Une exoplanète similaire à la Terre « retrouvée » dans les données de Kepler ? Pas si vite...

Une exoplanète similaire à la Terre « retrouvée » dans les données de Kepler ? Pas si vite…

De loin, elle ressemble à la Terre

Avatar de l'auteur

Sébastien Gavois

Publié dansSciences et espace

16/04/2020
9
Une exoplanète similaire à la Terre « retrouvée » dans les données de Kepler ? Pas si vite...

Dans une envolée lyrique, la NASA parle de la découverte d’un « monde intrigant et lointain [qui] nous donne encore plus d'espoir qu'une seconde Terre se trouve parmi les étoiles ». Il s’agit d’une exoplanète qui serait très proche – rayon et température – de notre Terre, mais il reste encore des inconnues et d’importantes marges d’erreur.

Depuis octobre 2018, le télescope spatial Kepler n’est plus en service. Il n’était pas forcément bon pour la casse (même si certains systèmes étaient tombés en panne), mais il n’avait plus de carburant pour assurer les missions scientifiques. Faute de station-service pour le ravitailler dans l’espace, la NASA l'avait laissé partir sur une orbite héliocentrique. Il s’éloigne doucement, mais sûrement, de la Terre.

Durant sa vie, Kepler a permis de détecter plus de 2 600 exoplanètes dont certaines « pourraient être des lieux prometteurs pour la vie » selon les termes de la NASA. L'agence spatiale américaine ajoutait que l'une des dernières découvertes issues des analyses de Kepler montrerait que 20 à 50 % des étoiles dans le ciel seraient susceptibles d'avoir de petites planètes d'une taille similaire à la Terre, éventuellement rocheuses, et situées dans leur zone habitable

Comme nous l’avons déjà expliqué, la fin de la mission de Kepler ne signifie pas la fin de l’analyse des données, une opération qui prendra certainement encore des années. C’est en re(analysant) d’anciennes mesures que l’exoplanète Kepler-1649c a été identifiée, alors qu’elle était passée entre les mailles du filet. Elle est intéressante, car située dans la zone habitable de son étoile Kepler-1649.

Elle serait semblable à la Terre sur bien des points, mais le conditionnel doit être employé avec force, tant les incertitudes et zones d’ombres sont nombreuses. Cette découverte a fait l’objet d’une publication dans The Astrophysical Journal Letters.

« Similaire à la Terre en taille et en température estimées »… et donc ?

« Alors que les précédentes recherches exploitant un algorithme informatique avaient mal identifié [Kepler-1649c], les scientifiques examinant les données de Kepler ont jeté un second coup d'œil à la signature des données et l'ont reconnue comme une planète », explique la NASA. 

L’agence spatiale américaine affirme que, « de toutes les exoplanètes détectées via Kepler, ce monde lointain – situé à environ 300 années-lumière de notre planète – est le plus similaire à la Terre en taille et en température estimées ». On s’arrête net de faire le moindre plan sur la comète. Cela ne signifie rien de plus que ce qui est annoncé et il faut faire attention aux mots utilisés. Inutile donc de parler d’une « seconde Terre ». 

Les marges d’erreur sur le rayon et la température

Commençons par le premier point : le rayon de Kepler-1649c serait 1,06 fois plus grand que celui de la Terre. Mais attention, il s’agit évidemment d’une estimation – de loin, puisqu’elle se trouve à près de… 3 millions de milliards de km – et, comme le reconnaît la NASA, la marge d’erreur est « importante ».

C’est toujours le cas pour des valeurs en astronomie avec des objets célestes si éloignés. Ici, les scientifique estiment la marge à +0,15 et -0,10. Finalement, le rayon de Kepler-1649c serait entre 0,95 et 1,21 fois celui de la Terre.

Elle serait donc similaire en taille à notre planète, mais rien ne dit qu’il s’agisse d’une planète rocheuse, même si les chercheurs pensent que c’est « probable ». Pourquoi ? Car « les planètes chaudes de la taille de la Terre ont tendance à être rocheuses », expliquent les chercheurs. Puis ils ajoutent qu’il est « peut-être imprudent d'extrapoler ces résultats à des planètes plus froides comme Kepler-1649c ».

