Au Sénat, vote en faveur de l’ouverture des données de transport
Pour sortir du P-train
Le 11 mars 2019 à 14h46
7 min
Droit
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En commission, la semaine dernière, les sénateurs ont adopté les articles du projet de loi Mobilités relatifs à l’ouverture des données de transport. La France pourrait ainsi (ré)imposer la publication de précieuses informations (horaires, arrêts...) d’ici à la fin 2021.
C’est ce qu’on appelle un nouveau départ. Après le « flop » de la loi Macron, qui était pourtant censée conduire les acteurs du transport public de personnes (SNCF, RATP, Air France, Vélib, etc.) à partager dès 2015 de précieuses informations – relatives notamment à leurs horaires et arrêts – le législateur s’apprête à rouvrir le dossier de l’ouverture des données de transport.
Le gouvernement a en effet profité de l’examen du projet de loi Mobilités pour introduire une batterie de dispositions qui permettront à la France de se caler sur le récent règlement européen relatif à « la mise à disposition, dans l'ensemble de l'Union, de services d'informations sur les déplacements multimodaux ». Bien que ce texte soit d’application directe sur le Vieux continent, les pouvoirs publics espèrent notamment en accélérer le calendrier de déploiement.
La France prépare la mise en oeuvre du règlement européen
En vertu du règlement, les données des acteurs du transport ont vocation à être publiées sur un « point d'accès national », afin de faciliter leur réexploitation (par exemple pour les développeurs d’un simulateur d’itinéraires prenant en compte différents modes de déplacement). La France a d’ailleurs déjà choisi le sien : « transport.data.gouv.fr », développé sous la houlette d’une start-up d’État de la Direction interministérielle au numérique (DINSIC).
« L'ensemble des modes de transport sont concernés », explique l’étude d’impact du projet de loi Mobilités : « services réguliers de transport public de voyageurs », « transports à la demande » tels que les vélos ou voitures en libre-service, « les réseaux routiers, cyclables et piétons », « le stationnement »...
Le texte du gouvernement précise que « les données statiques et dynamiques sur les déplacements et la circulation, ainsi que les données historiques concernant la circulation » devront être « accessibles et réutilisables ». Et ce « qu'elles soient ou non des informations publiques » au sens du Code des relations entre le public et l'administration (qui régit l’accès aux documents administratifs et données publiques).
En pratique, les informations à ouvrir sont extrêmement vastes, le règlement européen faisant référence aux horaires théoriques comme en temps réel, aux arrêts, à l’accessibilité aux personnes handicapées, aux tarifs, aux caractéristiques des véhicules (classes, présence du Wi-Fi...), aux éventuelles perturbations, à la disponibilité, etc.
« Seules les données qui existent sous un format numérique doivent être rendues accessibles. Il n'est pas demandé de les créer si elles n'existent pas » nuance néanmoins l'étude d’impact du gouvernement. L’exécutif explique en outre que pour faciliter les échanges de données, « le règlement impose que les données soient accessibles dans un format normalisé : norme européenne NETEX pour les données statiques et SIRI pour les données en temps réel ».
Si le texte européen est censé entrer progressivement en vigueur jusqu’en 2023 (voir ci-dessous), le projet de loi Mobilités impose une mise en œuvre complète au 1er décembre 2021 « au plus tard » en France.
Entorses au principe de gratuité, inspirées par le modèle du freemium
En contrepartie de cette réforme, les transporteurs pourront ériger des redevances de réutilisation de leurs données. À une condition toutefois : que ces barrières tarifaires soient « raisonnable[s] et proportionnée[s] aux coûts légitimes » correspondant à « la fourniture et la diffusion » des données en question : frais de traitement, d’hébergement, etc.
