Newsgroups : condamné pour contrefaçon, Newsoo se pourvoit en cassation
alt.binaries.justice
Le 28 avril 2017 à 14h48
7 min
Droit
Droit
Le gérant de Newsoo a été condamné à 6 mois de prison avec sursis et 20 000 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon et mise à disposition d’un logiciel spécialement destiné au piratage. Il se pourvoit en cassation. Explication de sa démarche défendue par Me Olivier Iteanu.
Selon les informations en notre possession, son avocat Me Olivier Iteanu a affûté ses arguments pour faire réformer l’arrêt du 31 mars 2017. La Cour d’appel de Colmar a en effet confirmé le jugement de première instance du tribunal correctionnel de Strasbourg, rendu le 21 octobre 2016, pour condamner Cédric S. à 6 mois de prison avec sursis et 20 000 euros de dommages et intérêts à verser à la SACEM.
Rappelons que les juges avaient notamment pris appui sur les multiples messages de l’administrateur qui incitaient à l’usage de sa solution pour contourner les griffes de la Hadopi. De même, ils lui ont reproché d’avoir sélectionné les newsgroups, en piochant surtout dans ceux dédiés à l’échange des contenus contrefaits. Autant de faits qui l’ont poussé à lui refuser le statut de fournisseur d’accès aux newsgroups comme celui d’hébergeur, et à constater des faits de contrefaçon et de mise à disposition d’un logiciel spécialement destiné aux échanges illicites.
Newsoo ? Un fournisseur d’accès selon Me Iteanu
Dans son mémoire ampliatif, destiné à développer son argumentation pour obtenir la cassation, Me Iteanu conteste le déroulé logique. Il rappelle que « si le fournisseur d’accès à USENET donne accès à des « groupes » via son serveur, il n’a en revanche aucun contrôle sur le contenu de ces groupes. Un tel contrôle est d’ailleurs extrêmement complexe ».
L’avocat de Cédric S. fait valoir en effet que la responsabilité de l’administrateur ne saurait « être engagée que dans les cas où soit [cette personne] est à l'origine de la demande de transmission litigieuse, soit elle sélectionne le destinataire de la transmission, soit elle sélectionne ou modifie les contenus faisant l'objet de la transmission ». Ce qui n’est pas le cas.
De même, il souligne en outre que ces opérateurs ne peuvent être astreints à une obligation de surveillance générale des contenus transitant dans leurs tuyaux. Or en décidant la condamnation, la Cour d’appel « implique que le seul moyen pour Cédric S. d’échapper à sa responsabilité aurait précisément été de filtrer ou de bloquer ces contenus ».
Mais avant tout, Me Iteanu compte défendre le statut de fournisseur d’accès à Newsoo. « Usenet est un réseau de communications électroniques et le service Newsoo n’avait pour seul objet que de permettre aux utilisateurs d’accéder à ce réseau par la connexion au serveur de la société » argumente-t-il.
Newsoo, Free, même combat ?
Il s’agace à ce titre d’un traitement a priori différencié entre Free et Newsoo. « La Cour d’appel se contredit en reconnaissant que l’opérateur Free avait un statut de fournisseur d’accès en permettant l’accès à des newsgroups sur Usenet, tout en excluant cette qualité pour Cédric S. »
Selon le sens de la lecture de l’avocat, la Cour a motivé « cette distinction en expliquant que Monsieur Cédric S. « opérait une sélection en offrant "un accès à des groupes tels que binaries.mp3", qui pouvaient contenir des oeuvres protégées. Pourtant, dans le même temps, elle reconnaît également que l’opérateur Free opérait une sélection, en affirmant que les "groupes auxquels l’accès était possible par Free ne contenaient que du texte" ».
Or, dans l’esprit du juriste, la sélection d’un groupe « n’a aucune influence sur la qualification juridique de l’activité : il est incohérent d’affirmer que l’opérateur Free avait un rôle passif en sélectionnant des newsgroups contenant uniquement du texte mais que Monsieur Cédric S. avait un rôle actif parce qu’il sélectionnait aussi des newsgroups contenant des fichiers mp3 ».
Pour mémoire, la situation de Free est toutefois différente. Si l'opérateur a fait le ménage dans les newsgroups, c’est suite à une mise en demeure de sociétés de gestion collective. Voilà une dizaine d'années, Marc Guez (SCPP, producteurs de musique) nous expliquait en ce sens que « Free a été d’accord si on passait devant le juge. C’est une demande qu’on n’a pu refuser puisque ce qui nous importe, c’est le résultat. Stratégiquement, Free ne voulait pas être en position de le faire spontanément sans être poussé par une décision de justice ». Free voulait surtout être couvert juridiquement dans ce coup de balai, préférant que la décision vienne d’un juge plutôt que de son propre chef.