Second point : « La quantité de lumière qu'elle reçoit de son étoile est de 74 % (± 3 %) la quantité de lumière reçue par la Terre de la part du Soleil, ce qui signifie que la température de l'exoplanète peut également être similaire à celle de notre planète ». D’après la publication scientifique, la température d'équilibre à la surface serait de - 40 °C environ, avec une marge d’erreur de ± 20°C. À titre de comparaison, celle de la Terre est de - 18 °C sans l’effet de serre. 

La NASA rappelle que d’autres planètes peuvent avoir un rayon ou une température encore plus proche de ceux de la Terre, « mais il n'y a pas d'autre exoplanète considérée comme plus proche de la Terre sur ces deux valeurs qui se trouve également dans la zone habitable ». 

Quid de sa composition/surface et de son éventuelle atmosphère ?

Kepler-1649c serait donc très semblable à la Terre (aux marges d’erreur près). C’est vrai, mais à quelques « détails » près, et pas des moindres.

Tout d’abord, elle orbite autour d‘une naine rouge. Ces étoiles sont peu massives et moins chaudes que notre Soleil, même si elles sont « parmi les plus courantes dans la galaxie ». Comme l’explique la NASA, « ce type d'étoile est connu pour ses poussées stellaires qui peuvent rendre l'environnement d'une planète difficile pour toute vie potentielle ». On s’éloigne déjà un peu de la vision d’une seconde Terre… 

Ce n’est pas tout, une autre donnée manque cruellement à l’appel : quid de l’atmosphère de la planète (si elle existe) ? Comme l’explique à juste titre l’agence spatiale américaine, elle pourrait grandement « affecter la température de la planète », comme c’est le cas sur Terre.

Pour appuyer ses dires, la NASA publie deux images d’illustration de Kepler-1649c. Mais attention, il ne faut pas les prendre comme autre chose qu’une vue d'artiste dans l’optique de montrer que l’exoplanète ressemblerait à la Terre avec une surface rocheuse, ce que rien ne prouve pour le moment.

Kepler 1649cKepler 1649c
Personne n’a évidemment été prendre des photos sur place… Crédits : NASA/Ames Research Center/Daniel Rutter

La NASA donne d’autres informations sur Kepler-1649c. Son orbite est bien plus proche de son étoile et une année pour l’exoplanète – le temps de faire le tour de son étoile – équivaudrait à 19,5 jours sur Terre. Une autre exoplanète (déjà identifiée) d’une taille similaire se trouve à la moitié de la distance entre l’étoile et Kepler-1649c, ce qui n’est pas sans rappeler la situation de Venus dans notre système solaire. 

Les « espoirs » de la NASA (et son côté optimiste)

Bref, vu le nombre d’incertitudes on pourrait presque reprendre une citation de Coluche pour décrire la situation : « on s’autorise à penser dans les milieux autorisés… ».

Pour un des administrateurs associés de la NASA, cette découverte d’un monde « intrigant et éloigné nous donne encore plus d'espoir qu'une seconde Terre se trouve parmi les étoiles, attendant d'être trouvée ». Avec un tel enthousiasme, on pourrait presque arriver à la même conclusion à chaque découverte d’une exoplanète.

Dans tous les cas, « Kepler-1649c est particulièrement intéressante pour les scientifiques à la recherche de mondes avec des conditions potentiellement habitables », ajoute la NASA. 

À l’attaque des faux positifs de Robovetter

Au-delà de la découverte de cette exoplanète, cette annonce fait ressortir un autre point intéressant : les erreurs de classement de l’algorithme utilisé (Robovetter) pour traiter les données de Kepler.

Pour identifier les exoplanètes, les scientifiques utilisent la méthode du transit. Le principe est simple : la luminosité d’une étoile baisse lorsqu’un objet passe devant. Reste à déterminer s'il s’agit d’une exoplanète ou d’un autre phénomène, et c’est là que l’algorithme entre en jeu.

Le Kepler False Positive Working Group se charge maintenant de vérifier que les phénomènes classés comme n’étant pas dus à des exoplanètes ne soient pas des faux positifs (et donc des exoplanètes). Un premier exemple a déjà été trouvé et, en fonction des analyses, d’autres annonces pourraient donc arriver.

