Les drôles de comptes d’Altice : revenus en baisse, nombre d’abonnés en hausse
Plusieurs diables dans les détails
Le 29 mars 2019 à 16h28
7 min
Économie
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Sur l'année 2018, Altice Europe voit son chiffre d'affaires baisser légèrement en France et pour le groupe. L'opérateur revendique pourtant une hausse du nombre de clients sur le fixe et le mobile. Mais attention à la manière de compter. L'ARPU disparait, contrairement à la dette qui dépasse toujours les 32 milliards d'euros.
Après Bouygues Telecom, Orange et Iliad (Free), Altice Europe présente à son tour ses résultats pour l'année 2018. L'occasion de faire le point sur la société de Patrick Drahi dans son ensemble, notamment sur la France avec la marque SFR.
Revenus en baisse en Europe, en France et au Portugal
Dans l'Hexagone justement, Altice revendique un chiffre d'affaires annuel de 2,545 milliards d'euros sur le fixe grand public et de 4,146 milliards sur le mobile. Le marché professionnel représente 1,772 milliards d'euros. Ces trois indicateurs sont en baisse par rapport à fin 2017 avec jusqu'à près de 10 % sur le fixe.
Au total, Altice Europe revendique des revenus de 14,090 milliards d'euros sur 2018, dont 10,160 milliards en France et 2,030 milliards au Portugal. En 2017, il était question de 14,601 milliards, 10,651 milliards et 2,091 milliards ; 2018 est là encore systématiquement en dessous.
Sur le quatrième trimestre on retrouve la même tendance, avec une baisse des revenus par rapport au troisième trimestre : 3,643 milliards d'euros de chiffre d'affaires contre 3,706 milliards un an auparavant.
L'EBITDA (c'est-à-dire le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement) passe de 5,645 milliards d'euros en 2017 avec une marge de 38,7 % à 5,100 milliards en 2018. La marge est en baisse de 2,5 points pour arriver à 36,2 %. En France, l'EBITDA est de 3,785 milliards avec une marge de 37 %, contre respectivement 4,160 milliards et 38,9 % en 2017.
333 000 de mieux sur le « fixe* », largement porté par la « Fibre* »
Sur le fixe, SFR peut également se réjouir avec 6,275 millions de clients au 31 décembre, en hausse de 333 000 sur un an et de 83 000 sur trois mois.
Là encore, le troisième trimestre avait été bien meilleur avec 166 000 clients supplémentaires. Mais attention, comme nous l'expliquions lors du précédent bilan, SFR a décidé d'ajouter ses abonnements OTT pour RMC Sport à ses clients fixes (114 000 au troisième trimestre).
Qu'en est-il du quatrième et de l'année complète ? Rien n'est cette fois-ci précisé (même pas en police 6 au détour d'une diapo). Mais comme le FAI reprend le « + 166 000 » sur le fixe sans rien préciser, on peut en déduire là encore que les clients RMC Sports OTT sont comptabilisés ; une bien étrange manière de faire. Combien SFR a-t-il recruté d'abonnés sans ce tour de passe-passe ? Impossible à dire.
La fibre occupe toujours le gros des ventes avec 284 000 abonnés de mieux, contre 18 000 pour le câble. Au total, les deux technologies ont gagné 302 000 clients pour arriver à un total de 2,533 millions. La marque au carré rouge rappelle qu'elle avait perdu 171 000 clients en 2017... mais sans préciser la base de comparaison.
Mobile : 713 000 clients de plus, le million pour les forfaits, mais...
Sur le mobile, Altice revendique 15,064 millions de clients grand public,en hausse de 714 000 sur douze mois. Dans le détail, le prépayé continue de baisser inexorablement pour arriver à 1,534 millions de cartes (- 308 000), tandis que les forfaits grimpent à 13,530 millions, en hausse de 187 000 sur trois mois et de 1,022 million sur un an. En 2017, SFR n'avait recruté « que » 182 000 abonnés sur ses forfaits.