Depuis plusieurs années, c’est donc une purge des NG binaires qui est organisée de la sorte : 14 fermetures en septembre 2007, 2 supplémentaires en novembre 2007, 39 fermetures en avril 2008 et 10 nouveaux newsgroups binaires en 2010 dont lt.binaries.blu-ray, alt.binaries.dvdr.french, alt.binaries.echange-web ou alt.binaries.french-tv. Autre différence, à l'opposé de Free, Newsoo n’était pas déclaré à l’ARCEP en tant qu’opérateur. Mais Me Iteanu défend malgré tout ce statut et considère que la responsabilité pénale de Cédric S. ne pouvait en aucun cas être engagée.
Newsoo, un hébergeur
Dans une deuxième vague d’argumentations, il s’abrite cette fois derrière le statut d’hébergeur. Dans son esprit, Cédric S. a été condamné « à raison de certains contenus qu’il ne faisait qu’héberger sur ses serveurs via des newsgroups, alors que le caractère manifestement illicite de ces contenus ne lui a jamais été notifié et qu’il n’est pas prouvé qu’il en avait préalablement connaissance ».
Or, il relèverait du statut de l’hébergeur : « Newsoo est un service de communication au public en ligne permettant l’accès à Usenet et via celui-ci, la société (…) hébergeait sur ses serveurs des newsgroups et donc un certain nombre de contenus ».
Alors certes, Cédric S. a effectué un choix dans les newsgroups, mais il s’explique par « des raisons techniques dues à la capacité limitée de ses serveurs ». Et pour Me Iteanu, « ce seul choix, qui procède d’une contrainte technique, ne saurait suffire à lui reconnaître un rôle actif exclusif de sa qualification d’hébergeurs de contenus » d’autant que l’administrateur « n’avait aucun contrôle sur le contenu déposé sur les newsgroups par les utilisateurs. Il sélectionnait les newsgroups mais en aucun cas les contenus transitant sur ces groupes ». Nuance.
Sa responsabilité pénale et civile ne saurait donc être engagée selon lui qu’en démontrant qu’il avait connaissance des contenus illicites, « précisément identifiés, qu’il hébergeait et que, dès le moment de cette connaissance, il n’a pas agi promptement pour les retirer ou en rendre l’accès impossible ». Or, l’administrateur n’a jamais été notifié par la SACEM. Il « ne pouvait savoir exactement quels contenus présentaient un tel caractère, étant précisé qu’il hébergeait plusieurs millions de contenus sur ses serveurs ».
L’arrêt de la Cour de cassation est attendu dans de longs mois. Nous reviendrons sur son sens, une fois celui-ci rendu.
Newsgroups : condamné pour contrefaçon, Newsoo se pourvoit en cassation
-
Newsoo ? Un fournisseur d’accès selon Me Iteanu
-
Newsoo, Free, même combat ?
-
Newsoo, un hébergeur
Commentaires (8)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 28/04/2017 à 15h10
il n’avait pas déjà dit savoir ce qu’il y avait dans ses newsgroups ?
Le 28/04/2017 à 15h25
effectivement, le principal problème de mémoire est qu’il avait avoué “trop” de choses pendant l’enquête
Le 28/04/2017 à 15h27
Le 28/04/2017 à 15h46
Encore un tipiakeur qui va nous faire un “maxwell” en appel " />ce n’est pas la peine d’en rajouter !
En plus “que” 20K€ pour les zayants droits, c’est plutôt clément …
Le 28/04/2017 à 17h36
Ce n’était pas un tipiakeur comme tu le dis. Il profitait peut-être de ce marché (sans que son service y soit exclusivement dédié), mais ça n’en faisait pas un pirate !
Le 28/04/2017 à 17h44
Il a fait comme trop de gardés à vue, il a ouvert sa bouche. Vous avez le droit à un avocat maintenant pendant toutes les auditions, donc si vous êtes arrêtés, vous en demandez un et vous dites rien.
Le 29/04/2017 à 04h36
c’est con, il aurait du baser sa défense sur “ légale mais immorale.” ça semble pas trop mal marcher
Le 04/05/2017 à 10h44
S’il perd, il sera potentiellement responsable du fait qu’aucun autre fournisseur d’accès à usenet ne pourra installer ses serveurs en France. Responsable car s’il avait été neutre dans la communication du service qu’il fournissait (à l’image des autres F.A.U), ce procès n’aurait aucune raison d’être…