Afin de ne pas « freiner l'utilisation des données par les petits utilisateurs tels que notamment les start-ups ou les structures associatives », le gouvernement souhaite néanmoins limiter davantage cette marge de manœuvre, guère compatible avec les standards de l’Open Data. Le texte porté par la ministre des Transports prévoyait ainsi que cette entorse au principe de gratuité ne soit « activable » que lorsque le « volume » des données transmises à l’utilisateur excède un seuil, restant à définir par décret.
Un tel critère a toutefois été jugé trop « facile à contourner » par Didier Mandelli, le rapporteur du projet de loi Mobilités pour le Sénat. L’élu LR a ainsi fait voter un amendement, la semaine dernière, en commission de l'aménagement du territoire, afin que le gouvernement ne tienne plus compte du « volume » de données transmises, mais plutôt du fait que l’utilisateur « sollicite significativement le service de fourniture des données ».
Si le texte était définitivement voté en l’état, l’exécutif devrait donc définir « d’autres critères tels que, par exemple, le nombre de requêtes reçues ou la fréquence des demandes », explique le sénateur.
Au fil des débats, l’exemple de la plateforme Open Data de la RATP, qui avait décidé en 2017 de faire payer l’accès à ses données en temps réel à partir d’un certain nombre de requêtes à son API (sur le modèle du « freemium »), fut mis en avant par certains élus. « Les sociétés qui exploitent les données fournies ont jusqu’à présent mis en place les contre feux pour rester en deça de ce seuil, notamment grâce à un changement d’adresse IP. Au final, ont avancé les sénateurs communistes, la RATP a dépensé un million d’euros pour créer sa plate-forme, qui nécessite 150 000 euros supplémentaire par an pour l’exploiter et n’a reçu jusqu’ici aucun financement par les utilisateurs de ces données. »
L'Arafer chargée de veiller au grain
Afin de chapeauter la mise en œuvre de cette réforme, le projet de loi confie à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) un rôle de gendarme. En cas d’atteinte « grave et immédiate » aux exigences du règlement européen, l’institution pourra notamment prendre les « mesures conservatoires nécessaires », telles qu’une suspension des pratiques litigieuses, éventuellement sous astreinte. Elle sera en outre saisie de tout différend.
Sur impulsion des sénateurs LREM, des dispositions ont été introduites afin que des informations relatives à la géolocation en temps réel des taxis soient également ouvertes.
Le rapporteur, Didier Mandelli, s’est en revanche opposé à ce que les données collectées par « les dispositifs mobiles et connectés » en matière de déplacement et de circulation soient « rendues accessibles et réutilisables », après anonymisation. Laure Darcos et Roger Karoutchi souhaitaient manifestement que les informations provenant des systèmes de type GPS soient ouverts, afin que les professionnels du transport puissent « disposer de l’information la plus pertinente et actualisée ».
« Si je suis sensible à cette préoccupation, l'ouverture des données à tous ne me semble pas être le bon vecteur pour y répondre, car il s'agit principalement de données à caractère personnel » s'est justifié Didier Mandelli.
Les discussions autour du projet de loi Mobilités doivent se poursuivre en séance publique, à compter du 19 mars. Le texte sera ensuite transmis à l’Assemblée nationale, qui ne s’est pas encore prononcée.
Au Sénat, vote en faveur de l’ouverture des données de transport
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La France prépare la mise en oeuvre du règlement européen
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L'Arafer chargée de veiller au grain
Commentaires (7)
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Abonnez-vousLe 11/03/2019 à 16h57
Le 11/03/2019 à 19h01
Ils ne veulent pas interdire aux entreprises de se faire du blé, ils veulent réduire les possibilités des producteurs de données (SNCF, BlaBlaCar…) de mettre en place des redevances pour le téléchargement ou la réutilisation des données.
