte part maintenant à l’Assemblée nationale.
Au Sénat, la grande évasion de la surveillance en prison
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La surveillance dans le Code de procédure pénale
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Sur le terrain du renseignement pénitentiaire
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Finalité « bon ordre, sécurité des prisons et prévention des évasions » :
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Finalité « prévention du terrorisme, prévention de la criminalité organisée » :
Commentaires (24)
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Abonnez-vousLe 26/01/2017 à 11h04
Le renseignement pénitentiaire est en bonne voie : ils ont réussi à infiltrer Guéant dans les prisons.
Le 26/01/2017 à 11h05
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Le 26/01/2017 à 11h09
Le 26/01/2017 à 11h10
Il n’a pas encore eu droit à la savonnette ? " />
Le 26/01/2017 à 11h13
Le 26/01/2017 à 11h16
le point sensible est bien évidemment la surveillance globale des communications du détenu sans pour autant capter les échanges avec son avocat.
là il va falloir quand même de solides garanties, mais visiblement le texte est classiquement très léger sur ce sujet. il faut à mon sens des moyens techniques pour empêcher une telle captation, et pas un tri manuel par un agent local directement aux prises avec les détenus.
Le 26/01/2017 à 12h49
Dire que ce pourri a été ministre….
Le pire c’est qu’il ira même pas en taule http://www.liberation.fr/france/2017/01/25/pourquoi-claude-gueant-n-ira-probablement-pas-en-prison_1543960 quel pays…
Le 27/01/2017 à 14h49
Le 26/01/2017 à 12h52
D’un autre côté c’est la fête du slip en prison d’après ce que j’ai lu à droite à gauche… PS3, cannabis, téléphone portable et selfie sur snapchat " />
Le 26/01/2017 à 13h57
Oui du coup les places en prison sont très demandées tellement c’est cool " /> .
(je suis hautement ironique évidemment. De plus si certains trafics ont toujours existé en prison, et que la situation actuelle fait qu’il y a pas mal de mobiles, certains établissements sont plus durs que d’autres, et de toutes façons sans argent on n’a rien, même pas de PQ)
Le 26/01/2017 à 14h36
De plus, ces mêmes agents désignés par la Chancellerie pourront pratiquer un « piratage légal », et donc « accéder aux données stockées dans un équipement terminal ou un système informatique qu’utilise une personne détenue et dont l’utilisation est autorisée en détention ». Ces données pourront être enregistrées, conservées et/ou transmises.
Ça, c’est clairement inconstitutionnel.
Je ne comprends même pas le raisonnement utilisé pour arriver jusque là.
Soit tu autorises, soit tu interdis.
Tu ne fais pas un truc batard intermédiaire du genre “j’autorise avec un viol constant de ta dignité et du peu d’intimité qu’il te reste”…
Le 26/01/2017 à 15h47
Enfin pour le coup, c’est pas un passe droit, c’est la même chose pour toi ou moi.
Pas que j’aie de sympathie personnelle pour Claude GUEANT mais je ne vois pas pourquoi il devrait aller en taule et coûter du pognon à la société. Très franchement, je ne me sens pas en insécurité de savoir qu’il arpente nos rues.
Enfin, le ton de l’article est quand même très très dérangeant. C’est ultra rare de prendre le maximum encouru pour une infraction. Je ne suis pas certain que ce soit le cas, mais c’est d’autant plus vrai pour un primo délinquant.
Le 26/01/2017 à 17h07
Le 26/01/2017 à 17h08
Le 26/01/2017 à 17h30
Le 26/01/2017 à 17h36
il va être dangereux d’habiter près des prisons, l’IMSI Catcher ne faisant pas de différence entre la prison et les maisons avoisinante… " />
et quand est-il d’un mec qui utilise TOR et donc les correspondants ne sont donc plus visible ?
La réponse serait donc le piratage du terminal ? et si le mec utilise un linux bien rodé avec un firewall ?
Visiblement pas d’ordinateur autorisé du coup ? Donc tablette ou téléphone autorisé seulement.
Le 26/01/2017 à 17h45
Le 26/01/2017 à 17h59
Le 26/01/2017 à 18h11
Le 26/01/2017 à 18h23
Le 26/01/2017 à 18h32
Le 26/01/2017 à 18h44
Merci pour ces précisions.
Note en passant, je trouve que sauf exception, tous les films avec des scènes en prison sont une grosse incitation à ne pas s’y retrouver (tellement ça a l’air d’une zone de non-droit et de loi du plus fort) (je ne mets pas en cause les surveillants ici).
Alors quand je vois des gens qui s’imaginent que c’est “cool” ou “club med”, j’hallucine.
Le 26/01/2017 à 21h04
Le 27/01/2017 à 13h05
Pour les films c’est vrai, cela dit j’en ai vu plusieurs avec des prisons françaises, ça a l’air un peu moins dangereux mais bon c’est pas rassurant pour autant. Deux films récents qui me viennent à l’esprit, “Un prophète” et “Secret Défense” ; il y a aussi un vieux film avec Belmondo, L’alpageur, où il se fait volontairement enfermer pour s’échapper avec un malfaiteur et gagner sa confiance, on voit que certains font plus ou moins la loi en prison. J’ai tendance à penser que c’est à peu près réaliste.