9
Avatar de l'auteur

Écrit par Sébastien Gavois

Tiens, en parlant de ça :

#Flock a sa propre vision de l’inclusion

Retour à l’envoyeur

13:39 Flock 16
Un Sébastien transformé en lapin par Flock pour imiter le Quoi de neuf Docteur des Looney Tunes

Quoi de neuf à la rédac’ #10 : nous contacter et résumé de la semaine

On est déjà à la V2 de Next ?

11:55 34
Autoportrait Sébastien

[Autoportrait] Sébastien Gavois : tribulations d’un pigiste devenu rédac’ chef

Me voilà à poil sur Internet

17:18 Next 16

Sommaire de l'article

Introduction

« Similaire à la Terre en taille et en température estimées »… et donc ?

Les marges d’erreur sur le rayon et la température

Quid de sa composition/surface et de son éventuelle atmosphère ?

Les « espoirs » de la NASA (et son côté optimiste)

À l’attaque des faux positifs de Robovetter

#Flock a sa propre vision de l’inclusion

Flock 16
Un Sébastien transformé en lapin par Flock pour imiter le Quoi de neuf Docteur des Looney Tunes

Quoi de neuf à la rédac’ #10 : nous contacter et résumé de la semaine

34
Autoportrait Sébastien

[Autoportrait] Sébastien Gavois : tribulations d’un pigiste devenu rédac’ chef

Next 16
Logo de StreetPress

Pourquoi le site du média StreetPress a été momentanément inaccessible

Droit 18
Amazon re:Invent

re:Invent 2023 : Amazon lance son assistant Q et plusieurs services IA, dont la génération d’images

IA 10
Un œil symbolisant l'Union européenne, et les dissensions et problèmes afférents

Le Conseil de l’UE tire un bilan du RGPD, les États membres réclament des « outils pratiques »

Droit 4

19 associations européennes de consommateurs portent plainte contre Meta

DroitSocials 16

#LeBrief : Ariane 6 l’été prochain, Nextcloud rachète Roundcube, désinformation via la pub

Chiffre et formules mathématiques sur un tableau

CVSS 4.0 : dur, dur, d’être un expert !

Sécu 16
Une tête de fusée siglée Starlink.

Starlink accessible à Gaza sous contrôle de l’administration israélienne

Web 35
Fibre optique

G-PON, XGS-PON et 50G-PON : jusqu’à 50 Gb/s en fibre optique

HardWeb 52
Photo d'un immeuble troué de part en part

Règlement sur la cyber-résilience : les instances européennes en passe de conclure un accord

DroitSécu 10
lexique IA parodie

AGI, GPAI, modèles de fondation… de quoi on parle ?

IA 10

#LeBrief : logiciels libres scientifiques, fermeture de compte Google, « fabriquer » des femmes pour l’inclusion

livre dématérialisé

Des chercheurs ont élaboré une technique d’extraction des données d’entrainement de ChatGPT

IAScience 3
Un chien avec des lunettes apprend sur une tablette

Devenir expert en sécurité informatique en 3 clics

Sécu 11
Logo ownCloud

ownCloud : faille béante dans les déploiements conteneurisés utilisant graphapi

Sécu 16
Le SoC Graviton4 d’Amazon AWS posé sur une table

Amazon re:invent : SoC Graviton4 (Arm), instance R8g et Trainium2 pour l’IA

Hard 12
Logo Comcybergend

Guéguerre des polices dans le cyber (OFAC et ComCyberMi)

Sécu 10

#LeBrief : faille 0-day dans Chrome, smartphones à Hong Kong, 25 ans de la Dreamcast

Mur d’OVHcloud à Roubaix, avec le logo OVHcloud

OVHcloud Summit 2023 : SecNumCloud, IA et Local Zones

HardWeb 2
algorithmes de la CAF

Transparence, discriminations : les questions soulevées par l’algorithme de la CAF

IASociété 62

Plainte contre l’alternative paiement ou publicité comportementale de Meta

DroitIA 38
Nuage (pour le cloud) avec de la foudre

Économie de la donnée et services de cloud : l’Arcep renforce ses troupes

DroitWeb 0
De vieux ciseaux posés sur une surface en bois

Plus de 60 % des demandes de suppression reçues par Google émanent de Russie

Société 7
Une vieille boussole posée sur un plan en bois

La Commission européenne et Google proposent deux bases de données de fact-checks

DroitWeb 3

#LeBrief : des fichiers Google Drive disparaissent, FreeBSD 14, caméras camouflées, OnePlus 12

Le poing Dev – round 6

Next 151

Produits dangereux sur le web : nouvelles obligations en vue pour les marketplaces

Droit 9
consommation de l'ia

Usages et frugalité : quelle place pour les IA dans la société de demain ?