Et faire payer les données, ce n’est effectivement pas compatible avec l’Open Data ;)
Le 11/03/2019 à 19h33
n’a pas reçu jusqu’ici aucun financement par les utilisateurs de ces données. ..
il y a une appli pour la ratp fait par un gars dans un garage (me souviens plus du nom), son appli arrivait assez rapidement a la limite de l’API. Il trouver des ruses comme la mise en cache des résultat pendant un certain temps (15 a 20 minutes) ce qui ne nuit pas au résultat, mais limite les appel a l’API de la ratp pour plusieurs même recherche.
a mon avis le changement d’adresse IP, c’est une explication/justification foireuse.
vu le prix et comme il faisait cela pour le fun, il ne pouvait pas payer sa licence, et faire payer les utilisateurs trop peu nombreux.
bref, le prix de la mise en place et de la maintenance pour des informations qui existe déjà en interne, me parait un petit peu sur évalué
Le 11/03/2019 à 19h33
C’est du niveau de l’article 13…
Évidemment, il y a des entreprises qui vont utiliser ces données pour vendre un service. Mais c’est bien le service qui sera monétisé, le fait de croiser les horaires et les routes pour proposer des trajets multimodaux.
Les bénéficiaires seront les usagers et à travers eux les sociétés de transport public qui pourront attirer plus de clients.
Je peste à chaque fois que je dois aller à Paris essentiellement pour cela, alors que j’adore aller à Londres où Maps est un vrai bonheur à utiliser, depuis déjà de nombreuses années.
Si au moins les exploitants de ces réseaux étaient capables d’avoir des applications qui permettent d’exploiter ces données! J’ai eu la surprise une fois sur un trajet que je connais (je voulais connaître les horaires de passage de bus) de demander à l’application Transpole de faire “Champ de Mars - Porte de Douai. C’est direct avec la Liane. L’appli m’a fait un magnifique itinéraire pour descendre la rue de Solférino et la rue de Douai à pieds.
Ces sociétés étant par ailleurs pour l’essentiel des SEM (à Paris, c’est même 100% public), on paie déjà ces données avec nos impôts et nos titres de transports.
Bientôt, les chaînes de magasin vont demander aux entreprises qui distribuent les prospectus une rémunération parce que c’est grâce à leurs informations que ces entreprises existent.
Le 12/03/2019 à 10h54
Justement, je distingue le service et la donnée. L’article présente la facturation d’un service de diffusion comme une entrave à l’Open Data.
Du moment que les données soient gratuites et librement réutilisables, la RATP peut bien vendre son API 300k€ la requête, les données restent Open Data (et s’il y a un marché, un autre acteur construira un service équivalent à un coût plus raisonnable sur la base des données ouvertes).
La distinction peut sembler anecdotique pour les données de la RATP, mais peut être essentielle pour des données sur lesquels les services de diffusions sont plus chers.
Par exemple, si on prend les données de l’IGN (qui seront certainement à long terme tard open data), il y aurait plusieurs ordres de grandeur entre le coût de mettre un ftp qui va donner accès aux quelques centaines de To de données ouvertes, et la mise à disposition gratuite et open bar d’une infra de diffusion telle que le Géoportail.
Forcer à publier les données brutes en open data, oui. C’est nécessaire pour ne pas avoir un écosystème captif et permettre un peu d’innovation dans l’usage des données.
Forcer à publier des services de consultation / calcul, ça peut être jugé pertinent dans le cadre de la délégation de service publique qui est faite, mais ça n’a plus rien à voir avec l’open data, et c’est beaucoup plus cher.
C’est pour ça que je m’étonne que l’article se focalise sur la critique de la politique commerciale de la RATP en matière d’API mais ne dise rien de la licence des données.
D’autant que je ne suis pas certain de bien comprendre (sérieusement des fois les textes législatifs on a l’impression qu’ils sont conçus pour que seuls les juristes les comprennent), mais j’ai l’impression que la loi en l’état actuel n’empêche pas les restrictions sur la réutilisation des données.
Je trouverais ça bien plus dommageable pour l’open data que le fait que des gens vendent des API.
Le 12/03/2019 à 14h14
Vu comme ça OK " />
Le 14/03/2019 à 17h35