Trappist-1 : les 7 exoplanètes pesées « avec une précision inédite »… mais comment fait-on ?

Avec un chronomètre… Kamoulox ?

Trappist-1 : les 7 exoplanètes pesées « avec une précision inédite »… mais comment fait-on ?

Trappist-1 : les 7 exoplanètes pesées « avec une précision inédite »… mais comment fait-on ?

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Dans l’espace, il n’y a pas de balance pour « peser » les exoplanètes, encore moins celles se trouvant à des dizaines d’années-lumière. Tels des MacGyver de l’espace, les scientifiques ont simplement besoin d’un chronomètre et de la patience pour pouvoir estimer/déduire la masse des exoplanètes. Explications.

Cela fait maintenant presque quatre ans que le système solaire Trappist-1 a fait parler de lui. Autour de son étoile (Trappist-1a) orbitent sept exoplanètes (Trappist-1b à 1h) de taille et masse comparables à celles de la Terre. Une découverte importante sur le plan scientifique, d’autant que certaines peuvent en plus abriter de l’eau liquide, mais qui a (comme toujours en pareille situation) lancé la machine a spéculations et fantasmes.

Une précision de 3 à 5 % sur la masse des exoplanètes

Dans un article scientifique tout juste publié par Planetary Sciences Journal (mais qui était déjà disponible sur ArXiv depuis octobre 2020), une équipe de chercheurs emmenée par Éric Agol annonce avoir caractérisé avec une « précision inédite » les sept exoplanètes.

C’est notamment le cas de leur masse avec une « précision de 3 % à 5 % », de leur rayon et de divers paramètres orbitaux. Toutes les données brutes sont disponibles par ici, mais ne représentent pas un intérêt particulier pour le grand public.

Cette publication est néanmoins l’occasion d’expliquer comment les scientifiques ont réussi à estimer avec une telle précision la masse d’exoplanètes situées à près de 40 années-lumière de la Terre. Réponse courte : avec un chronomètre, de l’ingéniosité et beaucoup de calculs.

On sort le chronomètre pour mesurer le « Transit Timing Variations »

Depuis la Terre, on ne peut pas observer directement les exoplanètes, car elles sont bien trop petites et n’émettent pas de lumière contrairement aux étoiles. Les astronomes ont néanmoins une astuce à leur service : la méthode du transit.

Pour faire simple, il s’agit de mesurer la lumière envoyée par une étoile et de traquer les petites baisses de luminosités, signes du passage d‘une exoplanète dans le champ. En mesurant le temps entre deux transits, les chercheurs peuvent en déduire rapidement la période orbitale. 

L’astrophysicien Franck Selsis (CNRS, laboratoire d'astrophysique de Bordeaux) ayant participé aux travaux rappelle qu’une « planète orbitant seule ou suffisamment loin de ses autres compagnons planétaires gravite autour de son étoile sur une orbite strictement périodique, dite képlérienne, et son année a une durée fixe invariable ».

Les choses se compliquent lorsque d’autres exoplanètes sont présentes : dans ce cas, « l’orbite est perturbée ». Ce sont notamment de petits décalages dans l’orbite d’Uranus qui ont conduit Urbain Le Verrier à prédire l’existence de Neptune en 1846, uniquement par le calcul. 

Dans le cas de Trappist-1, les sept exoplanètes se tiennent dans un mouchoir de poche (ou presque), chacune modifiant donc plus ou moins les orbites de ses sœurs : « Les interactions gravitationnelles entre les planètes font que ces transits ne se produisent pas de façon strictement périodique, mais avec une avance ou un retard pouvant atteindre plusieurs dizaines de minutes. On appelle le chronométrage de ces retards et avances des TTV (Transit Timing Variations) ».

Trappist-1
Crédits : CNRS

447 transits opposés à des simulations

Les écarts de temps dépendent de plusieurs paramètres : « période orbitale, excentricité, inclinaison des orbites entre elles et bien entendu de la masse des planètes », détaille Franck Selsis. « Si nous connaissions parfaitement ces grandeurs, nous pourrions prédire tout aussi parfaitement le moment exact des transits. Mais le problème inverse consistant à caractériser les planètes et leurs orbites à partir du chronométrage des transits est autrement plus complexe… », explique-t-il.

Pour affiner leurs modèles, les chercheurs ont pu s’appuyer sur pas moins de 447 mesures de transits, dont une grosse partie vient de télescopes dans l’espace : 188 pour Spitzer et 122 pour K2. Plus une exoplanète est proche de son étoile, plus elle fait un tour rapidement et donc plus le nombre de transits mesurés sur une période est important. Trappist-1b a eu droit à 160 mesures, 1c à 107, et ainsi de suite jusqu’à 1h avec 14 transits.