Ce bon résultat ne doit par contre pas occulter que le quatrième trimestre est le plus faible de l'année, car l'opérateur avait enregistré 385 000, 213 000 et 237 000 forfaits sur les trois premiers trimestres. Problème, ces chiffres ne sont pas les mêmes que ceux annoncés au trimestre précédent. En effet, il était respectivement question de 378 000, 211 000 et 239 000. D'où vient cette différence de 2 000 à 7 000 clients en plus/moins ? Du MtoM ? Non, probablement de la manière de comptabiliser les cartes SIM, avec une petite subtilité dans les documents.
L'année dernière, dans la note (4) de la page 10 de ce PDF, le groupe indiquait que « le nombre d'abonnés mobiles est égal au nombre net de lignes ou de cartes SIM activées sur nos réseaux mobiles et exclut le M2M ». Pour le quatrième trimestre, il faut se rendre page 13 et note (3) de ce document : « Le nombre d'abonnés mobiles est égal au nombre net de lignes ou de cartes SIM activées sur les réseaux mobiles du groupe et exclut M2M ». Quelle différence ? Nous tâcherons d'en savoir plus auprès de SFR.
Quoi qu'il en soit, Altice France se gargarise d'avoir « reconquis plus de 1,3 million de clients en 2018, soit plus que le nombre de clients perdus au cours des 3 dernières années depuis l'acquisition de SFR ». Elle ajoute que le taux de désabonnement aurait baissé de 30 % au quatrième trimestre 2018 par rapport à 2017, tandis que les appels au service client auraient diminué de 20 %.
Entre la hausse de la marque au carré rouge et la baisse de Free Mobile, le classement des opérateurs change si l'on prend uniquement en compte les forfaits. Orange reste évidemment en tête, mais SFR reprend la seconde place au trublion, descendu à 13,441 millions d'abonnés fin 2018.
Pour le reste, SFR revendique 18 000 clients pour sa 4G Box au 31 décembre. Altice Europe s'en sort bien aussi au Portugal : 6,516 millions sur le mobile (+ 40 000) et 1,581 millions sur le fixe (+ 26 000). En Israël, le groupe gagne 3 000 clients sur le mobile, mais en perd 11 000 sur le fixe.
N'a pu d'ARPU
À lire les résultats de SFR, on remarque un absent de taille : l'ARPU, ou revenu moyen par client, alors qu'il s'agit d'un indicateur important. Lors de la conférence de presse de présentation des résultats, Malo Corbin (directeur financier) a botté en touche, expliquant simplement que le groupe demeurait focalisé sur ses résultats commerciaux, comme le rapporte l'AFP.
Au cours de l'année, il n'a fait que baisser :
- ARPU sur les forfaits mobiles :
- 24,1 euros (Q1)
- 22,6 euros (Q2)
- 22,4 euros (Q3)
- ARPU sur le fixe :
- 34,7 euros (Q1)
- 32,1 euros (Q2)
- 31,7 euros (Q3)
Il faut dire que l'opérateur a largement joué avec les promotions en 2018, avec des remises importantes la première année. Par exemple : la Box Starter à 2,99 euros par mois en janvier, puis à nouveau dès 3 euros durant l'été 2018.
Cela n'empêche pas Altice d'expliquer que l'ARPU augmentera l'année prochaine grâce à la croissance des abonnements en fibre/câble.
« Optimisation » économique et dette
L'opérateur revient sur les récentes ventes d'une partie de son réseau fixe et mobile. En France, ce sont ainsi 49,99 % de près de la moitié des pylônes SFR qui ont été vendus à KKR pour 1,8 milliard d'euros et 49,99 % de son réseau de fibre optique dans les zones peu denses pour 1,7 milliard.
Au Portugal aussi des pylônes ont été vendus, mais Altice n'a conservé que 25 %, le reste appartenant à un consortium composé notamment de Morgan Stanley et du fonds Horizon Equity Partners. Montant de la transaction : 540 millions d'euros.