IA 12

La NASA établit une liaison laser à 16 millions de km, les essais continuent

Science 17
Concept de CPU

Semi-conducteurs : un important accord entre l’Europe et l’Inde

Hard 7

#LeBrief : PS5 Slim en France, Valeo porte plainte contre NVIDIA, pertes publicitaires X/Twitter

next n'a pas de brief le week-end

Le Brief ne travaille pas le week-end.
C'est dur, mais c'est comme ça.
Allez donc dans une forêt lointaine,
Éloignez-vous de ce clavier pour une fois !

Commentaires (9)


Ami-Kuns Abonné
Il y a 4 ans

Plus qu’à trouver un moyen de propulsion rapide pour la visiter, en laissant le maximum de nos conneries sur Terre.😅


Jonathan Livingston Abonné
Il y a 4 ans

Mouais… comme dit dans l’article, elle n’est probablement pas habitable (au sens des astronomes, c’est-à-dire pouvant abriter de la vie), et encore moins habitable pour nous…
Les naines rouges ont des sursauts de radiations violents et fréquents, et en plus leur faible luminosité fait que leur zone habitable est proche de l’étoile. Comme elle sont les plus nombreuses dans la galaxie, et que leur petite taille et faible luminosité rend plus facile la détection d’une planète de la taille de la Terre, ce genre de découverte est relativement fréquent. On attend toujours de pouvoir détecter une planète semblable à la Terre dans la zone d’habitabilité d’une étoile semblable au Soleil, et de préférence pas trop éloignée pour qu’on puisse ensuite espérer analyser leur atmosphère.


Ami-Kuns Abonné
Il y a 4 ans

J’ai dit visiter, je n’ai pas parler de colonisation, et vu l’écart temporel du à la distance, il peut y avoir plein de changements.


barlav Abonné
Il y a 4 ans






Ami-Kuns a écrit :

Plus qu’à trouver un moyen de propulsion rapide pour la visiter…



Bah, sachant que ce qu’on voit date d’il y a 300ans, donc si jamais un jour on sait envoyer une sonde de la taille d’un photon à la vitesse de la lumière, ben il se prendra 600ans d’évolution dans les dents; et il nous renverra au mieux l’info de la situation dans 600ans.
<img data-src=" />
Désolé de vous rappeler notre triste destin de terrien.
<img data-src=" />
La terre est une terre d’accueil pour énormément de formes de vie de façons simple; dont la tique, le moustique etc…
Mais balancer une sonde pour espérer avoir un retour dans 12 à 24 générations, même si on en avait la capacité, je ne pense pas que ce soit l’ambition humaine actuelle.
<img data-src=" />



Ayak973
Il y a 4 ans






Ami-Kuns a écrit :

…en laissant le maximum de nos conneries sur Terre.😅



Dont l’être humain <img data-src=" />



Ami-Kuns Abonné
Il y a 4 ans

C’est se que j’entends par “nos”.


ndjpoye
Il y a 4 ans






Ayak973 a écrit :

Dont l’être humain <img data-src=" />


On y envois tout le vivant…. sauf nous&nbsp;<img data-src=" />



the_Grim_Reaper Abonné
Il y a 4 ans






ndjpoye a écrit :

On y envois tout le vivant…. sauf nous <img data-src=" />


On envoi Skynet aussi ? <img data-src=" />



la_hyene Abonné
Il y a 4 ans

Ce qui nous manque c’est la propulsion et ni nous, ni nos enfants pour ceux qui en auront (ou en ont) ne verront jamais ces mondes. De plus si c’est pour faire les mêmes conneries… On a pas de rechange. Il faut investir dans ce qui améliorera la vie ici. Certains diront comme faire disparaître Donald<img data-src=" />