Le principe de base est le suivant : les chercheurs lancent alors des simulations complexes « avec un modèle à huit corps [une étoile et sept exoplanètes, ndlr] en essayant à chaque simulation un jeu de masses et de paramètres orbitaux différent ». Ils ne conservent ensuite que les simulations « compatibles avec les observations, qui contraignent ainsi ces paramètres ».

Simple en théorie, mais en pratique « cela fait beaucoup de paramètres indépendants et cette méthode pourrait prendre un temps considérable même sur de puissants ordinateurs ; il a donc fallu imaginer des méthodes statistiques beaucoup plus malignes, et inédites, pour explorer cet espace des paramètres », explique Franck Selsis sans pour autant entrer dans les détails. Dans tous les cas, le principe de base est là. 

Trappist-1

Crédits : The Planetary Science Journal

La réalité colle parfaitement à la simulation (et vice-versa)

D’autres exoplanètes se trouvent-elles dans le système Trappist-1 ? Pour le chercheur du CNRS, « il n’y a pas de place entre les planètes, mais il pourrait y avoir des planètes au-delà de la planète h (la plus externe) ou entre l’étoile et la planète b (la plus interne) ». 

En théorie, de telles exoplanètes pourraient ne jamais passer devant leur étoile à cause d’une orbite plus inclinée, mais les mesures et les simulations semblent dire le contraire : « Dans ce cas, selon les masses et les orbites de ces planètes additionnelles, nous aurions pu nous trouver incapables de reproduire les variations de temps de transit du système. Mais ce n’est pas le cas. On pourrait également améliorer cet accord en ajoutant une planète, mais ce n’est pas non plus ce qui se passe ».

Pour autant, l’existence d’au moins une autre exoplanète n’est pas totalement à exclure, mais elle serait alors « trop peu massive ou trop loin pour perturber les planètes connues de façon détectable dans les données actuelles ».

Trappist-1Trappist-1

James Webb maintenant attendu de pied ferme

Améliorer significativement nos connaissances sur leurs masse et diamètre permet de faire de même sur les hypothèses concernant leur composition, notamment la teneur en eau : 

« On voit que la densité des planètes est compatible avec une composition à peu près terrestre, légèrement moins dense. Cette densité plus faible peut s’expliquer de différentes façons : soit par une plus grande teneur en eau que la Terre (qui vaut un peu moins que 0,1 % de sa masse), soit par une teneur moindre en fer.

Nous pouvons mettre des limites supérieures sur la quantité d’eau : pour les planètes externes, à partir de la planète e, la teneur en eau ne peut dépasser 5–10 % de la masse totale. Pour les planètes plus internes (b, c et d) où l’eau ne peut exister à l’état liquide et doit former une atmosphère, la contrainte est plus forte car le rayon apparent de la planète est très augmentée par une telle enveloppe de vapeur : ces planètes sont au moins 10 % plus sèches que la Terre ».

Maintenant que Trappist-1 est mieux connu, les astronomes peuvent faire le chemin inverse : utiliser les simulations pour prévoir les transits afin de « planifier et optimiser les observations avec le télescope spatial James Webb qui sera lancé » en octobre 2021, sauf s’il est de nouveau retardé.

Les chercheurs pourront alors poursuivre la caractérisation des sept exoplanètes et, pourquoi pas, essayer d’observer leur atmosphère , si elles en ont une. Une ligne à ajouter dans la déjà longue liste des choses à faire…

Commentaires (6)


Comme cité dans la section 5 paragraphe 2, si l’angle de visée entre la terre, l’étoile et le plan de ses corps est de plus de quelques degrés, il est impossible de déterminer l’existence ou non de corps autour de cette dîtes étoile. Et on se retrouve surement à passer à coté de nombreux systèmes solaires complets dans lesquels la vie existe potentiellement :craint:



La réalité colle parfaitement à la simulation (et vice-versa)




:chant:



linkin623 a dit:


:chant:




Ne pas oublier de mettre les références précises :
https://www.youtube.com/watch?v=ZTeqM5gciH8 :inpactitude:
Je sors.


et tout deviendra clair !



palactu a dit:


Ne pas oublier de mettre les références précises : https://www.youtube.com/watch?v=ZTeqM5gciH8 :inpactitude: Je sors.




:D :mdr:


Oui j’arrive après la guerre mais ils sont toujours vraiment bien ces articles. Merci pour la pédagogie !


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