La dette brute reste toujours très élevée avec 32,4 milliards d'euros, dont 16,3 milliards pour Altice France (SFR et Next Radio TV). Comme toujours, elle est répartie dans de nombreux « silos » et un graphique vaut largement mieux qu'un long discours (voir ci-dessous).
Enfin, pour 2019, Altice prévoit une hausse des revenus de 3 à 5 % sur l'année pour la France, avec un EBITDA de 4 à 4,1 milliards d'euros. « Nous voyons d’ores et déjà une inflexion tangible en France et au Portugal, ouvrant la voie à un retour de la croissance en 2019, supportée par notre stratégie sur les infrastructures et les contenus », affirme Patrick Drahi.
En bourse, c'est l'euphorie ou presque avec une hausse de 23 % de l'action qui bondit de 1,87 à 2,28 euros suite à la publication des résultats. On reste loin de la pointe à 3,50 euros en juin 2018.
Le 29 mars 2019 à 16h28
Les drôles de comptes d’Altice : revenus en baisse, nombre d’abonnés en hausse
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Revenus en baisse en Europe, en France et au Portugal
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333 000 de mieux sur le « fixe* », largement porté par la « Fibre* »
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Mobile : 713 000 clients de plus, le million pour les forfaits, mais...
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N'a pu d'ARPU
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« Optimisation » économique et dette
Commentaires (7)
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Abonnez-vousLe 30/03/2019 à 16h53
#1
Vous avez vu le résultat net ou les capitaux propres ?
Le 30/03/2019 à 17h56
#2
Altice Europe :
Résultat net 2019 : -305 millions €
Capitalisation : 4 224 millions €
>> https://www.zonebourse.com/ALTICE-EUROPE-23292458/
Le 31/03/2019 à 07h37
#3
Je ne suis pas du tout sûr que ce site soit fiable. D’abord, il n’y a aucun chiffre pour l’instant qui soit sorti pour 2019. Pour 2018, ils indiquent -418 millions d’euros, mais sur quelle base, vu qu’Altice Europe ne publie pas ce chiffre ? Une remarque, par contre, dans quelques jours on devrait l’avoir pour la France. En effet, Altice a continué à sortir, mais avec quelques jours de décalage, le même type de document qu’il publiait quand SFR était côté à la bourse de Paris. Une obligation légale ?
En tout cas, encore bravo à NexInpact pour ce travail de décryptage des documents d’Altice, et en particulier des petites manipulations sur les chiffres, notamment avec les abonnés OTT comptés dans les abonnés Fibre/câble. A noter qu’il y a une autre petite manipulation, les abonnés 4G fixe sont aussi comptés dans les abonnés cable/fibre (note (2) du tableau des PKis).
Sinon, j’aurais une question. Vu qu’Altice ne semble pas publier de chiffres distincts pour le câble et le FTTH, d’où vient le chiffre de +18.000 sur le câble et de 284.000 abonnés sur la fibre (FTTH ?) ?
Sinon, sur la dette, contrairement aux affirmations d’Altice qui prétendait ces derniers temps (par exemple à l’occasion de la vente de 49.99% de SFT FTTH), “continuer à se désendetter, on voit que les chiffres démentent ces prpos, pour 2018, toujours aucun désendettement (Altice garde du cash en vue des enchères pour les fréquences 5G ?).
Le 31/03/2019 à 08h40
#4
Concernant le résultat net de 2019, il s’agit effectivement d’une estimation. Cela-dit, en 2017, le résultat net (réel) était de -546 miliions € (d’aprèsla même source, zonebourse.com, désolé je n’ai pas d’autre source à recouper).
Le 31/03/2019 à 09h11
#5
en cherchant bien (et malgré les termes anglais), j’ai finalement trouvé des détails à la source d’origine :
“Attributable to equity holders of the parent : (546.0)”
Le 31/03/2019 à 18h03
#6
Le 01/04/2019 à 06h37
#7
ca sent la tentative de magouille fiscale a plein nez…